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PROFIL DE PHILOSOPHE
René Descartes
Philosophe, scientifique et mathématicien français, un des promoteurs du rationalisme moderne.
Descartes est né à La Haye (aujourd’hui Descartes, Indre-et-Loire), d’un père conseiller au Parlement de Rennes, et d’une mère décédée un an après sa naissance. De 1607 à 1615, il suit l’enseignement des jésuites au collège royal de La Flèche. En 1616, il passe à Poitiers une licence en droit, mais n’embrasse pas la carrière qui s’ouvre à lui. Il prend les armes et commence à voyager. En 1618, à Breda (Pays-Bas), il fait la rencontre d’Isaac Beeckman qui oriente de manière décisive sa vocation scientifique, puis voyage en Allemagne et en Italie. De 1625 à 1628, il fréquente les milieux scientifiques et littéraires parisiens, puis s’installe aux Pays-Bas, où il rédige l’essentiel de son œuvre philosophique et scientifique. Directement, ou par l’intermédiaire de l’abbé Mersenne, il est en contact avec de nombreuses personnalités scientifiques de l’époque, notamment Bérulle, Gassendi, Hobbes, Fermat, Arnauld et Pascal. Appelé à la cour de Suède en 1649, il meurt peu après à Stockholm, le 11 février 1650, léguant à la postérité une œuvre féconde et profondément novatrice.
L’unité du savoir
Dès l’élaboration des Règles pour la direction de l’esprit (inachevé, v. 1628), Descartes affirme l’unité du savoir et de l’esprit humain, nonobstant la diversité des objets auxquels il s’applique. Toutes les sciences sont subordonnées à une science première, la mathesis universalis, science universelle de l’ordre et de la mesure. C’est cette intuition fondamentale qui sous-tend le célèbre Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (publié sans nom d’auteur, 1637), dont le titre initialement prévu était Projet d’une Science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de perfection. C’est encore cette idée de l’unité de la science qui réapparait dans la Lettre-préface des Principes de la philosophie (1644, et 1647 pour la traduction française) où Descartes présente toute la philosophie comme un arbre dont «!les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale!».
La méthode
La découverte de la vérité dans les sciences est conditionnée par l’observation de «!règles certaines!». Ces règles n’ont rien de commun avec la méthode syllogistique, et les préceptes de la logique aristotélicienne traditionnellement enseignés dans les écoles, que Descartes juge stériles. Par son rejet de la logique aristotélicienne et sa recherche d’une méthode susceptible d’être appliquée à tous les domaines de la connaissance, l’entreprise de Descartes suit une voie déjà tracée en France par Ramus, en Angleterre par Bacon, ou en Italie par Campanella.
Le fondement de la méthode cartésienne est le rejet des connaissances conjecturales, et l’obéissance stricte à la règle d’évidence («!ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle!»). Toute démarche scientifique suit un cheminement qui doit commencer par les notions les plus simples, «!claires et distinctes!», et parvenir, par voie déductive, aux notions les plus composées qui dépendent des premières. Par leur procédé déductif et «!l’évidence de leurs raisons!», les mathématiques, et particulièrement la géométrie, fournissent le modèle méthodologique applicable à tous les champs du savoir.
Métaphysique
La méthode s’applique à tous les domaines du savoir, y compris la métaphysique. Dans le Discours de la méthode, puis surtout dans les Meditationes de prima philosophia (1641, titre latin original des Méditations métaphysiques), Descartes reprend les arguments du scepticisme pour rejeter toutes les connaissances qui ne résistent pas à la mise en doute. Mais le scepticisme est dépassé avec la découverte d’une vérité absolument première et indubitable, ego sum, ego existo («!je suis, j’existe!»), qui devient avec Descartes le fondement et le premier principe de toute connaissance. Ceci permet de mettre en évidence que l’esprit, ou res cogitans, ou encore «!substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser!», est entièrement et réellement distinct du corps auquel il est uni. La métaphysique cartésienne prouve l’existence de la nature pensante (l’ame), l’existence de Dieu (en reprenant l’argument ontologique de saint Anselme), et l’existence des choses matérielles (le monde). La théorie de la création des vérités éternelles, exposée dans les lettres à Mersenne de 1630, distingue Descartes à la fois de ses devanciers et de ses successeurs : alors que théologiens et philosophes soutiennent une certaine indépendance des vérités mathématiques et logiques par rapport à Dieu, Descartes considère au contraire que toute espèce de vérité dépend de Dieu — et non l’inverse : en tant que telle, toute vérité dépend d’une instauration arbitraire. Dieu, « puissance incompréhensible », a voulu que deux et deux fassent quatre, ou que deux propositions contradictoires ne puissent être simultanément vraies, mais il « aurait pu » vouloir et faire autrement.
Mathématique, physique, physiologie
Systématisant la géométrie analytique, il s’efforce le premier de classer les courbes d’après le type d’équations complexes qui les produisent. En mathématiques, on lui doit aussi l’usage consistant à utiliser les dernières lettres de l’alphabet pour désigner les valeurs inconnues, et les premières pour les valeurs connues, ainsi que la notation en exposant pour exprimer la puissance d’un nombre.
Toute la physique de Descartes est exposée dans le Monde (v. 1633), ouvrage que la condamnation de Galilée, en 1633, l’empêche de publier. Elle ne sera donc publiée que dans les parties II à IV des Principes de la philosophie (1644). La physique repose sur l’identification de la matière avec la pure et simple quantité géométrique (materia vel quantitas). Toutes les «!formes substantielles!» et les «!qualités réelles!» de la scolastique sont bannies du monde physique : la pesanteur et le mouvement sont ramenés à une explication purement mécaniste. Le monde n’est ni fini, ni infini, mais indéfini. L’existence du vide est rejetée comme contradictoire. Le principe d’inertie est acquis et clairement énoncé pour la première fois.
En physiologie, le modèle mécanique et l’automate servent de paradigme pour l’explication scientifique du vivant (Traité de l’Homme, v. 1633!; Description du corps humain, 1648).
Morale et politique
Lecteur de Montaigne, et conscient comme lui de l’inconstance des mœurs, Descartes pose néanmoins les fondements d’une éthique originale, quoiqu’influencée par le néo-stoïcisme chrétien de Juste Lipse et Guillaume du Vair. Développée dans la IIIe partie du Discours de la méthode, la correspondance avec Élisabeth et Chanut (1643-1649), et le Traité des Passions de l’Ame (1649), la morale cartésienne assimile la vertu à la ferme résolution de bien faire, et au «!bon usage du libre arbitre!», aussi appelé «!générosité!». À l’opposé de l’ascétisme moral, Descartes ne condamne pas les passions, nécessairement éprouvées par l’esprit en tant qu’il est uni au corps, et reconnait en elles un élément essentiel du bonheur.
Réception et postérité du cartésianisme
En son temps, Descartes a eu à faire face à l’hostilité des jésuites (Réponses aux septièmes objections) et de théologiens hollandais (Voetius). Sa tentative pour faire enseigner sa philosophie à l’université par l’intermédiaire du médecin Regius est un échec, et les deux hommes se brouillent. Malgré ces difficultés, la pensée cartésienne a profondément marqué toute la philosophie moderne. Malebranche, Pascal, Spinoza et Leibniz prennent appui sur son œuvre pour en prolonger les problématiques et pour la dépasser. La réception du cartésianisme se caractérise par quatre orientations majeures : la mise en relief de l’analyse des idées et des sensations (Locke, Berkeley, Hume), l’essor du mécanisme (La Mettrie), l’idéalisme (Kant, Fichte) qui prolonge l’affirmation du sujet transcendantal (condition de l’expérience), enfin une perspective rationaliste, voire positiviste. Ainsi l’on pourrait dire, en paraphrasant le propos de Withehead sur Platon, que toute la philosophie moderne s’écrit «!dans les marges de Descartes!».
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