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Les facteurs de diagnostic culturel - Comparaison entre la France et la Roumanie

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Les facteurs de diagnostic culturel

Comparaison entre la France et la Roumanie



'Il faut deux visages à la culture [vérité]:

 l'un pour notre aller, l'autre pour notre retour.'

 (Notre paraphrase de René Char)

On définit la culture en général comme un systÈme de significations appris et partagé entre la majorité des membres d’un groupe.

Dans les années 70, Geertz (1973) crée un concept innovateur, l’anthropologie industrielle en partant de l’anthropologie cognitive, et à l’aide du concept d’action de Max Weber. Il réalise une conceptualisation de la “ culture ”  en se basant sur une conception interactionniste, et se place du point de vue des personnes étudiées. Il conclut ainsi que les cultures sont ne sont pas des concepts théoriques mais un réseau de fils qui seraient tissés, tressés, et amarrés ensemble par les communications humaines.

Selon Wieviorka, la 'modernité' a été forgée en traçant une ligne de démarcation entre la sphÈre publique et la sphÈre privée (Wieviorka apud De Carlo, 1998 : p.37). La sphÈre publique met tous les citoyens – et, en extrapolant, les employés dans une organisation multinationale – sur le mÊme pied d’égalité pour qu’ils se conforment à l’ensemble des rÈgles que gÈre la vie collective. Les différences sont tolérées seulement à l’intérieur de la sphÈre privée et ne doivent jamais dépasser cet espace. Ce modÈle est basé sur la séparation des dimensions politique et identitaire de l’individu et sur l’opposition culture d’origine/culture d’accueil sans tenir compte de l’inévitable processus syncrétique qui caractérise tout contact culturel.

 Le multiculturalisme en tant que tentative de dépasser les deux positions mentionnées plus haut, présente des acceptions différentes, souvent contradictoires, selon qu'on l'utilise au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Europe ou ailleurs. Dans la conception française cette notion représente  'un des modÈles possibles de l'intégration à la communauté politique et nationale des populations immigrées.'

(https://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Multiculturalisme, 2006).

Le terme d’interculturel est en général utilisé en opposition avec celui de multiculturel non seulement parce qu’ils ont des origines différentes (française et anglaise) mais aussi par ce qu’ils expriment deux perspectives différentes : l’un est plutôt descriptif, l’autre est plus centré autour de l’action. Il est certain que tant la multiculturalité que l'interculturalité proposent, en partant de la diversité cultuelle, des modÈles de société dans laquelle sont mises en valeur tant la conservation que le développement des identités spécifiques et la communication interculturelle.

Si les nations industrielles d’aujourd’hui n’atteignent pas le mÊme degré d’homogénéité que les tribus primitives étudiées par les anthropologues, elles sont néanmoins à l’origine d’une programmation mentale forte de leurs citoyens (Hofstede, 1994). Le 'réflexe culturel' est largement inconscient et ne peut Être que difficilement surmonté. La gestion des connaissances dans le domaine des ressources humaines dans une entreprise multinationale part des compétences culturelles des employés (supposant la connaissance d’une certaine culture de provenance et l’action conformément aux savoirs-faire préconisés par cette culture ainsi que de la capacité de l’individu à s’approprier le systÈme de normes d’une autre culture et de se comporter de maniÈre adéquate dans ce contexte culturel différent (Niklas, 1995). Cette 'capacité de comprendre des situations interculturelles et de s’y adapter ' (Kiechl, 1997) est appelée compétence interculturelle

Si elle comporte des savoirs et savoirs-faire riches et variés elle comprend notamment deux volets principaux :

le premier est spécifique à une ou plusieurs cultures précises et pourrait Être appelé 'compétence culturelle' ; il inclut a connaissance de cette culture, de ses valeurs et des comportements jugés adéquats, ainsi que la capacité d’adaptation aux 'maniÈres de faire' préconisées par cette culture;

le second n’est pas spécifique à une culture précise mais concerne l’interculturel en général et l’on l’appelle 'la compétence multiculturelle'. Celle-ci comprend une sensibilité à la diversité humaine, l’adoption d’une vision non ethnocentrique et un comportement qui y correspond basé sur la tolérance à la différence et l’empathie : Elle permet des interactions interculturelles réussies sans une connaissance précise de la culture de l’autre.

Résumons :

Compétence interculturelle

Capacité de comprendre les différences culturelles et de s’y adapter

Compétence culturelle

Connaissance d’une culture précise et capacité de s’y adapter

Compétence multiculturelle

Compréhension de l’interaction interculturelle en général et capacité de s’y adapter, à travers la tolérance et l’empathie

La culture d’entreprise ou la culture organisationnelle représente les savoirs que l’entreprise développe et qui lui permettent d’atteindre un certain niveau de compétitivité actuelle et prévisionnelle.

Selon Mintzberg (1982, apud Chevrier, 2003, p. 108 ) la culture d’entreprise peut Être réalisée par  le processus de travail et par les valeurs idéologiques partagées. Il considÈre, pratiquement, que les postes de cadres sont accordés aux personnes fidÈles aux valeurs proclamées.

G. Hofstede a étudié entre 1968 et 1972 des organisations multinationales, en particulier les filiales d’IBM, dans 53 pays et 3 régions du monde, regroupant plusieurs nations. L’étude initiale comportait 40 pays seulement, mais la deuxiÈme y inclut 13 pays supplémentaires et 3 régions. Hofstede a démontré que les références culturelles locales peuvent subsister mÊme dans une entreprise ayant une réputation grace à sa culture puissante. La culture d’entreprise représente, selon Hofstede (apud Gh., Gh. Ionescu, 2001: p. 83) 'les fondements de la pensée, des sentiments et des actions individuelles, organisationnelles et nationales, étant définie comme une programmation mentale collective à travers laquelle les membres d’un groupe se différencient des composants d’un autre groupe.' La culture organisationnelle est une grille (Bogathy, 2002 : p. 70) d’interprétation de la realité de l’entreprise et, en mÊme temps, d’orientation de la gestion de l’organisation.

Un facteur majeur autour duquel est coagulée une culture d’entreprise multinationale c’est l’identité nationale qui représente, selon Gavreliuc (2002 : p. 313), 'moins un héritage organique générée par l’appartenance à une certaine ethnie, à une certaine langue ou tradition, qu’une éternelle construction et négociation culturelle.' E. M. Lipiansky (1991, apud Gavreliuc, 2002, p. 314) souligne dans une étude sur l’identité nationale française que le fait d’appartenir à une nation doit Être compris avant tout comme un phénomÈne subjectif, comme une image du soi qui est à la fois représentation et sentiment.

Il s’agit, dans le cas de l’identité nationale d’une identité collective qui est l’aptitude d’une communauté de se reconnaitre en tant que groupe. En ce qui concerne l’extérieur du groupe, la construction d’une identité collective implique un mouvement de différenciation d’oÙ l’on part pour aboutir à l’affirmation de l’autonomie collective. A l’intérieur du groupe elle engendre, au contraire, un effet de fusion que annule la multiplicité des appartenances Dictionnaire de la sociologie, 1989 : p.102). On peut appliquer cette définition à la l’identité d’un groupe d’entreprise.

La description et les caractéristiques des quatre dimensions d'une culture nationale se présente, Hofstede (1987) de la maniÈre suivante:

Élevée

Faible

Distance hiérarchique degré d'acceptation par une société de la distribution inégale du pouvoir dans les institutions et les organisations.

  • acceptation de l'hiérarchie
  • tolérances des inégalités
  • les inégalités doivent Être justifiées
  • l'égalité entre les individus et l’idéal visé

Contrôle de l'incertitude propension d'une société à se sentir menacée par des situations incertaines ou ambiguës.

codes rigides de comportement et de croyances

les différences sont mieux tolérées

la pratique est plus importante que le principe

Individualisme disposition des membres d'une société à se prendre en charge ainsi que leur famille proche.

acceptation de la responsabilité individuelle

le « je » est trÈs important

cadre social serré, oÙ on s'attend à ce que les gens soient pris en charge par les membres de leur groupe (parenté, clans, organisations)

le « nous » est trÈs important

Masculinité : tendance d'une société à valoriser l'avancement, l'héroÃsme, l'affirmation de soi et la réussite matérielle plutôt que les relations, la modestie, l'attention aux faibles et la qualité de vie.

différences sociales optimales (les hommes travaillent, les femmes élÈvent les enfants)

société axée sur le rendement

différences sociales réduites, rôles et prises de décisions partagés par les deux sexes

société axée sur le bien-Être des membres

Nous allons nous arrÊter sur la France et mentionner quelques particularités tirées de l’étude de Hofstede. Ses conclusions vont nous servir pendant notre analyse. En France l’accent va sur la logique et la raison, avec la mise en évidence des opinions individuelles.

L’élan est considéré comme important pour le succÈs organisationnel. La communication unidirectionnelle est relativement acceptable. Il est important d’Être en France un esprit aigu, ferme et de grande confiance. La France est caractérisée par un haut contrôle de l’incertitude, par une assez faible mise d’accent sur la masculinité et par une distance importante par rapport au pouvoir.

L’étude des facteurs culturels de la Roumanie a été aussi entreprise par Gallup Organization de Roumanie, en janvier 2005, à l’aide du Module de Valeur de la Surveillance de 1994 (Value Survey Module, VSM94), instrument développé en base des recherches de Hofstede par l’Institut pour la Recherche sur la Communication Interculturelle (Institute for Research on Intercultural Communication, IRIC). L’analyse inclut une présentation générale des cinq dimensions d’une culture (le dégré de distance hiérarchique/PDI, d’individualisme/IDV, de masculinité/MAS, de contrôle de l’incertitude/UAI et d’orientation à long terme/LTO),

et les résultats de l’enquÊte effectuée en Roumanie, en comparaison avec d’autres pays, notamment avec la Bulgarie, ainsi que les conclusions qui en découlent. Elle a été suivie d’un deuxiÈme volet en mars 2005, réalisé pour valider les résultats d’une des dimensions.

Vue la grande distance envers l’autorité des deux cultures, française et roumaine, tant les cadres français que les employés roumains sont habitués à une organisation ayant une structure bien hiérarchisée oÙ l’on met l’accent sur la discipline et oÙ l’on manifeste de la déférence vis-à-vis des détenteurs d’autorité. Le score de la Roumanie sur la dimension PDI explique ainsi le comportement des Roumains qui préfÈrent à ne pas intervenir dans l’exercice de l’autorité et à se soumettre aux ordres reçus (l’ajustement mutuel et la supervision directe étant les procédés les plus utilisés par leur transmission et application). La seule raison qui puisse encore créer une distance dans les rapports franco-roumains dans le réseau culturel français en Roumanie serait les discordances salariales qui persistent encore entre les cadres français et les recrutés locaux.

En ce qui concerne le IDV la Roumanie est caractérisée par le collectivisme, ce qui explique la bonne cohésion de l’équipe roumaine mais aussi les relations étroites et les amitiés entre des cadres français et des membres du personnel roumain. Cet esprit d’équipe est dÛ aussi au fait que les deux cultures, roumaine et française, présentent un degré modéré de masculinité, ce qui entraine une orientation envers les personnes ('people orientation'), par la préférence pour l’harmonie et la coopération, par une grande importance accordée à la qualité de la vie dans le travail. La France, en revanche, est hautement individualiste, étant une culture qui encourage tant l’indépendance que la liberté de l’individu vis-à-vis du groupe auquel il appartient, ce qui s’est traduit au niveau de la gestion des ressources humaines au CCF de Timisoara par l’encouragement de la compétition entre les employés et, notamment, entre les établissements du réseau.

Hofstede a souligné par ailleurs l’importance de l’intuition et de l’émotion dans les cultures labellisées 'féminines', et ceci explique l’enthousiasme et l’abnégation des membres de l’équipe franco-roumaines des entreprises / institutions de Timisoara (comme Alcatel, le Centre Culturel Français) qui ne mesurent leur temps ni dans l’accomplissement des taches ni lors des rencontres communes en dehors du travail.

Le score de féminité des deux pays atteste également le fait que les rôles entre les sexes ne sont pas prédéterminés, et que les femmes et les hommes peuvent occuper les fonctions sans discrimination, ce qui a été pleinement démontré par l’existence de femmes françaises directrices (2, par rapport aux hommes : 3) et attachées de coopération pour le français (1, par rapport aux hommes : 3), et par la composition mixte de l’équipe roumaine, en précisant que les coordonnateurs des principaux secteurs sont des femmes, et que, le nombre des employés de sexe féminin est plus grand.

Un degré élevé du contrôle de l’incertitude (UAI) est spécifique pour les deux cultures, roumaine et française, ce qui indique le fait qu’elles appartiennent à un pattern culturel qui accepte plus rapidement le changement et s’assume plus de grands risques. Cette caractéristique a contribué à une adaptation plus rapide des expatriés français. Quant aux Roumains elle s’exprime par un degré élevé d’anxiété en ce qui concerne l’avenir et par une attitude souvent déconcertée dans des situations ambiguës et devant des opinions contraires des autres (voire des cadres français). L’incertitude est à l’origine de certaines pressions, au sein de l’équipe binationale, favorisant l’impulsion du moment, l’empressement, l’expression de l’émotion négative. Pourtant, la bonne conséquence de ce score est que les Français aussi bien que les Roumains préfÈrent les situations de consensus.

L’incertitude élevée ainsi que l’orientation plutôt à court terme des deux cultures expliquent leur regard tourné plutôt vers le présent et le passé, et le goÛt pour la conservation des traditions et des coutumes sans renoncer pour autant à la découverte d’autres cultures. C’est un côté qui stimule, en fait, le dialogue et la communication.

A ces quatre facteurs culturels identifiés par Hofstede on pourrait rajouter un cinquiÈme, l’orientation. L’orientation est, en termes généraux, habileté à évaluer la relation de l’individu avec l’environnement et à traiter les modifications issues de cette relation. Les sociologues Kluckhohn et Strodtbeck ont établi les critÈres de l’orientation des valeurs. (1961: p.4 et suivantes) :

L‘orientation de l’activité. La question porte sur le mode de manifestation de l’expression de soi dans l’activité: Être, Être en devenir, ou agir?

L‘orientation par rapport à la nature humaine. Le concept repose sur la bonté, sur la neutralité ou sur la méchanceté de l’individu vivant dans une culture considérée. La question vise l’aptitude de l’homme de changer.

L‘orientation par rapport à l’environnement humain met en question la capacité de l’Être humain de maitriser la nature, comme étant en harmonie avec elle ou comme lui étant soumis. Dans la culture nord-américaine est soulignée l’orientation de type maitrise sur la nature. Dans ce type de culture, l’individu est perçu comme ayant de l’initiative et une capacité de décision par rapport à son environnement.

L‘orientation par rapport au temps soulÈve le problÈme de la maniÈre des cultures d’aborder le temps: elles peuvent Être orientées vers le passé, vers le présent ou vers l’avenir. Par exemple la culture hispano-américaine est classée par Kluckhohn et Strodtbeck (1961) comme étant orientée vers le présent, et la culture nord-américaine comme orientée vers le futur.

L ‘orientation par rapport aux relations interhumaines. Il s’agit des relations et de l’interaction entre les personnes appartenant à un mÊme groupe (comme par exemple les employés dans une entreprise).

Hofstede parle lui-mÊme de l’orientation vers le long terme qui est la propension des membres d ’une culture à montrer une perspective de vie pragmatique, orientée vers le future plutôt qu’un point de vue historique à court terme.

Annexe 1. Tableaux comparatifs des variations culturelles françaises et roumaines

Pays

Distance hiérarchique (PDI)

Individualisme

(IDV)

Masculinité

(MAS)

Contrôle de l’incertitude (UAI)

Orientation à long terme
(LTO)

France

faible

Roumanie

Sources: Geert Hofstede, https://spectrum.troy.edu/~vorism/hofstede.htm et Adina Luca, https://customer.kinecto.ro/2005/Interact/Overview%20Cross%20Cultural.pdf.

Source : Geert Hofstede

https://www.geert-hofstede.com

 


CONCLUSION

Nous avons essayé de rapprocher les deux cultures, française et roumaine, par le biais d’une comparaison culturelle sans avoir nullement l’intention de vouloir offrir des schémas sÈches et immuables. On a affaire, en effet, à une époque oÙ, surtout dans les pays ex-communistes de l’Europe Centrale et de l’Est, les mentalités, les facteurs culturels bougent, se transforment et s’influencent réciproquement aux contacts interculturels spécifique à une entité socio-géopolitique qu’est l’Union Européenne. Et ce n’est pas par hasard que la devise de l’Union Européenne est l’unité en diversité

L’anthropologue nord-américain Hall (1979, p. 164) nous dit bien que toute recherche interculturelle ne pourra fournir qu’une vision insuffisante, voire biaisée de leur propre systÈme culturel.

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