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Les voi(es)(x) de la communication

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Les voi(es)(x) de la communication

Un ami affectueux est avant tout une voix qui affecte l'oreille.



Herman PARRET

Le monde a toujours été à la communication. L'évangile selon Jean présente Jésus comme la Parole éternelle de Dieu qui se fait homme et vient vivre avec les humains, présence parmi eux de la vie, de la lumiÈre et de la vérité : 'Au commencement, lorsque Dieu créa le monde, la Parole existait déjà' (JEAN, 1.1).

Dans la nature, toutes les espÈces vivantes communiquent. Les codes, les signaux ne sont étrangers ni au rÈgne végétal, ni au rÈgne animal, mais l'espÈce humaine présente une particularité : elle possÈde, entre autres aptitudes, la faculté de communiquer la pensée par un systÈme de sons articulés.

La premiÈre idée qui nous vient à l'esprit pour entrer en contact, pour communiquer c'est d'utiliser la parole, les choix opérés se pliant généralement aux coutumes en vigueur à l'intérieur d'un groupe de locuteurs. Seulement, notre message linguistique est 'doublé' ou mÊme 'remplacé' par d'autres instruments de communication, qui passent par le regard, par nos attitudes (conscientes ou inconscientes), nos corps pouvant se passer de la voix, le silence se chargeant de signification(s).

Aussi sommes-nous loin de soutenir que le Verbe, voire le signe linguistique, soit le seul code qui permette une communication effective.

L'Ère que nous traversons, parsemée de conflits sous-tendus par un désir non-avoué d'imposer une Vérité considérée unique, engendre (de maniÈre presque dangereuse) de plus en plus de moyens de communication. Les messages se construisent suite à des combats entre le signe linguistique et les repÈres culturels, trÈs souvent coincés lorsqu'il s'agit de trouver la voie la plus propice au dialogue. Torsionné par les rafales de la mondialisation, le tronc encore jeune des démocraties ' retrouvées ', dont nous faisons partie, se débat entre les racines figées dans un terrain considéré connu et la couronne qui voudrait prendre son envol vers un univers à connaitre.

Étymologiquement, communiquer c'est 'Être en relation avec', c'est un lien qui s'établit à l'intérieur d'un 'Être ensemble' soumis aux lois de l'existence (nous ne saurions ignorer que la langue roumaine a développé, en parallÈle avec a communica, le verbe a cumineca - 'communier, donner le sacrement de l'eucharistie' - dont la performance est consacrée à amender notre relation avec la Divinité).

Pour les humains c'est la vie. On ne peut vivre sans communiquer, on ne peut communiquer sans vivre. Encore faudrait-il tomber d'accord sur l'infinité de nuances que prend la communication selon le(s) niveau(x) au(x)quel(s) elle se situe, selon le(s) puits au(x)quel(s) elle se ressource.

Rattaché au monde vivant, le processus de la communication est censé transférer des énergies, des émotions, des sentiments, changer des significations, dans un perpétuel parcours entre l'éthos et le pathos. L'humanité doit à la communication la chance de développer sa faculté de raisonner, de connaitre, de créer. Un vide de communication est impossible à imaginer.

Éléments et niveaux de la communication humaine - RepÈres définitoires

La tentative, des fois velléitaire, le plus souvent étayée sur des arguments, de cerner l'ensemble des caractÈres circonscris au fait de communiquer remonte à l'antiquité. Les théoriciens, les Grecs surtout, s'y sont consacrés avec sérieux et le foisonnement d'études connues de nos jours montre la constante application de tous ceux qui, le long des siÈcles, s'en sont donné à coeur joie.

Il convient de dire que l'intérÊt pour l'étude de la communication a été stimulé par les progrÈs technologiques aussi, dont la nature a mis en évidence l'Être humain en tant qu'Être communicant. L'analyse psycho-sociologique insiste sur l'aspect de la situation sociale donnée, qui favorise l'ensemble des processus permettant l'échange de significations entre les personnes impliquées, en en soulignant le caractÈre interactionnel, dynamique.

La communication est beaucoup plus qu'un processus de transmission fondé sur l'interaction et l'on ne peut négliger le côté transactionnel dans les conditions de simultanéité de l'émission et de la réception. Les chercheurs dans le domaine des sciences sociales ont identifié nombre de formes de communication qui servent à transmettre d'une génération à l'autre ou d'un segment de société à un autre les mythes, les styles de vie, les coutumes, etc., ce qui a amené les politologues et les économistes à affirmer que le phénomÈne en question est à la base de l'ordre social.

Il est difficile aujourd'hui d'échapper à la communication. Notion carrefour permettant de rassembler des médias, des disciplines et des filiÈres universitaires, des méthodes de gestion des ressources humaines, des interactions sociales et des discours, la communication s'est d'autant mieux imposée que son contenu se dérobe à toute délimitation précise. Mais cette facilité a aussi son revers, car on peut parler de communication à propos de n'importe quel phénomÈne, dÈs lors qu'il se produit entre des Êtres vivants.

« La communication », Cahiers français nº 258, 1992 (cité dans FRECHET 1997 : 11)

De nos jours, l'intérÊt porte aussi sur ce qu'on appelle industrie(s) de communication en masse, sur les personnes qui y sont impliquées, sur l'impact avec le public. Les moyens pour mieux persuader, les technologies conseillées pour influencer les dispositions, les dynamiques de la communication verbale et non-verbale, voilà le nouveau champ d'étude de ceux qui espÈrent éclaircir les voi(es)(x) de la communication.

Processus dynamique, qui présuppose l'existence d'un message émanant d'une source, codifié sous forme de signaux dont le parcours (canal) est hérissé d'écueils sournois qui peuvent provoquer des distorsions, la communication ne peut aboutir qu'aprÈs un décodage qui assure aussi la rétroaction (feed-back).

L'évolution du procÈs est sous-tendue par les participants essentiels à l'acte (génériquement appelés émetteur et récepteur), par les instruments principaux (message et canal), par les activités essentielles (codage, décodage, réponse, feed-back), mais en égale mesure par les perturbations (bruits, malentendus, inattention, malveillance, etc.).

Quant au contexte (cadre), il convient d'en mentionner au moins quatre aspects, dimensions distinctes, scellés par une action mutuelle, qui peuvent influencer la nature et la qualité du message :

le contexte physique - défini par l'environnement concret et immédiatement tangible (l'endroit, la piÈce oÙ la communication se déroule) ;

la dimension sociale - qui comprend les relations entre les participants, leurs rôles, les normes culturelles (valeurs, croyances, traditions, tabous) ;

la dimension psychologique - présence ou absence d'hostilité(s), aspect officiel ou banal, sérieux ou dérisoire ;

la dimension temporelle - rattachée à la chronologie du message (moment historique, heure, jour, saison) .

Pour aboutir, la communication, suspendue entre l'émetteur et le récepteur, doit trouver la bonne voi(e)(x). Savoir les moduler. [Nous nous rappelons un épisode de notre expérience d'interprÈte. On nous avait demandé de traduire simultanément pour un un congrÈs de physique. Soucieuse de bien faire - l'interprétariat n'étant pas notre métier, ni le lexique de la physique le domaine d'étude - nous sommes allée pendant la premiÈre pause demander l'avis de nos invités français, un couple de physiciens de Paris : ' Je me débrouille bien ? Mon lexique de spécialité n'est pas trop déficitaire ? ' Les réponses nous laissÈrent perplexe. La dame : ' Oui, ça va. Vous traduisez correctement, allez !' Le monsieur : 'J'avoue ne pas avoir fait atten-tion au contenu. J'ai écouté votre voix, vous avez une voix si envoutante !' La dame : ' Tiens, c'est vrai, je l'ai remarqué aussi !' Et dire que nous étions inquiÈte pour le message !].

La communication écrite semble limitée aux signes graphiques (grammaire, orthographe, mise en page à l'appui), mais la voix, qui occupe le devant de la scÈne en communication orale, n'en est pas absente pour autant. Nous croyons pouvoir affirmer que sa force s'impose mÊme à l'écrit, puisque nos lectures évoquent l'écho des voix de leurs auteurs et, faute de les connaitre, on les invente. La présence de la voix est incontournable ; Herman PARRET dédie plusieurs volumes à la phono-esthétique :

Je me propose dans ce cours de formuler en quoi la spécificité qualitative de la voix intervient dans les interactions communicationnelles. Il serait naÃf de penser que la communication optimale résulte d'un transfert transparent de l'information, d'un esprit à l'autre. La pragmatique de la conversation, du dialogue et de n'importe quel type d'interaction communicationnelle nous a appris que la communication dépend essentiellement des attitudes réciproques des interlocuteurs - attitudes épistémiques et érotétiques, attitudes de croyance et de volonté. L'opacité des corps ajoute au mystÈre séducteur de l'Être-ensemble, et les voix « disantes » des sujets marquent le degré d'intensité communicationnelle par leur esthétique. La phono-esthétique, on l'a dit, développe précisément cette perspective : la voix, en tant qu'ambiance sensible et temporalisée, invite l'interprétant à la saisie d'une qualité séductrice qui l'attire vers l'autre sujet dont chaque parole est une requÊte de jonction et de fusion. Et la communication humaine, à l'instar de la communication des anges, voire des machines, est de par son essence vocale. Le corps-fait-voix pÈse sur l'intersubjectivité des Êtres humains, il lui confÈre sa temporalité.

(PARRET 1998 : 24)

De toute évidence, l'émetteur doit mettre à profit les moyens les plus efficaces, il doit en créer, si nécessaire de nouveaux, sans oublier que le plan strictement verbal est doublé de signes /signaux non-verbaux qui peuvent servir ou desservir la communication.

Dans le processus de la communication, le message en est l'objet. Pour que son effet soit conforme à l'intention, il faut prendre en compte à la fois les niveaux logique, paraverbal, paralinguistique et non-verbal, ainsi que la crédibilité de la source et sa compétence. En fait, le but est de capter l'attention du récepteur, de le faire reconnaitre et accepter l'intention de l'émetteur, de le faire comprendre et réagir. La voie qu'utilisent les messages pour circuler c'est le canal. Nous rappelons que médium, média ou support peuvent Être synonymes de 'canal'. Les canaux sont multiples et ils visent nos cinq sens, aussi peut-on déceler cinq types de messages : sonores (paroles, musique, bruits …), visuels (images, vÊtements, gestes…), tactiles (attouchements, rugosité, moiteur ou autre qualité d'un objet), gustatifs (nourriture, objets que l'on porte à sa bouche - l'enfant apprend le monde en le 'mangeant' ! -), olfactifs (parfums, effluves, relents …).

Marshall Mac Luhan (cité par FRECHET 1997 : 15) affirmait que le fait essentiel de la communication c'est la communication elle-mÊme et ses médias, plutôt que le message communiqué. Le message, c'est-à-dire le contenu de la communication, n'est qu'un leurre qui détourne l'attention pendant que le médium exerce une action d'autant plus profonde qu'elle nous échappe. Cette idée se retrouve condensée dans l'opinion, restée célÈbre, de Mac Luhan : «Medium is message», désapprise, petit à petit, depuis.

L'efficacité du processus de communication, le codage et le décodage des significations transmises et/ou réceptées, dépend(ent) de l'utilisation d'un mÊme code aussi bien par l'émetteur que par le récepteur, compte tenu des interventions perturbantes qui peuvent s'interposer entre le moment de l''expéditon' et celui de la 'réception'. Plus le domaine d'expérience du récepteur s'identifie à celui de l'émetteur, plus leurs systÈmes de codage/décodage seront rapprochés, plus les chances d'un message 'effectivement accueilli' seront requi-ses, plus les possibilités de méprise/mésentente seront réduites.

Il semble que la communication verbale reste dans les bonnes graces des participants à l'acte, puisque le taux d'incompréhension s'y trouverait à des valeurs sensiblement inférieures.

La transmission et la perception du message sont influencées, sans nul doute, par la compétence de communication des deux pôles participant à l'acte. Il s'agit de savoir évaluer les influences du contexte sur le contenu, de maitriser la langue aussi bien que le domaine paralinguistique. L'enjeu est de taille : il faut se montrer adroit aussi bien en morpho-syntaxique, qu'en phonétique, ortho-graphe, sémantique, sémiotique, psychologie, anthropologie, bref, en communication multiculturelle. On risque de parler à un mur, mais les murs peuvent avoir des oreilles or, entre le néant de la surdité et le risque d'Être épié et dénoncé, il y a de quoi réfléchir au … silence…'zen'.

La période contemporaine accorde beaucoup d'importance à l'expérience des relations interhumaines, à la programmation neuro-linguistique, à la psychologie de l'individu et /ou du groupe, par souci de trouver les voies d'accélération des compétences de commu-nication. Nous n'allons plus reprendre la théorie chomskienne, mais nous accentuerons, néanmoins, l'idée que la performance est influen-cée par des facteurs tels l'anxiété, la fatigue, l'ennui, l'intérÊt, la capacité de concentration intellectuelle et, last but not least, les caractéristiques socio-culturelles.

Il n'est pas dépourvu d'intérÊt de reconnaitre dans la catégorie des processus psychiques définitoires pour la réception et influents pour la performance : l'attention sélective (le récepteur ne se penche que sur les stimuli qui exigent un minimum d'effort pour l'apport d'un maximum de récompense) ; la distorsion sélective (le récepteur perçoit uniquement ce qui est en concordance avec ses propres conceptions) ; la mémoire sélective (le récepteur peut retenir un message dans sa mémoire à court terme, lequel message, rafraichi par des moyens adéquats, peut passer dans la mémoire à long terme) qui peuvent déterminer une modification/adaptation/correction des attitudes et des conceptions.

L'expérience est une conditon nécessaire dans la réussite d'une communication à niveau supérieur; l'émetteur et le récepteur seront 'soumis' à un cadre commun de références, auquel on puisse renvoyer implicitement, sans compliquer le processus de la communication. Il serait également convenable que la personne-source du message ne l'emporte sur le cadre de références commun à tous les participants à l'acte de communication.

Sans faute, l'expérience des interlocuteurs, des participants impliqués, est sous-tendue par un 'équipement' culturel préexistant, dont l'éducation, le chargement affectif, etc..

On est d'accord que tout 'bruit' interposé entre l'émetteur et le récepteur peut distorsionner/perturber/détruire le message. Des fois il s'agit d'une interférence sonore, mais, le plus souvent, c'est l'auto-brouillage psychologique qui en est coupable. C'est une barriÈre perceptive à caractÈre paradoxal, vu qu'elle n'est pas due à des limites organiques ou fonctionnelles des dispositifs de réception et d'interpré-tation des 'informations' reçues, mais, tout au contraire, à une capaci-té supérieure de les traiter. Les recherches ont mis en évidence que le cerveau humain dispose de la capacité d'interpréter un flux sonore d'au moins 800 mots/minute, alors que le débit verbal d'un locuteur moyen ne peut atteindre que le quart de cette valeur, les trois quarts qui res-tent représentant une réserve d'interprétation de l'information. L'auto-brouillage psychologique est favorisé par la situation oÙ le flux verbal est plus lent; dans ces conditions il devient possible que le récepteur s'écarte du sujet de la communication en train de se dérouler. Les facteurs perturbants (dont la nature peut Être physiologique) inter-fÈrent avec le message ou se superposent à sa transmission physique; il peut s'agir de perturbations sonores (bruits parasites, mauvaise reproduction, extinction de voix), de faisceaux lumineux, d'odeurs méconnues, d'une température trop basse ou trop haute, de la faim, de la fatigue, de différents handicaps, etc.. Il faut mentionner que les bruits de nature psychologique interférant avec le message seulement sur le plan mental conduisent à des erreurs de perception qui tiennent des barriÈres culturelles, sociales et individuelles (facteurs de nature sémantique, conséquemment aux différences entre les ni-veaux linguistiques des participants à l'acte de communication - maitrise défectueuse de la 'norme', le jargon, l'argot, langage tech-nique, poétique, vulgaire, familial, etc.).

Pour Être effective, la communication doit fonctionner comme un systÈme circulaire, autorégulateur. L'élément central en est le feed-back :

Le mot 'feed-back', emprunté au vocabulaire de la Cybernétique est un vocable anglo-américain signifiant « information en retour » (les gras sont de nous), ou « contrôle récurrent » ou « rétro-action ».

R. Muchielli (cité dans FRECHET 1997 : 18)

La rétroaction représente toute forme de renseignement, information ou réponse que le récepteur renvoie à l'émetteur, lui permettant de 'juger de l'effet produit' (FRECHET 1997 : 18). Ignorer ce phénomÈne serait confondre information et communication. En tant que 'circulaire', le feed-back est vivant et social, puisqu'il intÈgre l'Autre. L'ajustement automatique de l'emetteur en fonction des effets verbaux et/ou non-verbaux que son message produit permet de savoir ce qu'il faut faire quand l'interlocuteur observe un silence, ne tient plus en place, tourne le regard, allume une cigarette, etc. .

Le feed-back se trouve en fait au service de l'écoute et de la compréhension, n'étant pas un simple écho, une répétition mécanique, mais une possibilité de répondre, de s'exprimer à son tour et, dans sa forme la plus élaborée, la réexpression. Cette réexpression s'ingénie à englober le dit (paroles, faits exprimés explicitement), le non-dit (ce qui est sous-entendu, sentiments, le contenu latent) et le/s compor-tement/s extérieur/s (signes non-verbaux, regard, mimique, etc.). Il est à retenir le caractÈre synthétique de la rétroaction ainsi que son utili-sation en tant que technique des moments difficiles, qui aide à sortir de l'impasse :

C'est (le feed-back, n.n.) le remÈde infaillible au 'dialogue de sourds'. (…)

Le feed-back est le seul garant d'une communication efficace (les gras sont de l'auteur), que ce soit dans une simple transmission d'ordre ou un entretien plus élaboré. Il nous oblige à nous situer sur le terrain de notre interlocuteur en essayant de saisir la situation de son point de vue; il invite à préciser le message.

(BIZOUARD 1995 : 82)

Tout acte de communication produit un effet, qui peut Être conforme aux attentes ou bien tout différent, voire opposé à ce que l'intention de l'émetteur voulait Être. Relativement à cet aspect, notre discussion va porter sur l'éthique de la communication, qui se charge d'évaluer tout acte, mÊme s'il échappe au niveau conscient. Par exemple, si une publicité avertie peut entrainer l'achat d'un produit nocif, la norme morale va intervenir, en en interdisant la vente.

L'efficacité d'un processus de communication se trouve sous l'emprise de facteurs importants, telle la concordance ou la non-concordance des opinions, croyances ou penchants de ses deux pôles. Maintes fois on envisage des influences qui changent l'avis de l'autre, son attitude, son comportement et cela est une question de pouvoir, d'expérience, de bon sens ou d'insolence / ce défi des coutumes, de ce qui se fait, de ce qui est socialement établi - v. l'étymon insolens 'qui n'a pas l'habitude de' (PR 2000 : 1327) - /.

L'insolence est une vertu que les gens vertueux ne supportent guÈre. Ils y voient comme un soupçon de ce qu'ils sont, une fÊlure dans les apparences qu'ils se donnent. Car l'insolence crée un décalage entre l'Être et le paraitre, elle met en question ceux qui socialement le sont rarement. Aujourd'hui la tolÈre-t-on encore moins que jadis. Sans doute parce que les sociétés occidentales se resserrent autour de leurs hiérarchies traditionnelles, espérant par là mieux affronter les défis du futur. Pas question de remettre en question. La peur du lendemain n'est pas étrangÈre au souci que chacun a de rester à sa place, comme pour mieux asseoir le bien-fondé à l'occuper.

Sortir du rang, voilà ce qu'est l'insolence; afficher un Être propre, une différence, au départ seulement insolite, avant qu'elle ne devienne une véritable insulte pour tous les autres qui se coulent dans les normes faites pour eux.

(MEYER 1995 : 9)

Le processus de communication peut avoir lieu à quatre niveaux importants, notamment :

INTRAPERSONNEL - C'est le retour sur soi-mÊme, c'est la 'voix intérieure', qui se charge de l'équilibre psychique de l'individu. C'est la maniÈre de se connaitre, de s'autoévaluer, de s'analyser, de réfléchir, délaborer des projets. C'est, à notre avis, le niveau d'entérinement de toute communication (v. aussi PASAT 1984, ainsi que l'application Sur la négociation, en fin de ce volume).

INTERPERSONNEL - Il s'agit de la forme de communi­cation le plus souvent rencontrée (décisive pour l'apparition, la consolidation ou la destruction des relations interhumaines), qui sous-tend l'existence sociale de l'homme, celui-ci étant pratiquement à la merci de son habileté d'engager un dialogue censé faciliter l'appréhension de ses semblables ainsi que la connaissance de soi.

DE GROUPE - À ce niveau, on peut parler de l'échange de significations à l'intérieur d'une équipe, d'une communauté, d'une organisation dont un individu fait partie et à laquelle il consacre le plus clair de son temps. C'est le cadre supposé bénéfique pour partager des - opinions, consolider son savoir, faire de nouvelles expériences, acquérir et développer des idées, résoudre des problÈmes.

DE MASSE - Nous sommes là devant la communication par les médias. On se sert de moyens de diffusion, distribution et transmission de signaux porteurs de messages écrits, sonores, visuels presse, cinéma, télévision, radiodiffusion, etc.) vers un public (plus ou moins) vaste et hétérogÈne.

Les éléments qui interviennent à chacun des niveaux mentionnés ci-dessus suggÈrent la dynamique des processus manifestes entre les partenaires de l'acte d'échange.

En tant qu'Êtres humains nous communiquons avec les autres, encore que la plupart de nous ne sachent le faire réellement de façon évidente et continuelle, car on ne peut plus limiter l'acte de communication à la simple intention de transmettre une information dans l'espoir naÃf que cette intention sera reconnue et correctement interprétée par le partenaire. Les gens construisent leur réalité à partir de leurs experiences et observations, étayées sur des valeurs héritées et/ou acquises. L'appartenance à telle ethnie, à telle catégorie d'age, à l'un ou l'autre des sexes, à une profession spécifique ne restera pas sans écho quant à la perception des faits et à l'interprétation des situations réelles. La personnalité de chacun intervient dans l'émission et le déchiffrement d'un message, un mÊme événement pouvant connaitre maintes versions, sous l'influence du point de vue qui l'a perçu, ce qui explique l'état de déchirement des 'incompris' :

En supposant les deux interlocuteurs le plus semblable possible, ils ont cependant des différences. MÊme s'ils ont des points communs, famille, travail ou chômage, engagement ou activité de loisir, ils se différencient sur la plupart. Ils ne peuvent en mÊme temps avoir tout à fait le mÊme age, habiter le mÊme quartier, la mÊme maison, avoir reçu la mÊme éducation, fréquenter la mÊme école, avoir les mÊmes amis, etc.

Leurs groupes d'origine (famille, pays, génération…) et leurs groupes d'appartenance (loisirs, profession, environ­nement…) diffÈrent un peu ou plus souvent beaucoup. Ce qu'on appelle quelquefois « le cadre de référence » joue sur la signification du message envoyé ou reçu. De plus ce message passera à travers le prisme déformant ou transformant de leur personnalité, de leur tempérament, de leurs attitudes intérieures, qui se traduiront par le ton, le comportement, à l'émission comme à la réception.

(BIZOUARD 1995 : 32)

Comprendre n'est pas toujours interpréter correctement et les mésententes pÈsent lourd sur le(s) comportement(s) qui en décou-le(nt). La réception d'un message doit se continuer par son approba-tion/sa réfutation et ce n'est que la réaction de l'autre qui peut entériner l'acte de communication.

Un aspect nullement négligeable dans la communication en général et dans la communication interculturelle en spécial se rat-tache au climat de confiance qui devrait régner entre les partenaires, étant donné que la gÊne ou la méfiance peuvent faire échouer les meilleures intentions d'implication dans la situation. Or, cet état n'est pas facilement atteignable tant que le savoir multiculturel fait défaut.

Le code verbal et le code non-verbal s'agencent et, si pour le premier, la plupart des fois on opÈre un choix aprÈs (mÛre) réflexion, les gestes, les attitudes se trouvent, au contraire, plutôt sous l'emprise de la composante instinctuelle. Les meilleurs acteurs-metteurs en scÈne ne sauraient y échapper. Ainsi est-il souhaitable d'avoir toujours à l'esprit aussi bien la nécessité de maitriser le penchant linguistique que l'utilité de ne pas se retrouver sur un terrain inconnu au-delà de la parole. Un fin observateur de la concordance /discordance entre les codes verbal et non-verbal a toutes les chances de décéler les moindres détails de la situation ( tout en se gardant de se prendre pour savant dans ce décodage) et cette observation globale, qui lui évitera d'interpréter une parole ou un geste pris isolément, peut conduire ses pas dans la voie royale.

'Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le coeur.', dit le Petit Prince à celui qui l'inventa.

Les gens ont pris l'habitude de décoder avec les oreilles, avec les yeux, voire, surtout dans les premiers mois de vie, avec la bouche.

Ils oublient trop souvent qu'il conviendrait de faire appel aussi à l'intelligence du coeur.



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