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ELEMENTS DE PRAGMATIQUE

la grammaire



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DOCUMENTE SIMILARE

ELEMENTS DE PRAGMATIQUE



Chapitre I

ELEMENTS DE PRAGMATIQUE ENONCIATIVE

Les indices de la personne

le locuteur

On appelle situation d'énonciation la situation de communication dans laquelle un locuteur (celui qui parle ou qui écrit) s'adresse à un destinataire (l'auditeur ou le lecteur).

Le locuteur peut manifester sa présence dans le texte à travers plusieurs indices :

Les pronoms personnels de la 1re personne du singulier (je, me, moi).

Il peut arriver que le locuteur s'exprime à la Ve personne du pluriel (nous) : on parle alors de nous de modestie.

Les adjectifs possessifs de la Ve personne du singulier ou du pluriel (mon, ma, mes, notre, nos).

Celui qui parle n'est pas toujours l'auteur. Ce peut être un personnage à qui l'auteur donne la parole.

Exercices

Parmi les phrases ci-dessous, soulignez celles qui comportent des marques de la présence du locuteur, mettez entre parenthèses celles qui n'en comportent pas.

Nul ne peut gagner seul.

(André Maurois, Discours prononcé à Paris en 1949)

La lecture reste notre principale distraction ; c'est elle qui meuble la majorité de nos loisirs et qui, bien mieux que la télé, nous ouvre sur le monde.

(Claude Michelet, J'ai choisi la terre.)

Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus.

(Albert Camus, La Peste.)

Pour atteindre la gloire que procure le sport, ces sommets de la vertu, de la reconnaissance et de la fortune, au pat- cours ouvert à tous, sans distinction de naissance, de for- tune, de race ou de religion, des hommes sont prêts à tout.

(Christian de Brie, Le Monde diplomatique.)

Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté.

(Montaigne, Essais, I, 3, « Des cannibales ».)

Dans le texte suivant, soulignez les indices de la présence du locuteur.

Dans tout ce que j'ai dit, je n'ai cherché que le vrai, non pas uniquement pour l'honneur de le dire, mais parce que le vrai est utile aux hommes. Si je m'en suis écarté, je trouverai dans mes erreurs mêmes des motifs de consolation.

(C. A. Helvétius, De l'Esprit, Préface.)

Dans le texte suivant, soulignez les marques de la Ve personne du pluriel et précisez qui elles désignent.

Si nous avions le droit de dire quel pourrait être, à notre gré, le style du drame, nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche. [] Il nous semble que ce vers-là serait bien aussi beau que de la prose.

Répétons-le surtout, le vers au théatre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie.

(Victor Hugo, Préface de Cromwell.)

Dans les deux derniers textes cités (n° 2 et 3), le locuteur se confond-il avec l'auteur? Justifiez votre réponse en vous aidant des références données à la suite des citations.

Lisez le texte suivant.

Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.

Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre. []

(Montesquieu, De l'esprit des lois)

Dites qui s'exprime à travers le pronom «je» dans la première phrase.

a. l'auteur ?

b. Un locuteur esclavagiste ?

c. Un locuteur antiesclavagiste ?

Dites qui désigne le pronom «nous» («le droit que nous avons eu»).

a. «je» (nous de modestie) ?

b. Les esclavagistes ?

c. Les puissances européennes ?

Le locuteur auteur ou personnage

Le locuteur est celui qui parle ou qui écrit. Ce locuteur n'est pas toujours l'auteur lui-même il peut être un personnage qui s'exprime dans le texte.

L'auteur est la personne qui a signé le texte ou le livre. Il existe réellement et son nom apparait sur la couverture du livre, au bas de l'article ou du discours qu'il a écrit.

Le personnage est un être différent de l'auteur. L'auteur peut lui prêter des points de vue qu'il ne partage pas.

Dans un texte argumentatif, il faut identifier précisément le locuteur, afin de ne pas attribuer à l'auteur des propos qui ne lui appartiennent pas.

Exercices

Lisez le texte ci-dessous.

Entre deux bourgeois d'une ville

S'émut1 jadis un différend.

L'un était pauvre, mais habile ;

L'autre riche, mais ignorant.

Celui-ci sur son concurrent

Voulait emporter l'avantage,

Prétendait que tout homme sage

Était tenu de l'honorer.

C'était2 tout homme sot : car pourquoi révérer

Des biens dépourvus de mérite ?

La raison m'en semble petite.

« Mon ami, disait-il souvent

Au savant,

Vous vous croyez considérable ;

Mais, dites-moi, tenez-vous table ?

Que sert à vos pareils de lire incessamment ? [] »

(La Fontaine, Fables, « L'avantage de la science »)

1. s'éleva 2. c'est-à-dire

Dites qui désignent les pronoms personnels soulignés dans le texte de La Fontaine.

m'(en semble) :

(dites-) moi :

L'auteur de la fable pense-t-il :

a. Que la richesse est plus estimable que la connaissance ?

b. Que la richesse est moins estimable que la connaissance ?

Lisez cet extrait d'un roman de Balzac.

- Monsieur, répondit le médecin, les mœurs simples doivent être à peu près semblables dans tous les pays. Le vrai n'a qu'une forme. À la vérité, la vie de la campagne tue beaucoup d'idéees, mais elle affaiblit les vices et développe les vertus. En effet, moins il se trouve d'hommes agglomérés sur un point, moins il s'y rencontre de crimes, de délits, de mauvais sentiments. La pureté de l'air entre pour beaucoup dans l'innocence des mœurs.

(Balzac, Le Médecin de campagne)

Le locuteur est-il ici :

a. L'auteur ?

b. Un personnage ?

Relevez dans le texte la proposition qui le prouve.

Lisez le texte ci-dessous.

Rien de ce qui est beau n'est indispensable à la vie. - On supprimerait les fleurs, le monde n'en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu'il n'y eût plus de fleurs ? Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu'aux roses, et je crois qu'il n'y a qu'un utilitaire au monde capable d'arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux.

(Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, Préface.)

Dans le texte cité, le locuteur se confond-il avec l'auteur ? Répondez par oui ou par non.

Dans la référence placée au bas du texte, quel mot vous permet de répondre

Les indices de la personne le destinataire

Dans une situation d'énonciation, on appelle destinataire celui à qui le locuteur s'adresse. Le texte peut mettre en évidence la présence du destinataire par un certain nombre d'indices :

Les pronoms personnels de 2e personne du singulier ou du pluriel (tu, te, toi, vous).

Les verbes à la 2e personne de l'impératif.

Les adjectifs possessifs de 2e personne du singulier ou du pluriel (ton, ta, tes, votre, vos).

Ces marques indiquent que le locuteur cherche à établir un contact direct avec son (ou ses) destinataire(s).

Exercices

Dans le texte suivant, soulignez les pronoms personnels de la deuxième personne. <

Vous pensez que Dieu oubliera votre homicide si vous vous baignez dans un fleuve, si vous immolez une brebis noire, et si on prononce sur vous des paroles. Un second homicide vous sera donc pardonné au même prix, et ainsi un troisième, et cent meurtres ne vous coûteront que cent brebis noires et cent ablutions ! Faites mieux, misérables humains : point de meurtres et point de brebis noires.

(Voltaire, extrait de l'article « Superstition » du Dictionnaire philosophique.)

Relevez un verbe à la 2e personne du pluriel de l’impératif.

Relevez un adjectif possessif de 2e personne du pluriel, accompagné du nom qu 'il détermine.

Par quel groupe de mots les destinataires du texte sont-ils explicitement désignés ?

Ces marques de la présence des destinataires dans le texte donnent-elles au discours une tonalité :

a. plutôt neutre ?

b. plutôt agressive ?

c. plutôt indulgente ?

La valeur du pronom «on»

Le pronom « on » peut avoir différentes valeurs :

Une valeur d'indéfini.

On m'a suivi toute la journée, (on = quelqu'un)

Une valeur générale.

On a toujours besoin d'un plus petit que soi.

(on = tout le monde).

Une valeur de substitut : « on » est utilisé à la place d'un autre pronom personnel.

On est enchanté de pouvoir partir, (on = nous)

Comme substitut, dans un texte argumentatif, « on » peut désigner :

Le locuteur (il est alors mis pour « je »).

Le destinataire, par exemple le lecteur (on = vous).

Un adversaire qui n'est pas nommé (on = il(s)).

Exercices

Quelle est la valeur de «on» dans les phrases suivantes

On gagne du temps à être le premier à rire de soi.

(Claude Roy, Temps variable avec éclaircies.)

Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi ?

(Pascal, Pensées,

Même exercice.

On croira que l'aventure finit mal pour les petits architectes. On se trompera : tout fut fini.

(Rousseau, Confessions.)

Je conjure, j'implore les intellectuels roumains d'essayer de se consacrer aux problèmes essentiels et non plus aux problèmes sur les problèmes. On ne m'écoutera pas, je le sais.

(Eugène Ionesco, Non.).

Même exercice.

Il y a déjà, si l'on ose dire, un commencement de vérité religieuse dans une vérité humaine si profondément révélée [].

(Sainte-Beuve, Port-Royal.)

On s'est imaginé qu'il fallait, autant qu'on le pouvait, épargner de la peine aux enfants, changer en délassement toutes leurs études, leur donner de bonne heure des collections d'histoire naturelle pour jouets, des expériences pour spectacles. Il me semble que cela aussi est un système erroné.

(Mme de Staël, De l'Allemagne.)

Discours et récit

Le texte argumentatif appartient au mode du discours. Le discours se distingue du récit par son système d'énonciation.

Dans le discours :

Les temps utilisés sont le présent (les actions exprimées ont lieu au moment où le locuteur s'exprime), le futur et le passé composé.

Les marques de la 1re personne (je, me, moi, nous) sont nombreuses (voir chapitre 1).

On trouve également des marques de la 2e personne : tu, te, toi, vous (voir chapitre 3).

Dans le récit au contraire :

Les temps utilisés généralement sont le passé simple, l'imparfait, le plus-que-parfait, et parfois le présent de narration.

On trouve principalement des marques de la 3e personne (//, elle, le, la, lui, leur).

Les marques de renonciation sont effacées.

Un discours argumentatif peut contenir des éléments de récit.

Le locuteur illustre une idée en racontant un fait.

Un récit peut s'accompagner d'éléments de discours.

Le narrateur commente l'histoire qu'il raconte.

Il rapporte les paroles de personnages.

Exercices

17. Les deux vers suivants appartiennent-ils au récit ou  au discours ?

La raison du plus fort est toujours la meilleure,

Nous l’allons montrer tout à l'heure.

(Jean de La Fontaine, Fables : « Le loup et l'agneau ».)

Lisez le texte ci-dessous.

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C'était un vieillard d'environ soixante-quinze ans ; il occupait le siège de Digne depuis 1806.

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons à raconter, il n'est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d'indiquer ici les bruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé dans le diocèse.

(Victor Hugo. Les Misérables, Première partie, I,

Relevez les verbes du premier paragraphe. À quel temps sont-ils conjugués ?

Dans le premier paragraphe, entourez un pronom personnel de la 3e personne.

Dans le second paragraphe du texte, relevez trois verbes au présent de l'indicatif

Dans le second paragraphe, entourez un pronom personnel de la Ire  personne.

Dites pour chaque paragraphe s'il relève du récit ou du discours.

Premier paragraphe

Deuxième paragraphe

Lisez le texte ci-dessous.

Ce malheureux prêtre étranger se mêlait aussi de médecine : on trouva un gros crapaud vivant, qu'il conservait chez lui dans un vase plein d'eau ; on ne manqua pas de l'accuser d'être sorcier. On soutint que ce crapaud était le dieu qu'il adorait ; on donna un sens impie à plusieurs passages de ses livres, ce qui est très aisé et très commun, en prenant les objections pour les réponses, en interprétant avec malignité quelque phrase louche, en empoisonnant une expression innocente. Enfin la faction qui l'opprimait arracha des juges l'arrêt qui condamna ce malheureux à la mort.

(Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Athée, athéisme ».)

Donnez le temps des verbes soulignés dans le texte de Voltaire.

se mêlait :   est :

trouva :  opprimait :

soutint :   arracha :

Parmi les six verbes soulignés, quel est celui qui exprime le commentaire du locuteur ?

Précisez la nature du texte de Voltaire (exercice n° Entourez la lettre correspondante.

a.un discours

b. un récit

c.un récit à but argumentatif

Les modes verbaux

Le mode traduit la position du locuteur (celui qui parle ou qui écrit) par rapport aux faits exprimés par le verbe.

L'indicatif présente un fait considéré comme réel, et le situe dans le temps (passé, présent, ou futur).

La pollution détruira tôt ou tard la nature.

Le conditionnel présente un fait hypothétique ou irréel, qui dépend de certaines conditions.

Si on ne la contrôlait pas, la pollution détruirait tôt ou tard la nature.

Le subjonctif présente un fait envisagé par l'esprit. Il exprime l'ordre, le souhait, le doute, la supposition

Je crains que la pollution ne détruise tôt ou tard la nature.

Le choix du mode verbal est révélateur de l'opinion du locuteur

Exercices

Dans le texte suivant, quels sont les modes utilisés par l'auteur ?

Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon ame. Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l'enquête ait lieu au grand jour !

J'attends.

(Emile Zola, J accuse.)

Première phrase : ……………………

Deuxième phrase : ……………………

Troisième phrase : ……………………

Quatrième phrase :…………………….

Précisez l'intention de l'auteur dans la troisième phrase du texte n°20 (entourez la lettre correspondante).

a.L'auteur pense qu'on n'osera pas le traduire en justice.

b.L'auteur pense qu'on va le traduire en justice.

c.L'auteur défie le destinataire de le traduire en justice, tout en sachant qu'il ne le fera pas.

22. Lisez le texte suivant

Le gouvernement s'appuie aujourd'hui sur cette idée que tout citoyen doit avoir la même part d'autorité dans l'administration des affaires de la patrie ; et que la voix du plus remarquable des hommes ne vaut pas plus que la voix du plus bête.

Cela s'appelle : l'égalité ! Oh ! la bonne farce !

Puisque les hommes ne sont égaux ni dans la vie ni dans l'état, pourquoi concourraient-ils d'une manière égale au fonctionnement de la vie commune : l'État ?

(Guy de Maupassant, Chroniques.)

Relevez un verbe au conditionnel.

Le conditionnel a-t-il ici plutôt pour fonction de :

a. Présenter une hypothèse que l'auteur souhaite voir se réaliser ?

b. Présenter une hypothèse que l'auteur ne souhaite pas voir se réaliser ?

Lisez le texte suivant.

Le mot camaraderie banal en toute occasion, ne prend-il pas une signification particulière quand il devient la camaraderie littéraire Ne devrait-il pas exister un lien de plus, un lien sacré, entre ces hommes qui vivent uniquement pour la pensée, qui vivent de la pensée, c'est-à-dire de ce qu'il y a de plus haut et de plus immatériel au inonde

Hélas s'il existe un lien entre les écrivains c'est le lien de la jalousie.

(Guy de Maupassant, Chroniques.)

Relevez un verbe au conditionnel.

Relevez dans le reste du texte, la phrase qui prouve que le fait exprimé par ce verbe est un fait irréel.

Les modalisateurs

On appelle modalisateurs les mots qui traduisent la position du locuteur (celui qui parle ou qui écrit) par rapport à ce qu'il dit. Les modalisateurs sont des verbes ou des adverbes.

Si le locuteur croit fermement à ce qu'il dit, ou s'il veut affirmer avec force, il emploiera des termes comme :

je suis sûr de, j'affirme que, j'insiste sur le fait que, j'ai la certitude que (verbes)

certainement, sans aucun doute, absolument, indéniablement, (adverbes ou locutions adverbiales)

Si le locuteur n'est pas sûr de ce qu'il avance, ou s'il ne veut pas affirmer avec trop de force, il utilisera des termes comme :

je pense que, il me semble que, je doute que, je suggère que(verbes)

peut-être, sans doute, probablement, éventuellement...(adverbes ou locutions adverbiales)

exercices

Dans les phrases suivantes, relevez les termes modalisateurs.

Je crois avoir fait voir qu'il n'y a ni mesure ni mélodie dans la musique française [].

(Rousseau, Lettre sur la musique française.)

Sans doute le cinéma est-il un moyen d'expression prédestiné pour ce genre de récit.

(Alain Robbe-Grillet, L'Année dernière à Marienbad

Même exercice.

Peut-être n'est-ce pas un progrès, mais il est certain que l'époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule.

(Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman.)

Je n'y comprends rien assurément..

(Voltaire, article «Arius» du Dictionnaire philosophique.)

Même exercice.

[] je n'aurais jamais cru que notre patrie pût marcher avec une telle vélocité dans la voie du progrès.

(Baudelaire, Les Fleurs du Mal, projet de préface.)

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons à raconter, il n'est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d'indiquer ici les bruits et les propos qui avaient couru sur son compte [].

(Victor Hugo, Les Misérables.)

Quelle est la phrase qui résume l'idée de l'auteur dans la phrase de l'exercice n°

a. Il est inutile de parler des faits qui ne concernent pas  directement notre histoire.

b. Il est utile de parler des faits qui ne concernent pas directement notre histoire.

c. Il n'est pas indispensable de parler des faits qui ne concernent pas directement notre histoire.

Classez les termes modalisateurs relevés dans les phrases des exercices n° et selon qu'ils traduisent la certitude ou l'incertitude du locuteur par rapport à ce qu 'il dit.

Certitude ---- Incertitude

Les termes évaluatifs

On appelle termes « évaluatifs » les mots qui portent un jugement ou qui traduisent l'opinion de celui qui parle.

Le jugement peut être négatif.

Cette idée est stupide. Elle ne vaut rien.

Le jugement peut être positif.

Ce livre est un authentique chef-d'œuvre.

Le mot « chef-d'œuvre » est ici utilisé pour convaincre l'interlocuteur ou le lecteur du jugement favorable que l'on porte sur l'ouvrage. L'adjectif « authentique » renforce cette impression positive.

Exercices

Lisez le texte suivant.

Comme cela arrive souvent dans les affaires de société, deux attitudes extrêmes s'affrontent : celle des intégristes de l'écologie [] et celle des individus ou des groupes dont les intérêts, à court terme, agressent la nature. Par leur extrémisme même, l'une comme l'autre sont négatives, l'une comme l'autre sont nocives, l'une comme l'autre s'appuient sur des affirmations fausses. Fausses parfois par insuffisance d'information, parfois par manque d'honnêteté.

(Haroun Tazieff, La Terre va-t-elle cesser de tourner ?.)

Soulignez les termes évaluatifs dans la deuxième phrase du texte, à partir de « Par leur extrémisme».

Quelle est la phrase qui résume la pensée de l'auteur ?

a.     La défense de la nature est moins négative que les agressions contre la nature.

b. La défense de la nature est plus négative que les agressions contre la nature.

c. La défense excessive de la nature et les agressions contre la nature sont tout aussi négatives.

La modalité interrogative et exclamative

La modalité désigne la manière dont celui qui parle ou écrit présente ce qu'il dit.

Soit il affirme ou nie modalité déclarative.

Soit il exprime un sentiment, une émotion modalité exclamative.

Soit il exprime un ordre modalité imperative.

Soit il interroge modalité interrogative.

Dans une argumentation, la modalité interrogative indique que le locuteur cherche à établir un contact personnel avec un destinataire. Il souhaite éveiller son attention, ou cherche à le convaincre.

Certaines questions sont en fait des affirmations déguisées. On les appelle des interrogations rhétoriques

N'ai-je pas raison signifie généralement J'ai raison.

Dans une argumentation, la modalité exclamative sert à renforcer la thèse de celui qui parle, en traduisant son appréciation. Comparons

Ce travail est admirable. Le jugement est simplement affirmé phrase déclarative.)

Quel travail admirable L'admiration du locuteur est renforcée par la modalité exclamative)

Exercices

Lisez le texte suivant.

Explorer, rechercher des traces de vie fossile sur Mars, utiliser la Lune comme l'observatoire idéal, quoi cela sert-il ? A rien si l'on ose soutenir que connaitre, dans l'histoire de l'humanité, n'est rien. Pourtant, n'est-il pas étrange de constater que, dès qu'il put disposer de satellites, le regard des hommes s'est d'abord porté vers l'espace profond et le lointain Univers avant de se retourner, narcissique et « utile », vers sa propre planète ?

(Pierre Léna, « La passion de l'inutile », Le Monde des Débats, février 1994.)

Transformez les phrases 1 et 2 («Explorer» à « n'est rien. ») en une seule phrase déclarative.

Dans le texte de Pierre Léna, la dernière question posée («Pourtant » à « la planète ?») demande-t-elle une réponse ?

Comment nomme-t-on ce type d'interrogation

Entourez le groupe verbal qui vous semble correspondre à l'idée de Pierre Léna. Dans la dernière phrase, « n'est-il pas étrange []» signifie

Il n'est pas étrange - Il est étrange

2. Lisez le texte suivant.

Transformez les phrases 3 et 4 («Que ces cheveux» à « fait bien ! ») en phrases déclaratives.

Je jure que ce portrait est un chef-d'œuvre qui, un jour venir, n'aura point de prix. Comme elle est coiffée ! Que ces cheveux chatains sont vrais ! Que ce ruban qui serre la lêie lait bien ! Que cette longue tresse qu'elle relève d'une main sur ses épaules et qui tourne plusieurs fois autour de son bras, est belle !

(Diderot, Œuvres esthétiques.)

Phrase

Phrase

33. Quel sentiment la modalité exclamative ajoute-t-elle à au texte de Diderot? Entourez votre réponse: doute, admiration, surprise, regret?

Lisez le texte suivant.

Mais non J'écris comme je parle, sans procédé, je vous prie de le croire. Je me donne du mal pour rendre le parlé en écrit parce que le papier retient mal la parole, mais c'est tout. Point de tic Point de genre en cela

(L. F. Céline, Lettre à André Rousseaux.)

Que traduit la modalité exclamative Entourez votre réponse.

la joie l'étonnement l'indignation la fierté le désir de convaincre ?

CHAPITRE II

LA THEORIE DES ACTES DE LANGAGE

Il existe différents types d'actes de langage, que l'on catégorise généralement selon leur but : citer, informer, conclure, donner un exemple, décréter, déplorer, objecter, réfuter, concéder, conseiller, distinguer, émouvoir, exagérer, ironiser, minimiser, railler, rassurer, rectifier… L'identification de l'acte de langage conditionne largement l'interprétation du message délivré, au-delà de la compréhension de son contenu sémantique. Par exemple, la motivation de l'énoncé « J'ai appris que tu as obtenu ton diplôme » peut être de féliciter son destinataire, de s'excuser d'avoir douté de sa réussite, ou simplement de l'informer du fait rapporté.

J. L. Austin, (1962, trad. fr. 1970) Quand dire c’est faire.

Programme linguistique qui proscrit l’illusion descriptive du langage : Austin défend une vision beaucoup plus « opérationnaliste » selon la quelle le langage sert à accomplir des actes

La théorie des actes de langage a pour thèse principale l’idée que la fonction du langage, même dans les phrases déclaratives, n’est pas tant de décrire le monde que d’accomplir des actions, comme l’ordre, la promesse, le baptême, etc.

1.1. constatif vs performatif 

un énoncé performatif se caractérise en premier lieu, selon Austin, par des propriétés opposées aux énoncés d’affirmations - ils ne font pas référence à quelque chose dans le monde, et ne peuvent pas être qualifiés de vrais ou faux

- performatif = énoncés de forme affirmative, à la première personne du singulier de l’indicatif présent, voix active, énoncés qui ont pour caractéristiques de ne rien décrire, de n’être donc ni vrai ni faux et de correspondre à l’exécution d’une action

- constatif = décrivent le monde

Le cerisier est en fleur

Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit

les constatifs peuvent recevoir une valeur de vérité; les performatifs ne peuvent pas recevoir de valeur de vérité. Toutefois, ils peuvent être heureux ou malheureux, l’acte peut réussir ou échouer et, de même que les valeurs de vérité attribuées aux énoncés constatifs dépendent des conditions de vérité qui leur sont attachées, la félicité d’un énoncé performatif dépend de ses conditions de félicité.

la « réussite » des performatifs (qu'ils fassent vraiment quelque chose) suppose plusieurs conditions

le mariage : pour être efficace, l'énoncé du maire doit être prononcé en respectant la procédure du mariage (il doit venir en fin de cérémonie, et non au début), dans des circonstances appropriées (à la mairie et non dans un restaurant), par la personne habilitée (le maire, et non mon cousin)

1.2. performatif explicite vs performatif implicite

Forme explicite : une énonciation avec un verbe performatif (promettre, conseiller, avertir, féliciter, interdire…) à la 1ère personne du singulier du présent de l’indicatif, à la voix active.

Forme implicite

Limites de la première théorie de Austin

- insuffisance de la distinction énoncé constatif/ énoncé performatif:

• Absence de critière purement verbal pour définir l’énoncé performatif

• Insuffisance des axes: vrai/faux, réussi/non-réussi

-la nouvelle théorie de Austin : une théorie « générale » des actes de langage:

• Acte locutoire: L’acte de dire, d’utiliser le langage

• Acte illocutoire: L’acte que quelqu’un accomplit en disant quelque chose

• Acte perlocutoire: Acte lié aux effets que le locuteur produit sur les personnes présentes.

1.3. acte locutionnaire / illocutionnaire / perlocutionnaire

- un acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots selon les règles de la grammaire) ;

- un acte illocutoire que l’on accomplit en disant quelque chose : j’accomplis un acte de promesse en disant Je promets, de questionnement en employant une interrogative, d’ordre en employant un impératif, etc. ;

- un acte perlocutoire qui correspond à l’effet produit sur l’interlocuteur par l’acte illocutoire. En posant une question, je peux m’attendre, au niveau perlocutoire, à toute une série de réactions possibles : je peux, par exemple, obtenir la réponse demandée, mais aussi une non-réponse, une contestation de la part de l’interlocuteur sur mon droit de lui poser des questions, etc.

La classification  des actes illocutionnaires proposée par Austin (1962)

Austin en dénombre 5 :

-       les 'verdictifs' : prononcer un jugement (un verdict) : acquitter, considérer comme, calculer, décrire, analyser, estimer, classer, évaluer, caractériser.

-       les 'exercitifs' : formuler une décision en faveur ou à l'encontre d'une suite d'actions : ordonner, commander, plaider pour, supplier, recommander, implorer, conseiller, nommer déclarer une séancer ouverte, avertir, proclamer.

-       les 'commissifs' : ils engagent le locuteur à une suite d'actions déterminée : promettre, faire le vœu de, s'engager par contrat, garantir, jurer, passer une convention, embrasser un parti.

-       les 'expositifs' : ils sont utilisés pour exposer des conceptions, conduire une argumentation, clarifier l'emploi des mots, assurer les références : affirmer, nier, répondre, objecter, concéder, exemplifier, paraphraser, rapporter des propos.

-       les 'comportementaux' (behabitives : il s'agit des réactions au comportement des autres, aux événements qui les concernent : s'excuser, remercier, féliciter, souhaiter la bienvenue, critiquer, exprimer des doléances, bénir, maudire, porter un toast, boire à la santer, protester, défier, mettre au défi de.

J. Searle, 1982, Les actes de langage

Principe d’exprimabilité

Tout ce que l’on veut dire peut être dit - pour toute signification X, et pour tout locuteur L, chaque fois que L veut signifier (à l’intention de transmettre, désire communiquer…) X, alors il est possible qu’existe une expression E, telle que E soit l’expression exacte ou la formulation exacte de X

=> l’intention et la convention : notions centrales de la théorie des actes de langage

Le locuteur qui s’adresse à son interlocuteur a l’intention de lui communiquer un certain contenu, et le lui communique grace à la signification conventionnellement associée aux expressions linguistiques qu’il énonce pour ce faire.

le marqueur de contenu propositionnel vs le marqueur de force illocutionnaire

le marqueur de contenu propositionnel : « je t’apporterai le livre demain »

le marqueur de force illocutionnaire : « je te promets »

Règles s’appliquant aux différents types d’actes de langage : règles normatives et règles constitutives

“Les règles normatives gouvernent des formes de comportement préexistantes ou existant de façon indépendante ; les règles de politesse, par exemple, gouvernent les relations inter-personnelles qui existent indépendamment des règles. Mais les règles constitutives, elles, n’ont pas une fonction purement normative, elles créent ou définissent de nouvelles formes de comportement. Les règles du football ou du jeu d’échecs, par exemple, ne disent pas seulement comment on joue aux échecs ou au football, mais elles créent pour ainsi dire la possibilité même d’y jouer ”

Remercier

Règle de contenu propositionnel: Acte passé C accompli par A.

Règle préliminaire:  C a été profitable à L, et L pense que C lui a été profitable.

Règle de sincérité:  L est reconnaissant pour C ou a apprécié C.

Règle essentielle:  Dire p revient à exprimer sa reconnaissance ou son appréciation.

Féliciter

Règle de contenu propositionnel:  Evénement,  acte  quelconque  et  se rapportant à A.

Règle préliminaire:  E est profitable à A et L pense que E est profitable à A.

Règle de sincérité:    L est content que E se produise.

Règle essentielle:  Dire p revient à exprimer son contentement face à E.

Taxinomie des actes de langage appuyée sur un certain nombre de critères

2.4.1. Critères :

le but de l’acte illocutionnaire ;

la direction d’ajustement entre les mots et le monde – soit les mots « s’ajustent » au monde, comme dans une assertion, soit le monde « s’ajuste » aux mots, comme dans une promesse ;

les différences dans le contenu propositionnel qui sont déterminées par des mécanismes liés à la force illocutionnaire – illustrés, par exemple, par la différence entre le récit d’un événement passé et une prédiction sur le futur ;

la force avec laquelle le but illocutionnaire est représenté, qui dépend du degré d’explication de l’acte ;

les statuts respectifs du locuteur et de l’interlocuteur et leur influence sur la force illocutionnaire de l’énoncé ;

les relations de l’énoncé avec les intérêts du locuteur et de l’interlocuteur ;

les relations au reste du discours ;

les différences entre les actes qui passent nécessairement par le langage (prêter serment) et ceux qui peuvent s’accomplir avec ou sans le langage (décider) ;

la différence entre les actes institutionnels ;

l’existence ou non d’un verbe performatif correspondant à l’acte illocutionnaire ;

le style de l’accomplissement de l’acte.

2.4.2. Catégories des actes de langage:

les assertifs (assertion, affirmation…) ;

· le but illocutoire est d’engager la responsabilité du locuteur (à des degrés variables) sur l’existence d’un état de choses, sur la vérité de la proposition exprimée ;

·  la direction d’ajustement va des mots au monde;

·  l’état psychologique exprimé est la croyance (croire);

·  le contenu propositionnel: toute assertion (p).

les directifs (ordre, demande, conseil…) ;

 · le but illocutoire des actes qui rentrent dans cette classe consiste dans le fait qu’ils constituent des tentatives // de la part du locuteur de faire faire quelque chose par l’auditeur ;

·   la direction d’ajustement va des mots au monde;

·   l’état psychologique:

·   le contenu propositionnel: que l’auditeur fasse l’action à venir

les promissifs (promesse, offre, invitation…) ;

· le but illocutoire: obliger le locuteur // à adopter une certaine conduite future ;

·  la direction d’ajustement va du monde aux mots;

·  l’état psychologique: avoir l’intention;

·  le contenu propositionnel: que le locuteur fasse une action future

les expressifs (félicitation, remerciement…) ;

· le but illocutoire: déclaratif;

· la direction d’ajustement va à la fois des mots au monde et du monde aux mots;

·  l’état psychologique exprimé: – (aucun);

·  le contenu propositionnel: p.

les déclaratifs (déclaration de guerre, nomination, baptême…)

· le but illocutoire: exprimer l’état psychologique spécifié dans la condition de sincérité, vis-à-vis d’un état de choses spécifié dans le contenu propositionnel ;

·  la direction d’ajustement est un critère qui n’est pas pertinent;

·  l’état psychologique: divers états psychologiques;

·  le contenu propositionnel: attribue une propriété à L ou à A .

2.5. Acte direct vs acte indirect

- non-correspondance biunivoque entre tel signifiant (forme déclarative, interrogative ou impérative de l’énoncé) et tel signifié (valeur d’assertion, de question ou d’ordre)

Un même acte de langage peut recevoir un grand nombre de réalisations différentes (par exemple, dans certaines circonstances, les énoncés suivants sont pragmatiquement équivalents : «Ferme la porte», «Tu peux/ pourrais fermer la porte ?», «Tu veux/ voudrais fermer la porte ?»,«J’aimerais bien que tu fermes la porte», «La porte est ouverte !», «Il y a des courants d’air», etc.). Inversement, une même structure peut exprimer des valeurs illocutoires diverses : «Il y a des courants d’air» peut ainsi exprimer un constat, une plainte, une requête, et même tout cela à la fois. => ADDITION - quand dire, c’est faire plusieurs choses à la fois ; SUBSTITUTION de l’une à l’autre : quand dire, c’est faire une chose sous les apparences d’une autre.

- acte de langage indirect (expression elliptique pour acte de langage formulé indirectement) lorsqu’un acte s’exprime sous le couvert d’un autre acte

«Tu peux fermer la porte ?» ordre exprimé par le biais d’un acte apparent de question (valeur «normale» de la structure interrogative)

- Searle (1982: chap.2) appelle «secondaire» l’acte de question, et «primaire» l’acte de requête, mais du point de vue de l’interprétation, la valeur de question peut être dite «littérale», et la valeur de requête dérivée.

- actes de langage indirects comme des tropes (voir Kerbrat-Orecchioni, 1986, sur ces tropes illocutoires)

- actes de langage indirects peuvent être conventionnels ou non conventionnels (principe d’opposition qui est en réalité graduel) :

«Tu peux fermer la fenêtre ?», tout le monde admet que hors certains contextes particuliers, la structure vaut pour une requête — cette valeur, qui peut encore être renforcée par un marqueur tel que «s’il te plait», est «conventionnelle» ;

«Il y a des courants d’air» peut dans certaines circonstances recevoir cette même valeur, elle est alors «non conventionnelle», et très largement tributaire du contexte (on parle aussi dans ce cas de «dérivation allusive»).

- Searle a montré qu’accomplir un acte de langage indirect consistait souvent à affirmer, ou questionner sur, l’une des conditions de réussite auxquelles est soumis l’acte en question : «J’aimerais que tu fermes la fenêtre» asserte la condition de sincérité (portant sur le locuteur), «Tu pourrais/ voudrais fermer la fenêtre ?» questionne sur certaines conditions de réussite concernant le destinataire, « La porte est ouverte» affirme une caractéristique de l’état de choses (lequel ne doit pas être déjà réalisé au moment de l’énonciation de la requête pour que celle-ci «réussisse»), etc.

- Le décodage des actes de langage indirects implique, outre la nature du contenu propositionnel, la structure de l’énoncé, et à l’oral, l’accompagnement prosodique et mimo-gestuel certaines règles de dérivation illocutoire (voir Anscombre, 1980); l’intervention de ces «maximes conversationnelles» dont Grice a montré le rôle qu’elles jouaient dans la genèse des implicatures; ainsi que certaines données contextuelles pertinentes, dans le cas surtout des formulations indirectes non conventionnelles (plus une valeur illocutoire est fortement codée en langue, moins elle a besoin du contexte pour s’actualiser, et inversement). Mécanisme fort complexe donc : il n’est pas étonnant que l’identification des valeurs indirectes prête souvent à des malentendus (généralement involontaires, parfois volontaires), malentendus qui peuvent être dus à une surinterprétation (le destinataire voit une valeur indirecte là où le locuteur prétendait parler directement); 2-à une sous-interprétation (le destinataire ne perçoit pas, ou feint de ne pas percevoir, la valeur dérivée) ; 3-à une interprétation erronée (le destinataire se trompe de valeur, par exemple: Vous êtes motorisée?, question à valeur de requête pour le locuteur, pourra être interprétée comme une offre par le destinataire). Les actes de langage indirects, en tant qu’adoucisseurs des actes menaçants pour les faces des parties en présence, jouent également un rôle décisif dans le fonctionnement de la politesse et la gestion de la relation interpersonnelle.

Exercices

Extraits à analyser :

B    madame bonjour?
C    bonjour j(e) voudrais euh j(e) voudrais juste un pain aux céréales s'il vous plait
B    voilà madame treize soixante dix s'il vous plait merci vous voulez me donner de la monnaie
C    euh vingt centimes c'est tout c(e) que j'ai
B    euh non ç a pas m'arranger merci (sourire)
C    excusez-moi
B    oh mais c'est rien j(e) vais m(e) débrouiller alors sur 200 francs ça fait 186,30 150 60 70 80 hm 85 86,20 et 30 voilà on y arrive
C    je vous r(e)mercie
B    c'est moi merci madame bon week-end au r(e)voir
C    merci au r(e)voir

B    madame ?
C    deux baguettes s'il vous plait
B    les baguettes elles sont au four y en a pour cinq p(e)tites minutes y en a pas pour longtemps hein il manque un petit peu de cuisson simplement si vous voulez vous asseoir deux p(e)tites minutes
C    oui oh ben c'est bon vous inquiétez pas je suis restée assise toute la matinée

Le femme: Comment est-il, celui-ci?

Le mari: Très intelligent, comme les autres.

La femme: Je veux dire: il est grand?

Le mari: Assez.

La femme: Comment «assez». Est-ce que je n’ai plus le droit de te questionner maintenant?

Le mari: Mais, mon petit, ce n’est pas à toi que je dis «assez». Tu me demandes s’il est grand… Je te réponds: « Assez… assez grand, oui».

(Sacha Guitry, Faisons un rêve, I, 1916)

Berthe: Où est maman?

Saint-Germain: Madame est en soirée…

Berthe: Et Marie?

Saint-Germain: Elle est couchée… elle fait dodo… et, s’il m’était permis de donner un conseil à mademoiselle la baronne…

Berthe: Tais-toi!

Saint-Germain: Oui, mademoiselle.

(Eugène Labiche, La fille bien gardée, sc. 3, Calmann-Lévy, 1922)

Départ en vacances.

Tu as les billets ?

Les billets ! Tu ne les as pas pris ?

Mais non. Franchement, tu exagères. Je t’avais dit de les prendre.

Ils étaient sur la table. Tu aurais dû faire attention.

Tu oublies toujours tout.

Là tu exagères, pas tout ! J’ai pris les valises.

Et mon sac ?

Le voilà. Les billets sont dedans.

(Fr. Cicourel, E. Pedoya, R. Perquier, Communiquer en français, Hatier, 1987)

Allô ! Étienne Martin ? Ici, Palaiseau. []

Qu’est-ce que tu fous ces jours-ci ? demandait Palaiseau.

Rien de spécial, dit Étienne. Et toi ? Je croyais que tu devais quitter Paris pour les vacances

Changement de programme. Mon père est fauché. Toute la famille fait ceinture. On pourrait se voir.

Si tu veux.

Quand ? []

Jeudi, répondit-il, je serai libre.

Je passerai te prendre le matin, de bonne heure. On fera un tour en vélo.

D’accord.

(H. Troyat, La tête sur les épaules, Le Livre de poche, 1951)

On s’en va ? demanda-t-il.

Tu ne tiens pas à voir les actualités ?

Non.

— Eh bien, partons. D’ailleurs, j’ai donné rendez-vous à Daisy, vers six heures, au sous-sol du « Rond-Point ». Si tu veux venir ?

Il rougit.

Excuse-moi. Je préfère rentrer.

À ta guise, mais Daisy sera déçue.

(H. Troyat, La tête sur les épaules, Le Livre de poche, 1951)

— J’irais bien au cinéma, ça te dit?

— Ce soir?

— Ce soir, oui. Ça ne te dit pas ?

— Je ne sais pas. Pour voir quoi ?

— Ce que tu veux. J’ai le programme.

Je ne sais pas, II est tard, non ?

— Mais non. Viens, je t’invite.

— Non, je suis fatigué. Je préfère rentrer.

D’accord, je te ramène?

Non merci, je vais prendre le bus.

(Fr. Cicourel, E. Pedoya, R. Perquier, Communiquer en français, Hatier, 1987)

Ça va ?

Non.

Qu’est-ce qui ne va pas ?

Rien ne va.

Rien ? C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire tout.

— Tout quoi ?

Tout. Rien ne va.

— Je vois. Vous en avez assez.

Oui, c’est ça. J’en ai assez.

Je vois. Et la santé, ça va ?

Oui, ça va, merci. Et vous ? Ça va ?

Ça va.

Tu n’as pas peur ?

Si, un peu.

Pourquoi ?

Parce que tu me le demandes.

(Fr. Cicourel, E. Pedoya, R. Perquier, Communiquer en français, Hatier, 1987)

Or la vieille lui demande selon la coutume:

« As-tu la clef de l’armoire ? »

Le vieux ne répond pas.

« Es-tu sourd ? »

Le vieux fait signe qu’il n’est pas sourd.

« As-tu perdu la langue ? » dit la vieille.

Elle le regarde, inquiète. Il a les lèvres fermées, les joues grosses. Pourtant sa mine n’est pas d’un homme qui se trouverait tout à coup muet et ses yeux expriment plutôt la malice que l’effroi.

(J. Renard, Coquecigrues, Bernouard, 1926

Antigone: Quel age as-tu ?

Le garde: Trente-neuf ans.

Antigone: Tu as des enfants.

Le garde: Oui, deux.

Antigone: Tu les aimes ?

Le garde: Ça ne te regarde pas.

(J. Anouilh, Antigone, La Table Ronde, 1944)

Et cet après-midi, demanda Bernard Palaiseau, tu es libre ?

Non, dit Étienne.

Dommage, reprit l’autre. Biosque et Maroussel sont rentrés de vacances. On va prendre un pot, tous ensemble, dans une petite boite, au quartier Latin : Le Fisto. J’y étais hier. C’est marrant. On a vu Thuillier. Il nous a dit bonjour

Je regrette, dit Étienne.

Je t’assure que tu devrais nous accompagner. Il y aura des filles que Maroussel a raccrochées en vacances, à La Baule

Je ne peux pas, dit Étienne. J’ai promis à ma mère de sortir avec elle.

Si ça t’emmerde que je te relance comme ça, dis-le.

Mais non, mon vieux. Seulement, je suis très pris en ce moment. Voilà tout. Plus tard, on verra []

C’est vu. Je file. Tu me feras signe.

Je te le promets, dit Étienne.

(H. Troyat, La tête sur les épaules, Le livre de poche, 1951)

◙ – Allô ? appela une voix flûtée.

– Oui, ici le président de la République.

– Bonsoir, monsieur le Président.

– Bonsoir, madame.

– Mademoiselle, rectifia la voix flûtée.

– Mademoiselle. Mademoiselle comment, s’il vous plait ?

– Marie.

– Bonsoir, mademoiselle Marie. Donc vous attendez une naissance. Savez-vous pour quel jour ?

– On m’a parlé du 25 décembre, monsieur le Président.

– Parfait, parfait. Et quel est le cadre naturel dont vous rêvez pour cette naissance ?

– Une étable, monsieur le Président. Une étable avec beaucoup de paille. Et aussi un bœuf et un ane.

(Michel Tournier, Le Médianoche amoureux, Éd. Gallimard, 1989)

◙ Michael. – Ferdinand !

Ferdinand. – Mm ?

Michael. – Que se passe-t-il ?

Ferdinand. – Que veux-tu qu’il se passe ?

Véra. – Où vas-tu ?

Ferdinand. – Je dois partir.

Michael. – Mais où donc ?

Ferdinand. – Chez moi.

Michael. – Chez toi ? Comment, mais pourquoi ?

Ferdinand. – Il se fait tard. Je me lève de bonne heure.

Michael. – Mais tu ne peux pas nous faire ça !

Ferdinand. – Il le faut.

(V. Havel, Vernissage, Éd. Gallimard, 1993)

Pierre. - Mon nom est Curie. Pierre Curie.

georgette. - Je sais. On se connait.

pierre. - Vraiment ?

georgette. - Je suis la serveuse du restaurant Le Petit Glouton, vous vous souvenez pas ?

pierre. -J’y vais parfois mais

georgette. - Vous m’avez renversé une soupière de pois cassés sur les jambes

pierre. - Mais oui parfaitement ! Je suis le roi des maladroits.

georgette. - Vous êtes distrait, voilà tout, comme tous les savants.

pierre. - II n’y a que les chiens qui sont « savants ». Je ne suis pas savant. Je suis simplement chargé de cours et de recherches en physique et chimie. Comme monsieur Bémont.

Georgette. - En tout cas, je suis sûre que quand vous êtes à votre affaire vous ne faites pas de bêtises.

pierre. - Non, heureusement. (Il se rassoit. La chaise, mal équilibrée, manque l’embarquer à la renverse. Il se rattrape de justesse, flanquant ci nouveau par terre le tas de copies.) Sapristi ! (Georgette se précipite pour l’aider à ramasser) Non, laissez, je vous en prie ! (Tous deux ramassent le tas de copies éparpillées) Non, s’il vous plait, Je vous assure, ça me gêne.

georgette. - C’est un honneur de vous aider. Vous faites un si beau métier.

pierre (Touché). - Merci infiniment. La science, quand elle est pure, est en effet une bien noble tache.

georgette. - C’est vrai ce qu’on raconte ? Qu’on s’amuse avec des machins jaunes dans des burettes et que ça devient bleu en faisant des pschh et des bloup-bloups ?

pierre (indulgent). - Enfin disons qu’on se livre parfois à des expériences spectaculaires.

georgette. - Vous voudrez pas me faire un petit tour qui saute ou qui pète ?

pierre.-Je vous prie de m’excuser mais j’ai tout ce tas de copies à corriger

georgette. - Oh ! n’importe quoi, vite fait, qui devient tout rouge ?

pierre. - C’est moi qui vais le devenir si vous me mettez en colère !

Entre Gustave Bémont, dit Bichro. Effectivement barbe rousse et cheveux bruns.

(Jean-Noël Fenwick, Les Palmes de M. Schutz, L’Avant-Scène Theatre, n° 855, 1989)

CHAPITRE III

ELEMENTS DE POLITESSE LINGUISTIQUE

Tout individu possède deux faces: la face négative qui correspond au territoire du moi (territoire corporel, spatial ou temporel, biens matériels ou savoirs secrets), et la face positive qui correspond au narcissisme, et à l’ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent d’eux-mêmes et qu’ils tentent de garder et d’imposer dans l’interaction.

Tout au long de l’interaction, les interlocuteurs accomplissent un certain nombre d’actes verbaux et non verbaux qui menacent l’une ou l’autre de ces quatre faces. Ces actes menaçants pour les faces sont appelés FTA (Face Threatening Act) / AMF.

Les actes menaçants sont de quatre types: actes menaçants pour la face négative du locuteur (offre, promesse etc.), actes menaçants pour la face positive du locuteur (aveu, excuse, autocritique etc.), actes menaçants pour la face négative de l’interlocuteur (ordre, requête, interdiction, conseil etc.), actes menaçants pour la face positive de l’interlocuteur (critique, réfutation, reproche, insulte, injure, moquerie, sarcasme etc.).

La politesse apparait comme un moyen de concilier le désir mutuel de préservation des faces, avec le fait que la plupart des actes de langage sont potentiellement menaçants pour certaines de ces faces.

La politesse négative est de nature abstentionniste ou compensatoire: elle consiste à éviter de produire un FTA, ou à en adoucir la réalisation.

La politesse positive est de nature productionniste: elle consiste à effectuer un acte de langage valorisant: cadeau ou compliment.

Les formules de politesse positive se prêtent à la formulation intensive («merci mille fois» et jamais «merci un peu».), à l’adoucissement de la formulation des actes menaçants et au renforcement de celle des actes valorisants. Le locuteur a tendance à litotiser les énoncés impolis et hyperboliser les énoncés polis («c’est vraiment délicieux!» mais «c’est un petit peu salé pour mon goût.»). La meilleure façon d’être (négativement) poli, c’est d’éviter de commettre un acte qui risquerait d’être menaçant pour le destinataire (critique, reproche etc.) Au cas où le locuteur accomplirait l’acte projeté, les règles de politesse imposent alors de l’amortir, en recourant à l’un ou l’autre de ces procédés que les chercheurs appellent des adoucisseurs. Ces adoucisseurs peuvent être de nature paraverbale ou non verbale: voix douce, sourire. Quant aux adoucisseurs de nature verbale, ils se répartissent en procédés substitutifs (formulation indirecte, désactualisateurs modaux et temporels, formules de politesse etc.) et accompagnateurs (préséquences, énoncés réparateurs d’excuse ou de justification etc.)

Exercices

▪ Analysez la structuration des énoncés suivants. Quels sont les moyens auxquels le locuteur recourt pour atténuer ou renforcer l’impact de l’acte accompli?

Tu ne voudrais pas me rendre service? (J. Giono)

Auriez-vous l’obligeance de répéter?

Tu vas me le dire tout de suite.

Vous ne pourriez pas m’attendre une minute? (J. Giono)

Sors immédiatement!

Tu y étais, oui ou non? (J. Giono)

J’aurais besoin que tu ailles chez ce type maigre, tu sais? (J. Giono)

Tu m’achèterais une guitare?

Je voulais te demander si tu peux me prêter ta voiture.

J’aurais une question à te poser: qui est au bureau?

Je t’ordonne de te taire maintenant, tu entends? (J. Anouilh)

Qu’est-ce que tu veux que je fasse pour toi, ma tourterelle? (J. Anouilh)

On a quartier libre, dimanche. Si on emmenait les femmes? (J. Anouilh)

Je voudrais m’asseoir un peu, s’il vous plait. (J. Anouilh)

Te tairas-tu, enfin? (J. Anouilh)

Je voudrais seulement que tu remettes une lettre à quelqu’un quand je serais morte. (J. Anouilh)

Puis-je vous offrir un peu de poulet, dit le vieillard: ma cuisinière me charge toujours de vivres comme pour un escadron. (A. Maurois)

Partageons ceci, voulez-vous?

▪ Analysez les actes suivants en tant qu’actes menaçants. Quelle(s) est(sont) la(les) face(s) affectée(s) par leur accomplissement:

Voulez-vous que j’essaie de faire ça à pied en un jour? (J. Giono)

Vous avez peut-être faim? (J. Giono)

Sacré Paul!

Qu’est-ce que vous voulez que je fasse? (J. Giono)

Mille fois merci!

Il faudrait que vous me meniez jusqu’à la grande route. (J. Giono)

Menteur!

Quelle bonne mine!

Alors, je ne sais pas.

Tu devrais voir un spécialiste.

Mettez-vous à ma place. (J. Giono)

Mon Dieu ! Quel vacarme!

Tu sais, c’est moi qui ai dit à Paul sur ta fête.

Pardon, Hémon, pour notre dispute d’hier soir et pour tout. (J. Anouilh)

Tu es folle. (J. Anouilh)

Va dormir maintenant, je t’en prie. (J. Anouilh).

Pauvre Ismène. (J. Anouilh)

Je te promets que je ne bougerais pas d’ici avant ton réveil. (J. Anouilh)

Oh ! mon chéri, comme j’ai été bête ! (J. Anouilh)

Leurs sales mains ? Vous pourriez être polie, Mademoiselle… Moi, je suis poli. (J. Anouilh)

Vous êtes odieux! (J. Anouilh)

Pourquoi fais-tu des cachotteries avec moi? (H. Troyat)

Vous aurez à rentrer à Abbeville à pied, Viniès, dit Bertrand d’Ouville, avec une nuance de menace. (A. Maurois)

Écoutez-moi bien. Asseyez-vous, ne bougez pas, je vous en supplie!

▪ Analysez l’acte d’expression du désaccord en vous rapportant au système des faces :

- Les sous-pieds vont me gêner pour danser, dit-il.

- Danser ? reprit Emma.

-Oui !

- Mais tu as perdu la tête ! On se moquerait de toi, reste ta place.

(G. Flaubert, Madame Bovary, Livre de poche, 1995)

▪ Relevez les renforçateurs dans l’intervention initiale de l’extrait ci-dessous.

– …Mademoiselle Troussecotte, dès maintenant, je vous demande de sténographier le débat. Nous brûlerons le compte-rendu ensuite, mais pour l’instant, notez tout!

– En clair ou en code… patron?

Elle savait que l’appeler «patron» irritait le colonel en le rabaissant au rang d’un simple homme politique. Bourru, il répliqua:

– Une ligne en code, une autre en clair!

(P. Dac et L. Rognoni, Bons baisers de partout, EPM Musique, 1998)

Faites les transformations nécessaires de manière à mettre en place les procédés de la politesse négative.

▪ Par ses interventions, Puntila atteint à sa propre face, voulant ainsi réparer une offense apportée à Matti. Relevez les moyens réalisant cette auto-dévalorisation.

puntila : Je t’ai vraiment laissé attendre dehors? Ça n’est pas bien de ma part, je m’en veux énormément, et je te demande, si ça m’arrive encore une fois, de prendre la clé anglaise et de m’en flanquer un coup sur le cassis ! Matti, es-tu mon ami?

matti : Non.

puntila : Je te remercie. Je le savais. Matti, regarde-moi ! Que vois-tu ?

matti : Je dirais : un gros lourdaud, soûl comme un cochon.

PuNTILA ; Ça montre combien les apparences peu­vent tromper. Je suis tout à fait différent. Matti, je suis un homme malade.

matti : Très malade.

(Bertolt BRECHT, Maitre Puntila et non valet Matti, traduction Michel Habar, L’Arche, 1956)

▪ La réalisation linguistique de l’acte influe sur sa perception par le destinataire. Étudiez les énoncés suivants et mentionnez pour chacun la séquence de sa structure, qui, une fois modifiée, peut entrainer un changement dans la relation entre les interactants.

Tu vas lui remettre le paquet demain. => Pourrais-tu lui remettre le paquet demain?

(relation de distance et de supériorité - rendre service)

(relation de familiarité, prière de demande professionnelle d’accomplir une tache)

Éteins ta cigarette !

Pourrais-tu me passer le sel ?

Tais-toi !

Tu me diras la vérité tout de suite !

Auriez-vous l’obligeance de répéter ?

Repose-toi un peu ! Tu te sentiras mieux !

▪ Quels sont les effets inverses créés par l’accomplissement des actes ci-dessous. Expliquez où se place l’offense :

Comme tu es belle aujourd’hui !

Attention ! Aujourd’hui on ne copie pas !

Cette fois-ci, c’est bien mangeable !

Quel est l’élément responsable pour le sens contraire que l’énoncé gagne? Quel est l’effet créé par ce retard dans l’adresse de l’invitation ?

Etudiez la manière dont le locuteur lance l’invitation à son interlocuteur:

― Et cet après-midi, demanda Bernard Palaiseau, tu es libre ?

Non, dit Étienne.

Dommage, reprit l’autre. Biosque et Maroussel sont rentrés de vacances. On va prendre un pot, tous ensemble, dans une petite boite, au quartier Latin : Le Fisto. J’y étais hier. C’est marrant. On a vu Thuillier. Il nous a dit bonjour

Je regrette, dit Étienne.

Je t’assure que tu devrais nous accompagner. Il y aura des filles que Maroussel a raccrochées en vacances, à La Baule

Je ne peux pas, dit Étienne. J’ai promis à ma mère de sortir avec elle.

Si ça t’emmerde que je te relance comme ça, dis-le.

Mais non, mon vieux. Seulement, je suis très pris en ce moment. Voilà tout. Plus tard, on verra []

C’est vu. Je file. Tu me feras signe.

Je te le promets, dit Étienne.

(H. Troyat, La tête sur les épaules, Le livre de poche, 1951)

Donnez des exemples similaires servant à introduire une question, une confidence, un reproche, une prière. Quel est leur rôle ?

▪ Quelle est l’offense dans l’extrait ci-dessous ? Expliquez les actes d’excuse et de justification:

— Excusez-moi, monsieur, dit le vieillard, dès qu’ils eurent franchi le pavé bruyant des faubourgs, ne seriez-vous pas le nouvel ingénieur de l’arrondissement d’Abbeville?

— Oui, monsieur, dit l’autre, très surpris, et examinant sans bienveillance ce petit homme à la voix précieuse.

Ce n’est pas par curiosité, croyez-le, que je me suis permis de vous interroger. Je m’occupe d’archéologie, mes recherches me mettent en rapports assez fréquents avec vos services et j’attendais votre arrivée. Je me nomme Bertrand d’Ouville.

(A. Maurois, Ni ange ni bête, Le Livre de Poche, 1951)

Synthèses

Analysez les extraits suivants en appliquant les règles de structuration et de fonctionnement de la conversation. Considérez :

la manière dont se construit l’interaction, plus précisément comment se réalisent la sélection de l’interlocuteur et l’approche, le maintien et le changement du thème

les signaux destinés à maintenir le déroulement de l’interaction, à capter l’interlocuteur et à le maintenir sur l’écoute

les procédés d’initiation, de relance et de clôture de la conversation

la construction et l’évolution de la relation interpersonnelle : les marques des rapports de hiérarchie et de domination entre les interlocuteurs, les indices four­nis sur l’identité, la fonction et le caractère de cha­cun d’eux (suivez les formes d’interpellation et d’adresse, l’emploi des pronoms, les signes, les gestes, l’attitude, les actes verbaux accomplis etc.)

les procédés linguistiques relevant de la politesse linguistique

En ce début de pièce, le maitre émerge d’une beuve­rie de deux jours.

maTTI : Je suis votre chauffeur, monsieur Puntila.

puntila, méfiant : Qu’est-ce que tu es ? Répète.

mattI : Je suis votre chauffeur.

PUNTILA : Tout le monde peut dire ça. Je ne te connais pas.

maTTI: Peut-être ne m’avez-vous jamais bien regardé, ça fait seulement cinq semaines que je suis chez vous.

puntila : Et maintenant d’où viens-tu ?

maTTI: De dehors. J’attends depuis deux jours dans la voiture.

puntila : Dans quelle voiture ?

maTTI : Dans la vôtre. Dans la Studchaker.

puntila : Ça me parait drôle. Tu peux le prouver ?

maTTI: Et je n’ai pas l’intention de vous attendre dehors plus longtemps, sachez-le hein. J’en ai jusque-là. Vous ne pouvez pas traiter un homme de cette façon.

(Bertolt BRECHT, Maitre Puntila et non valet Matti, traduction Michel Habarl, L’Arche, 1956)

◙ – Allô ? appela une voix flûtée.

– Oui, ici le président de la République.

– Bonsoir, monsieur le Président.

– Bonsoir, madame.

– Mademoiselle, rectifia la voix flûtée.

– Mademoiselle. Mademoiselle comment, s’il vous plait ?

– Marie.

– Bonsoir, mademoiselle Marie. Donc vous attendez une naissance. Savez-vous pour quel jour ?

– On m’a parlé du 25 décembre, monsieur le Président.

– Parfait, parfait. Et quel est le cadre naturel dont vous rêvez pour cette naissance ?

– Une étable, monsieur le Président. Une étable avec beaucoup de paille. Et aussi un bœuf et un ane.

Le Président, malgré sa maitrise bien connue, ne put empêcher ses yeux de s’arrondir d’étonnement.

– Une étable, de la paille, un bœuf et un ane…, répéta-t-il mécaniquement. Bon. bon, vous aurez tout cela. Me permettez-vous cependant une dernière question ?

– Mais oui, monsieur le Président.

– Avez-vous fait déterminer le sexe de votre enfant ?

– Oui, monsieur le Président, ce sera une fille.

– Ah, bravo, une fille ! s’exclama le Président avec un soulagement évident. C’est tellement plus mignon qu’un garçon ! Tellement plus calme, plus rassurant ! Eh bien, je me propose comme parrain, si vous voulez bien de moi, et nous l’appellerons Noëlle. Bonsoir à tous.

(Michel Tournier, Le Médianoche amoureux, Éd. Gallimard, 1989)

◙ Michael. – Ferdinand !

Ferdinand. – Mm ?

Michael. – Que se passe-t-il ?

Ferdinand. – Que veux-tu qu’il se passe ?

Véra. – Où vas-tu ?

Ferdinand. – Je dois partir.

Michael. – Mais où donc ?

Ferdinand. – Chez moi.

Michael. – Chez toi ? Comment, mais pourquoi ?

Ferdinand. – Il se fait tard. Je me lève de bonne heure.

Michael. – Mais tu ne peux pas nous faire ça !

Ferdinand. – Il le faut.

(V. Havel, Vernissage, Éd. Gallimard, 1993)

Pierre. - Mon nom est Curie. Pierre Curie.

georgette. - Je sais. On se connait.

pierre. - Vraiment ?

georgette. - Je suis la serveuse du restaurant Le Petit Glouton, vous vous souvenez pas ?

pierre. -J’y vais parfois mais

georgette. - Vous m’avez renversé une soupière de pois cassés sur les jambes

pierre. - Mais oui parfaitement ! Je suis le roi des maladroits.

georgette. - Vous êtes distrait, voilà tout, comme tous les savants.

pierre. - II n’y a que les chiens qui sont « savants ». Je ne suis pas savant. Je suis simplement chargé de cours et de recherches en physique et chimie. Comme monsieur Bémont.

Georgette. - En tout cas, je suis sûre que quand vous êtes à votre affaire vous ne faites pas de bêtises.

pierre. - Non, heureusement. (Il se rassoit. La chaise, mal équilibrée, manque l’embarquer à la renverse. Il se rattrape de justesse, flanquant ci nouveau par terre le tas de copies.) Sapristi ! (Georgette se précipite pour l’aider à ramasser) Non, laissez, je vous en prie ! (Tous deux ramassent le tas de copies éparpillées) Non, s’il vous plait, Je vous assure, ça me gêne.

georgette. - C’est un honneur de vous aider. Vous faites un si beau métier.

pierre (Touché). - Merci infiniment. La science, quand elle est pure, est en effet une bien noble tache.

georgette. - C’est vrai ce qu’on raconte ? Qu’on s’amuse avec des machins jaunes dans des burettes et que ça devient bleu en faisant des pschh et des bloup-bloups ?

pierre (indulgent). - Enfin disons qu’on se livre parfois à des expériences spectaculaires.

georgette. - Vous voudrez pas me faire un petit tour qui saute ou qui pète ?

pierre.-Je vous prie de m’excuser mais j’ai tout ce tas de copies à corriger

georgette. - Oh ! n’importe quoi, vite fait, qui devient tout rouge ?

pierre. - C’est moi qui vais le devenir si vous me mettez en colère !

Entre Gustave Bémont, dit Bichro. Effectivement barbe rousse et cheveux bruns.

(Jean-Noël Fenwick, Les Palmes de M. Schutz, L’Avant-Scène Theatre, n° 855, 1989)

Bibliographie

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