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Causes de la grandeur et de la décadence des Arabes

l'histoire



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DOCUMENTE SIMILARE

Causes de la grandeur et de la décadence des Arabes.

État actuel de l’Islamisme



1. – Causes de la grandeur des Arabes

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Nous terminerons notre histoire de la civilisation des Arabes en résumant dans une vue d'ensemble les causes de leur grandeur et de leur décadence.

Comme facteur préparatoire de la puissance des Arabes, se trouve tout d'abord le moment où ils parurent.

Pour les individus, comme pour les peuples, ce facteur préparatoire a une impor­tance très grande. Bien des qualités ne peuvent se développer qu'à un moment donné. Napoléon ne fût sûrement pas devenu le maitre de l'Europe, s'il était né sous Louis XIV ; et si Mahomet avait paru dans le monde à l'époque de la puissance romaine, les Arabes ne fussent certainement jamais sortis de l'Arabie et seraient restés ignorés de l'histoire.

Mahomet naquit au moment propice. Nous avons montré que lorsqu'il parut, le vieux monde s'écroulait de toutes parts et que les adeptes du prophète n'eurent qu'à le toucher pour provoquer sa ruine.

Mais il ne suffit pas de renverser un empire pour fonder une civilisation. L'im­puissance prolongée des Barbares qui héritèrent de la civilisation romaine en Occi­dent, comme les Arabes en héritèrent en Orient, montre la difficulté d'une telle tache. Le facteur préparatoire, que nous venons de citer, rendait possible la création d'un empire nouveau et d'une civilisation nouvelle. Pour réussir à les créer, il fallait d'autres facteurs essentiels que nous devons déterminer maintenant.

Parmi ceux que nous mentionnerons au premier rang se trouve l'influence de la race.

Nous avons fait voir que ce qui caractérise surtout une race, c'est un certain nombre de sentiments et d'aptitudes semblables existant chez les individus de cette race, et dirigeant leurs efforts dans le même sens. Cet ensemble de sentiments com­muns crée par de lentes accumulations héréditaires, c'est-à-dire le caractère national, représente l'héritage d'un passé que chacun de nos ancêtres a contribué à créer, et que nous contribuons également à former pour nos descendants. Très variable d'un peuple à l'autre, il varie peu au contraire chez le même peuple.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 481

la figure # 362

Arabe marchand de pains ambulant, à Jérusalem ; d'après une photographie instantanée.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

Retour à la table des figures (ordre numérique sur le site web)

Sur ces éléments fondamentaux du caractère national, chaque génération agit sans doute, mais dans une proportion si faible, qu'il faut le cours des siècles pour que l'addition de transformations légères produise un changement sensible. L'éducation, le milieu, les circonstances semblent parfois produire quelques modifications rapides, mais leur durée est toujours éphémère.

En fait, les caractères moraux et intellectuels d'une race sont aussi stables que les caractères physiques des espèces. Nous savons aujourd'hui que ces derniers finissent à la longue par changer ; mais ils changent avec une telle lenteur, que les naturalistes les considéraient autrefois comme absolument invariables.

J'ai essayé de démontrer dans un autre ouvrage, que ce n'est pas l'intelligence, mais bien l'association inconsciente des sentiments dont l'ensemble forme le caractère qui est le mobile fondamental de la conduite. C'est donc par son étude qu'il faut toujours commencer pour arriver à expliquer le rôle joué par les individus ou les peuples dans l'histoire. « L'amour des révolutions, la facilité à entreprendre des guerres sans motifs et à se laisser abattre par les revers, » constatés jadis par César chez nos ancêtres, expliquent bien des événements de notre passé.

Il est facile de prouver par l'histoire que les conséquences du caractère varient suivant les circonstances, et que les qualités et les défauts qui ont engendré à une certaine époque la grandeur d'un peuple, peuvent déterminer sa décadence à une autre. Les Arabes nous en fournissent un exemple. Mais sous la divergence des effets, une analyse suffisamment pénétrante découvre aisément l'identité des causes. Il semble, au premier abord, qu'il y ait un abime entre un Grec du temps de Périclès et un Byzantin du Bas-Empire, et, au point de vue social, il y a un abime, en effet. Le fond du caractère est cependant resté identique : les circonstances dans lesquelles il s'est exercé ont seules varié. En se manifestant dans un autre milieu et un autre temps, la finesse, la subtilité philosophique et le beau langage du Grec sont devenus la perfidie astucieuse, la subtilité théologique et le bavardage inutile du Byzantin.

L'inquisiteur du moyen age, avec sa foi ardente et ses violents instincts con­servateurs, et le jacobin moderne avec son athéisme farouche et ses instincts révolu­tionnaires peuvent sembler bien différents ; un instant de réflexion montre que le second est cependant bien proche parent du premier. Le nom seul de la croyance a changé.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 482

la figure # 363

Arabes des environs d'Assouan (haute Égypte) ;
d'après une photographie instantanée de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

Retour à la table des figures (ordre numérique sur le site web)

À ces éléments fondamentaux du caractère national, aussi immuables que les vertèbres chez les vertébrés, se joignent toujours une foule d'éléments accessoires, aussi variables que l'être la taille, la forme du corps, la couleur chez ces mêmes vertébrés. Ce sont eux qui font dire, avec raison, que le goût, et les idées changent d'une époque à l'autre. Mais tous ces changements ne touchent pas aux éléments fondamentaux du caractère. On peut comparer ces derniers au rocher que la vague frappe sans cesse sans l'ébranler, et les premiers aux couches de sable, de coquillages et de végétaux qu'elle dépose sur ce même rocher pour les enlever bientôt.

Il découle de ce qui précède que c'est seulement sur l'étude des éléments fonda­mentaux du caractère national, que l'histoire doit s'appuyer pour différencier les peuples. Nous avons suffisamment décrit ceux des Arabes, et il serait inutile d'y revenir maintenant. Laissant de côté ce qui a été dit de leur intelligence, de leur enthousiasme, de leurs aptitudes artistiques et littéraires, sans lesquels ils ne se fussent jamais élevés à la civilisation, je ne rappellerai que ce qui est relatif à leurs habitudes guerrières invétérées, parce que ces habitudes fournissent un exemple remarquable de ce que nous disions plus haut : que, suivant les circonstances, les mêmes aptitudes peuvent engendrer des résultats fort différents. Les habitudes guer­rières des Arabes étaient tellement enracinées, que l'Arabie ne formait, avant Mahomet, qu'un perpétuel champ de bataille. Lorsque sous l'influence d'une croyance commune, ils tournèrent toutes leurs forces contre des étrangers, leurs habitudes guerrières furent une des causes principales de leurs succès. Lorsqu'ils n'eurent plus d'ennemis à combattre, ils durent, pour obéir à leur caractère batailleur, tourner de nouveau leurs armes contre eux-mêmes ; et les mêmes instincts qui avaient assuré leur grandeur déterminèrent leur décadence.

Mais, par cela même que le caractère peut produire suivant les circonstances des résultats si différents, il est évident que cet élément ne saurait, quelle que soit son importance, expliquer à lui seul l'évolution d'un peuple. Les circonstances et bien d'autres facteurs encore ont une influence considérable.

À la tête de tous les facteurs qui nous restent à étudier, se trouve celui auquel est due la réunion en un seul peuple de toutes les tribus jadis si divisées de l'Arabie : la religion créée par Mahomet. Elle donna un idéal commun à des peuples qui n'en avaient pas, et un idéal capable d'inspirer une telle ardeur à ses disciples que tous étaient prêts à sacrifier leur vie pour lui.

J'ai eu occasion de répéter plusieurs fois déjà que le culte d'un idéal est un des plus puissants facteurs de l'évolution des sociétés humaines. Quel que soit cet idéal, il n'importe. Il suffit que sa puissance soit assez grande pour donner à un peuple des sentiments communs, des espérances communes, et une foi assez vive pour que chacun soit prêt à sacrifier sa vie pour le faire triompher. L'idéal des Romains fut la grandeur de Rome, celui des chrétiens l'espoir de gagner une vie future pleine de délices. L'homme moderne a imaginé des divinités nouvelles, aussi chimériques assurément que les anciens dieux, mais auxquelles il élève avec raison des statues, et dont l'influence bienfaisante suffira peut-être à soutenir quelques temps encore les vieilles sociétés sur leur déclin. L'histoire n'est que le récit des événements qu'ont accomplis les hommes à la poursuite d'un idéal. Sans son influence, l'homme serait encore dans la barbarie, et il n'y aurait pas eu de civilisation. La décadence commence pour un peuple le jour où il ne possède plus un idéal universellement respecté, et pour la défense duquel chacun soit prêt à se dévouer.

L'idéal créé par Mahomet fut exclusivement religieux, et l'empire fondé par les Arabes présente ce phénomène particulier, d'avoir été le seul grand empire unique­ment établi au nom d'une religion, et faisant dériver de cette religion même toutes ses institutions politiques et sociales.

Ce facteur tout puissant, l'idéal, suffit-il, en y joignant même ceux que nous avons énumérés, pour expliquer la grandeur des Arabes ? Nullement. Nous sommes cepen­dant arrivés un peu plus loin qu'il y a un instant. Le vieux monde s'est écroulé ; un peuple plein de qualités guerrières et réuni en un seul faisceau par des croyances communes est prêt à entreprendre sa conquête. Il lui reste encore à le conquérir et surtout à le garder.

Nous avons vu comment se firent les conquêtes des Arabes ; comment, après être sortis de l'Arabie et avoir été battus dans leurs premières rencontres par les derniers héritiers de la puissance gréco-romaine, ils ne perdirent pas un instant courage et s'instruisirent à l'école de leurs vainqueurs. Lorsqu'au point de vue militaire il furent devenus les égaux de ces derniers, le succès ne pouvait être douteux. Chaque soldat de l'armée arabe était prêt à donner sa vie pour faire triompher l'idée sous l'égide de laquelle il combattait, alors que dans l'armée des Grecs, tout dévouement, tout enthousiasme et toute croyance étaient morts depuis longtemps.

Les premiers succès des Arabes auraient pu les aveugler et les conduire à ces excès si habituels chez tous les conquérants, les porter surtout à traiter durement les vaincus et à leur imposer par la force la foi nouvelle qu'ils voulaient répandre dans le monde. En agissant ainsi, ils eussent soulevé contre eux toutes les populations non encore soumises. Cet écueil dangereux auquel les Croisés ne surent pas échapper plus tard lorsqu'ils pénétrèrent en Syrie à leur tour, les Arabes l'évitèrent soigneusement. Avec un génie politique bien rare chez les adeptes d'un nouveau culte, les premiers khalifes comprirent que les institutions et les religions ne s'imposent pas par la force, et nous avons vu que partout où ils pénétrèrent : en Syrie, en Égypte et en Espagne, ils traitèrent les populations avec la plus grande douceur, leur laissant leurs lois, leurs institutions, leurs croyances, et ne leur imposant en échange de la paix qu'ils leur assuraient qu'un modeste tribut, inférieur le plus souvent aux impôts qu'elles payaient auparavant. Jamais les peuples n'avaient connu de conquérants si tolérants, ni de religion si douce.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 484

la figure # 364

Jeune Arabe de la haute Égypte ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Cette tolérance et cette douceur, si méconnue des historiens, furent une des causes de la rapidité avec laquelle s'étendirent les conquêtes des Arabes et la raison princi­pale de la facilité avec laquelle fut acceptée partout leur religion, leurs institutions et leur langue ; nous savons qu'elles se fixèrent avec une telle solidité chez les peuples qui les avaient accueillies, qu'elles résistèrent ensuite à toutes les invasions et à la disparition des Arabes de la scène du monde. Le fait est surtout frappant pour l'Égypte. Les Perses, les Grecs, et les Romains qui la dominèrent n'avaient jamais réussi à renverser l'antique civilisation pharaonique et à y substituer la leur.

D'autres causes encore que la tolérance des Arabes et la douceur de leur domi­nation contribuèrent à assurer le succès de leur religion et des institutions qui en découlent. Ces institutions étaient trop simples, en effet, pour ne pas se mettre facilement en rapport avec les besoins également très simples des couches moyennes des populations envahies. Lorsque par hasard elles n'étaient pas exactement adaptées à ces besoins, les Arabes savaient les modifier suivant les nécessités ; et c'est ainsi qu'avec un Coran unique, les institutions musulmanes de l'Inde, de la Perse, de l'Arabie, de l'Afrique berbère et de l'Égypte présentaient des différences parfois très grandes.

Nous voici arrivés au moment où les Arabes ont achevé la conquête du monde, mais notre tache n'est pas terminée encore. La période des conquêtes n'est qu'une des phases de l'histoire des disciples du prophète. Après avoir conquis le monde, ils fondent une civilisation nouvelle que les facteurs précédemment invoqués ne sau­raient expliquer. D'autres éléments durent donc intervenir.

Deux causes déterminantes furent les origines de cette civilisation, le milieu nouveau où se trouvèrent les Arabes et les aptitudes de leur intelligence.

Le milieu, nous l'avons décrit. À peine sortis des déserts de leur patrie, les Arabes se trouvèrent en contact avec les oeuvres, merveilleuses pour eux, de la civilisation gréco-latine. Ils comprirent sa supériorité intellectuelle comme ils avaient compris auparavant sa supériorité militaire, et s'efforcèrent bientôt de l'égaler.

Mais pour s'assimiler une civilisation avancée, il faut déjà posséder un esprit cultivé. Les vains efforts que firent les barbares pendant des siècles pour s'approprier les débris de la civilisation latine, prouvent la difficulté d'une telle tache. Les Arabes, heureusement, n'étaient pas des barbares. Nous ignorons ce que fut leur civilisation à l'époque, bien antérieure à Mahomet, où ils étaient en relations commerciales avec le reste du monde ; mais nous avons prouvé que lorsque parut le prophète, ils possé­daient une culture littéraire élevée. Or, si un lettré peut ignorer bien des choses, ses aptitudes intellectuelles lui permettent facilement de les apprendre. Les Arabes appor­tèrent, dans l'étude d'un monde si nouveau pour eux, la même ardeur qu'ils avaient mise à le conquérir.

Dans l'étude de cette civilisation où ils se trouvaient si brusquement transportés, les Arabes n'apportaient aucune de ces influences de tradition qui pesaient depuis si longtemps sur les Byzantins ; et cette liberté d'esprit fut une des causes de leur développement rapide. Il arrive souvent dans la vie des peuples que l'influence du passé après avoir joué un rôle utile, asservit les hommes au joug de traditions suran­nées, et empêche tout progrès.

L'indépendance naturelle de l'esprit des Arabes, leur imagination et leur origina­lité se manifestèrent bientôt par des créations nouvelles ; et nous avons montré qu'il s'écoula bien peu de temps avant qu'ils n'eussent imprimé à l'architecture, aux arts, en attendant qu'ils l'imprimassent à la culture des sciences, ce cachet personnel qui fait immédiatement reconnaitre leurs oeuvres à première vue. La philosophie spéculative des Grecs étant peu en harmonie avec la nature de leur esprit, ils y touchèrent peu. Les arts, les sciences et la littérature furent leur étude favorite. Les progrès réalisés par eux dans ces diverses branches ont été suffisamment décrits.

Telles furent les causes essentielles de la grandeur des Arabes. Recherchons celles de leur décadence.

2. - Causes de la décadence
des Arabes

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Plusieurs des facteurs que nous venons d'invoquer pour expliquer les causes de la grandeur des Arabes peuvent être invoqués également pour expliquer leur décadence. Il suffit de faire intervenir cet élément important, que nous avons appelé le moment, pour voir les qualités les plus utiles produire les résultats les plus funestes. Il en est ainsi dans la vie des individus, et il en est de même dans celle des peuples. Les apti­tudes de caractère ou d'intelligence qui provoquent sûrement le succès, à un moment donné, déterminent non moins sûrement l'insuccès à un autre. J'ai montré plus haut comment les instincts guerriers et querelleurs des Arabes, qui leur furent si utiles à l'époque de leurs conquêtes, devinrent nuisibles quand ces conquêtes furent termi­nées, et qu'ils n'eurent plus d'ennemis à combattre. Leurs habitudes séculaires de désunion reprirent le dessus et commencèrent le morcellement d'un empire dont elles devaient finir par provoquer la chute. Ce fut surtout par leurs dissensions intestines qu'ils perdirent l'Espagne et la Sicile. Leurs rivalités perpétuelles permirent seules aux chrétiens de les expulser.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 486

la figure # 365

Marchand tunisien ; d'après une photographie.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Les institutions politiques et sociales des Arabes, que nous avons indiquées comme une des causes de leurs rapides progrès, peuvent être invoquées également comme un des facteurs de leur décadence. Les Arabes ne réussirent à conquérir le monde que le jour où, grace à la religion nouvelle apportée par Mahomet, ils surent se plier au joug d'une loi fixe. Elle seule pouvait réunir les forces jadis disséminées de l'Arabie. Ce joug d'une loi rigide fut excellent tant que les institutions du prophète furent en rapport avec les besoins de son peuple. Lorsque, par la suite des progrès de leur civilisation, elles durent être modifiées, le joug de la tradition était devenu trop lourd pour qu'ils pussent le secouer. Les institutions du Coran, qui étaient l'expression des besoins des Arabes à l'époque de Mahomet, ne furent plus quelques siècles plus tard ; et comme ce livre était à la fois un code religieux, civil et politique, que son origine divine rendait immuable, il était impossible de le modifier dans ses parties fondamentales. Les conséquences du désaccord se firent surtout sentir lorsque la puissance des Arabes commençant à être ébranlée, il s'opéra des réactions religieuses qui, sous prétexte de régénérer l'islamisme, voulurent le ramener strictement à la lettre du Coran, alors qu'aux époques brillantes des khalifats de Bagdad et de Cordoue, les musulmans savaient fort bien faire subir à leur prescriptions les modifications nécessitées par les besoins des peuples qui les acceptaient.

Ce fut surtout dans les institutions politiques des Arabes que l'inconvénient de ne pouvoir opérer de modification considérable se fit durement sentir. Ces institutions, qui plaçaient à la tête de l'empire un souverain réunissant dans ses mains tous les pouvoirs militaires, religieux et civils, étaient évidemment les seules pouvant per­mettre de fonder facilement un grand empire ; mais elles étaient en même temps les moins propres à en assurer la durée. Ces grandes monarchies absolues, où tous les pouvoirs sont réunis en une seule main, ont une puissance irrésistible pour conquérir, mais ne peuvent prospérer qu'à la condition d'avoir toujours à leur tête des hommes très supérieurs. Le jour où ces derniers viennent à manquer tout croule à la fois.

Un des premiers résultats du mauvais système politique des Arabes, fut le morcellement de leur empire. Délégués des khalifes, et réunissant comme eux tous les pouvoirs militaires, religieux et civils, les gouverneurs des provinces en arrivèrent bientôt à vouloir gouverner pour leur propre compte ; et leur pouvoir n'étant balancé par aucun autre, il leur était facile de se proclamer les maitres. Le succès de quelques-uns ne fit qu'exciter les autres, et c'est ainsi que les provinces les plus importantes de l'empire arrivèrent bientôt à former des royaumes séparés.

Ce fractionnement eut des conséquences nuisibles et utiles. Nuisibles parce que le morcellement affaiblissait la puissance militaire des Arabes, utiles parce que ce même morcellement facilitait les progrès de la civilisation. l'Égypte et l'Espagne n'eussent certainement pas atteint le degré de prospérité qu'elles devaient connaitre, si elles ne s'étaient pas détachées de l'empire. Administrées par des gouvernements sans cesse révocables n'ayant aucun intérêt à les voir prospérer et ne pouvant songer qu'à s'enrichir, elles fussent devenues ce qu'elles devinrent plus tard sous des gouverneurs envoyés de Constantinople. La prospérité de quelques-uns de ces petits royaumes indépendants fut très grande ; mais tous subirent finalement le sort des anciens empires où la puissance militaire, au lieu de reposer en partie, comme aujourd'hui, sur la possession d'un matériel de guerre important, ne pouvait s'appuyer que sur le nom­bre des soldats et leur valeur. La première invasion venue les renverse. La civilisation adoucit les mœurs, cultive l'esprit, mais elle ne développe pas les qualités guerrières, et prépare inévitablement la chute des empires. Les peuples où chacun possède une certaine aisance se trouvent bientôt menacés par ceux où la majorité est dans le besoin et désire changer son sort. C'est ainsi que la plupart des grandes civilisations anciennes ont péri. Ce fut la destinée des Romains ; ce fut aussi celle des Arabes. Les conquérants divers, Turcs, Mongols, etc. qui les renversèrent lorsqu'ils eurent atteint un degré de civilisation élevé, eussent sûrement échoué à l'époque où les disciples du prophète venaient de fonder leur empire, et constituaient un peuple dur à la fatigue, habitué à toutes les privations et que rien n'avait encore amolli.

Parmi les causes de la décadence des Arabes, il faut mentionner encore la diver­sité des races soumises à leur domination. L'influence de ce dernier facteur se manifesta par deux voies différentes, toutes deux également funestes. De la présence de races variées résulta, d'une part, le contact, et par suite les rivalités de peuples fort différents ; et, d'autre part, de nombreux croisements qui altérèrent rapidement le sang des vainqueurs.

Ce mélange de peuples différents dans un même empire a toujours été une cause de dissolution énergique. L'histoire démontre qu'il n'est possible de maintenir des races diverses sous une même main qu'en observant deux conditions essentielles : la première, c'est que la puissance du conquérant soit tellement solide que chacun sache que toute résistance serait chimérique ; la seconde, que le vainqueur ne se croise pas avec le vaincu, et ne soit pas par conséquent absorbé par lui. Cette seconde condition, les Arabes ne la réalisèrent jamais ; les Romains eux-mêmes ne la réalisèrent pas toujours, mais ils tombèrent en décadence le jour où ils ne la réalisèrent plus. Des causes diverses de la dissolution du vieux monde romain, une des plus importantes fut la facilité avec laquelle les anciens maitres du monde étaient arrivés à accorder tous les droits de citoyen aux barbares : Rome fut alors peuplée de races diverses où ne dominaient plus les Romains, et où s'éteignirent bientôt les sentiments qui avaient autrefois assuré sa grandeur. Jadis, un citoyen de l'antique cité n'eût pas hésité à sacrifier sa vie pour elle, parce que la grandeur de Rome était un idéal tout-puissant sur lui. Mais de quel poids pouvait peser un idéal semblable dans l'ame d'un barbare ?

Faire vivre sous la même loi des peuples de races différentes, et ayant des senti­ments différents est une entreprise d'une difficulté considérable. Elle n'est possible, le plus souvent, qu'au moyen d'une compression très dure. Le régime imposé aujour­d'hui aux Irlandais et aux Hindous en est la preuve.

Les Arabes n'eurent pas à exercer cette compression sur les races diverses qu'ils avaient soumises, parce que la religion et les institutions qu'ils apportaient avec eux furent facilement acceptées, et que tous ceux qui adoptèrent l'islamisme, quelle que fût leur origine, étaient traités par eux sur un pied d'égalité parfaite. C'était la loi du Coran, et les vainqueurs n'étaient pas désireux de s'y soustraire. Vainqueurs et vain­cus ne formèrent d'abord qu'un seul peuple ayant des croyances, des sentiments et des intérêts communs, et tant que la puissance des Arabes fut assez grande pour être partout respectée, l'accord se maintint dans toutes les parties de leur empire.

Mais si les rivalités de toutes ces races diverses étaient assoupies, elles n'étaient pas éteintes ; et, lorsque les habitudes de dissensions invétérées des Arabes reprirent le dessus, elles se manifestèrent. Tous les pays soumis à l'islam furent bientôt cou­verts de partis constamment aux prises. Alors que les chrétiens assiégeaient le dernier foyer de la puissance musulmane en Espagne ces partis continuaient à lutter entre eux.

La présence sur tous les territoires soumis à l'islamisme de races différentes eut cet autre résultat, dont nous avons signalé plus haut le danger, que les Arabes durent se mélanger avec tous les peuples au milieu desquels ils vivaient. Avec des races qui ne leur étaient pas trop notablement inférieures, les chrétiens d'Espagne par exemple, ils pouvaient peut-être gagner certaines aptitudes ; avec des races inférieures telles que certains peuples asiatiques et les Berbères, ils n'avaient qu'à perdre. Dans les deux cas, ces croisements devaient fatalement finir par détruire les caractères dont l'asso­ciation constituait leur race. En fait, lorsque leur puissance politique disparut entière­ment avec la perte de l'Espagne et de l'Égypte, les pays jadis soumis par eux ne renfermaient plus que bien peu d'Arabes.

À défaut des invasions et d'autres causes diverses qui amenèrent la décadence des Arabes, le simple mélange des races que nous venons de signaler eût suffi à lui seul pour la déterminer. La preuve nous en est fournie par l'exemple du Maroc. Les invasions étrangères l'ont épargné, et cependant cet empire, dont la prospérité fut jadis si grande qu'elle rivalisa presque avec celle de l'Espagne, est retombé aujourd'hui dans une demi-barbarie. La prédominance des Berbères, et surtout les croisements répétés avec l'élément nègre ont considérablement abaissé le niveau de sa civilisation. On a prétendu que l'avenir était aux métis. La chose est possible. Pour les peuples qui veulent garder leur niveau dans le monde, je ne le souhaite pas.

3. - Rang des Arabes
dans l'histoire

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Notre exposé de la civilisation des Arabes, et les éléments fournis par notre étude des causes de leur grandeur et de leur décadence, montrent qu'ils possèdent des qua­lités et des défauts très grands, et des aptitudes intellectuelles élevées. Fort inférieurs aux Romains en ce qui concerne les institutions politiques et sociales, ils leur furent supérieurs par l'étendue de leurs connaissances scientifiques et artistiques. D'une façon générale, nous pouvons dire qu'ils occupèrent un rang élevé dans l'histoire, mais nous devons tacher de déterminer exactement quel fut ce rang.

Pour l'apprécier avec justesse, il faudrait posséder une échelle permettant de me­surer exactement la valeur d'un individu ou d'un peuple ; or cette échelle nous manque totalement. Faute de la posséder, nos jugements reposent beaucoup plus sur nos sentiments personnels que sur notre raison ; et leur variété suffit pour prouver leur incertitude.

Alors même d'ailleurs que nous posséderions cet étalon psychologique de la valeur des hommes qui nous manque entièrement, il faudrait le renouveler constam­ment. La mesure du degré de supériorité valable pour une époque ne l'est plus en effet pour une autre. La plus haute supériorité que pût rêver un Grec était d'être le premier aux jeux olympiques, c'est-à-dire le premier à la lutte, à la course, au pugilat ou à d'autres exercices analogues ; et l'honneur attaché à une telle supériorité était si grand, que celui qui la possédait voyait son nom gravé sur le marbre, et avait le droit de rentrer dans sa ville natale par une brèche ouverte dans les murailles exprès pour lui. De tels honneurs étaient justifiés sans doute à une époque où la force et l'habileté corporelle jouaient un rôle essentiel ; mais une supériorité semblable n'est plus appré­ciée de nos jours que dans les foires de villages, et donne à peine le pain quotidien à son possesseur.

En franchissant le cours des siècles, nous voyons l'échelle de la supériorité se déplacer constamment. Elle résidait encore dans la force corporelle et la bravoure au moyen age. Elle s'est mesurée à d'autres époques aux connaissances scientifiques, artistiques ou littéraires, à d'autres encore à l'aptitude de disserter avec éloquence sur des sujets quelconques. Elle tend aujourd'hui à se mesurer à la somme d'argent que l'on possède. Les rois du siècle où nous entrerons bientôt seront ceux qui sauront le mieux s'emparer des richesses. Les fils d'Israël possèdent cette aptitude à un degré qui n'a pas encore été égalé, et dans le mouvement général qui se dessine partout contre eux, il faut voir des symptômes précurseurs des luttes redoutables qu'il faudra soute­nir contre eux pour se soustraire à leur menaçante puissance.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 490

la figure # 366

Tabouret de bois incrusté de nacre de Damas ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Lorsqu'on examine les conditions qui déterminent le succès des individus ou des peuples dans le monde, on est frappé de voir combien la valeur intellectuelle joue un rôle effacé. La volonté, la ténacité et diverses qualités de caractère ont une puissance bien autre. Entre deux individus ou deux peuples, l'un d'intelligence ordinaire, mais possédant beaucoup de courage, de volonté, de patience, prêt à sacrifier sa vie pour faire triompher un idéal quelconque, et l'autre, d'intelligence supérieure, mais ne possédant pas les aptitudes que je viens de mentionner, le pronostic n'est pas douteux. Ce sera, invariablement, le moins intelligent qui l'emportera. À n'envisager l'intelli­gence que comme élément de succès, on pourrait dire que toutes les fois qu'elle dépasse un certain niveau moyen, elle est plus nuisible qu'utile. L'assertion peut sembler paradoxale, on reconnaitra aisément sa justesse en essayant de se représenter par la pensée quelles seraient les chances possibles de succès dans une lutte entre deux peuples, l'un possédant toutes les qualités de caractère dont je parlais plus haut, l'autre constitué par une réunion de philosophes et de profonds penseurs, n'espérant rien d'un monde meilleur, sachant la vanité de tout idéal, et peu disposés par consé­quent à sacrifier leur vie pour en faire triompher aucun. La faiblesse des conceptions métaphysiques de Mahomet les eût fait sourire ; et pourtant le monde n'a pas encore connu de philosophes dont les doctrines aient jamais possédé une parcelle de la puissance formidable des illusions que tous les fondateurs de religions ont su créer. Que le croyant soit Arabe ou Romain, qu'il ait pour culte Allah ou la grandeur de Rome, l'énergie de ses croyances, la facilité avec laquelle il sacrifie sa vie pour elles le feront triompher facilement. Il en a toujours été ainsi, et rien n'indique qu'on puisse supposer qu'il en soit jamais autrement. Alors qu'ils étaient les maitres du monde, les Romains n'ont jamais présenté dans les arts, ni dans les sciences, une supériorité intellectuelle manifeste. Pour toutes les choses de la pensée, les Grecs étaient leurs maitres, et cependant ils les avaient asservis.

Si nous ne nous placions donc qu'au point de vue du succès nous pourrions dire que c'est dans les qualités de caractère que nous avons énumérées, que la mesure de la supériorité doit être cherchée ; mais cette échelle serait trompeuse encore. Elle n'a de valeur, qu'à l'égard de ce but particulier, le succès immédiat, et, en dehors de lui, elle n'en possède aucune.

Nous n'avons qu'à nous placer, en effet, à ce point de vue supérieur de l'intérêt général de la civilisation, c'est-à-dire de l'humanité, pour voir que ce n'est plus dans les qualités de caractère, que nous avons citées, mais uniquement dans le niveau intellectuel que la supériorité doit être cherchée. Un Newton, un Leibnitz n'eussent jamais triomphé, sans doute, aux jeux olympiques ; ils n'eussent pas résisté un instant à un soldat romain, et cependant, ces demi-dieux de la pensée ont produit plus de transformations dans le monde par les conséquences immédiates ou lointaines de leurs découvertes, que toutes les hordes asiatiques qui ont fondé de grands empires. Lorsque l'avenir jugera le passé avec cette indépendance d'esprit que nous ne saurions avoir aujourd'hui, il dira sûrement que des inventions, telles que l'imprimerie, la machine à vapeur, les chemins de fer, le télégraphe électrique, et bien d'autres encore, ont produit, dans les conditions d'existence des hommes, des changements auprès desquels ceux qui résultent des révolutions les plus célèbres sont d'une insignifiance vraiment bien grande.

Si nous négligeons donc entièrement ces succès matériels qui sont pour les foules, trop souvent suivies par l'histoire, le seul critérium réel de la valeur des individus et des peuples, nous devons proclamer bien haut que c'est uniquement par le nombre d'hommes supérieurs qu'elle possède que doit se mesurer la valeur intellectuelle d'une nation, et par conséquent son niveau dans l'échelle de la civilisation. À la supériorité intellectuelle, elle joindra même le succès, si, avec un petit nombre d'hommes supérieurs, elle possède une masse suffisante d'individus d'intelligence et d'instruction ordinaire, mais présentant à un degré élevé les qualités de caractère précédemment énumérées.

Avec ces explications préalables, nous pouvons porter un jugement suffisamment exact sur la place qui revient aux Arabes dans l'histoire. Ils eurent des hommes supé­rieurs, leurs découvertes le prouvent assez ; mais des grands hommes comparables aux génies que j'ai nommés, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'ils en aient possédés jamais. Inférieurs aux Grecs sur beaucoup de points, égaux certainement aux Romains par l'intelligence, ils ne possédèrent pas, ou au moins ne possédèrent que pour quelque temps, les qualités de caractère qui firent le long succès de ces derniers.

Si, au lieu de comparer les Arabes aux peuples qui ont disparu de la scène du monde, nous essayons de les mettre en parallèle avec les nations européennes, nous pouvons dire, qu'au double point de vue intellectuel et moral ils sont supérieurs à toutes celles qui vécurent avant la renaissance. Les universités du moyen age n'eurent d'autre aliment, pendant des siècles, que leurs ouvrages et leurs doctrines ; et par leurs qualités morales ils surpassèrent beaucoup nos ancêtres.

Vers l'époque de la Renaissance, les Arabes disparurent de l'histoire, et nous ne pouvons dire ce qu'ils fussent devenus un jour. Nous ne croyons pas cependant qu'ils eussent jamais dépassé beaucoup le niveau déjà atteint. L'infériorité de leurs insti­tutions leur créait de trop sérieux obstacles.

On ne peut comparer évidemment des époques aussi différentes que celle où disparurent les Arabes et les temps modernes. Si l'on exigeait cependant que cette comparaison fût faite, nous dirions que chez les Arabes les hommes supérieurs furent notablement au-dessous des hommes correspondants de l'age actuel, mais que les individus moyens de leur race furent au moins égaux, et le plus souvent supérieurs, à la couche moyenne des populations civilisées d'aujourd'hui.

Ce que nous disons, d'ailleurs, des couches moyennes des anciennes populations arabes, nous l'appliquerions volontiers à la plupart des Orientaux actuels. Qu'il s'agisse d'Arabes, de Chinois ou d'Hindous, les masses moyennes n'y sont certaine­ment pas inférieures à celles de l'Europe. On y trouve des agriculteurs et des ouvriers au moins aussi habiles que les nôtres. La concurrence écrasante faite en Amérique et en Australie par les Chinois aux ouvriers anglo-saxons, concurrence telle qu'il a fallu à peu près les expulser, en fournit l'irrécusable preuve. Au moins nos égaux par l'habileté, et d'autant plus facilement que la spécialisation n'a pas abaissé leur intelli­gence, les Orientaux nous sont supérieurs par leur sobriété, leur absence de besoins et leurs mœurs patriarcales. Il ne leur manque qu'une chose - fondamentale il est vrai - pour égaler les peuples civilisés de l'Europe, c'est de posséder une couche suffisante d'hommes supérieurs et quelques grands hommes. Il est heureux pour nous, d'ailleurs, qu'ils ne les possèdent pas, parce qu'alors les qualités de la masse de leur population leur permettraient facilement de nous supplanter et de se placer à leur tour à la tête de la civilisation. Si jamais se réalisait le rêve de nos socialistes modernes, d'une société d'hommes d'intelligence moyenne, d'où toute supériorité aurait été graduellement éliminée, l'empire du monde appartiendrait bientôt aux populations de l'extrême Orient.

4. - État actuel de l'Islamisme

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Les siècles se sont appesantis sur la poussière des Arabes, et leur civilisation appartient depuis longtemps à l'histoire. On ne peut dire cependant qu'ils soient morts tout entiers, car la religion et la langue qu'ils ont introduites dans le monde sont plus répandues encore qu'elles ne le furent aux plus brillantes époques de leur splendeur. L'arabe est la langue universelle  du Maroc jusqu'à l'Inde, et les progrès de l'isla­misme ne se ralentissent pas.

Les géographes portent à 110 millions le nombre de mahométans existant dans le monde, mais ce chiffre doit être inférieur à la réalité, car il a été établi à une époque où l'étendue de leurs progrès en Chine et dans l'Afrique centrale n'était pas soup­çonnée. En dehors de l'Arabie, le Coran est professé aujourd'hui en Égypte, en Syrie, en Turquie, en Asie Mineure, en Perse, et dans une partie notable de la Russie, de l'Afrique, de la Chine et de l'Inde. Il a gagné Madagascar et les colonies de l'Afrique australe. Il est connu dans les iles de la Malaisie, et est professé par nombre d'habitants de Java et Sumatra. Il s'avance jusqu'à la Nouvelle-Guinée, et, avec les nègres d'Afrique, a pénétré en Amérique.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 493

Carte # 2

Carte de l'empire des Arabes à l'époque de leur plus grande puissance et de l'Islamisme
à l'époque actuelle - dressée sous la direction du Dr. Gustave Le Bon.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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L'étonnante facilité avec laquelle se répand le Coran dans le monde est tout à fait caractéristique. Partout où un musulman a passé on est certain de voir sa religion rester. Des pays, que les Arabes n'ont jamais visités en conquérants, et qui n'étaient parcourus que par leurs marchands, tels que certaines parties de la Chine, de l'Afrique centrale et de la Russie, comptent aujourd'hui par millions les sectateurs du prophète. Toutes ces conversions se sont faites librement, sans violence ; et jamais on n'a entendu qu'il ait fallu envoyer des armées pour secourir ces simples trafiquants arabes, faisant fonction de missionnaires. Partout où a été établi leur culte, Il n'a fait ensuite que s'étendre. Implanté depuis des siècles en Russie, il n'a jamais pu être déraciné. Il y a actuellement 50 millions de musulmans dans l'Inde ; et tous les efforts des missionnaires protestants, joints aux faveurs de l'administration, n'ont pas réussi à produire des conversions. On ignore combien ils peuvent être en Afrique, mais aussi loin qu'aient pénétré les explorateurs modernes, ils y ont trouvé des tribus professant l'islamisme. Il civilise actuellement les peuplades de l'Afrique dans la mesure où elles peuvent l'être, et fait partout sentir sa bienfaisante action.

« Grace à lui, écrit justement M. J. Duval, les fétiches et les idoles disparaissent de la terre, les sacrifices humains et l'anthropophagie sont abolis, les droits des femmes sont consacrés, quoique à un titre trop inférieur encore au droit absolu, la polygamie réglée et restreinte, les liens de famille sont établis et consolidés, l'esclave devient un membre de la famille, à qui s'ouvrent des issues faciles et nombreuses vers la liberté. La prière, l'aumône, l'hospitalité purifient et élèvent les mœurs publiques ; le sentiment de l'équité et de la charité pénètre dans les consciences ; les maitres des peuples apprennent qu'ils ont des devoirs tout comme les sujets. La société s'asseoit sur des bases régulières. Si une foule d'abus subsistent trop souvent là comme ailleurs, la justice divine leur réserve ses rigueurs : l'espérance d'une vie future, heu­reuse et réparatrice, soutient les victimes du sort ou de l'iniquité. Tels sont quelques-uns des bienfaits qui signalent partout l'avènement de l'islamisme au sein des sociétés non civilisées. »

Mais c'est en Chine, surtout, que l'islamisme fait d'étonnants progrès. Là où les missionnaires européens sont obligés d'avouer leur impuissance, l'islamisme obtient les plus brillants succès. Nous avons vu qu'il existe aujourd'hui 20 millions de secta­teurs de Mahomet dans ce pays : la ville de Pékin, à elle seule, en compte cent mille.

« Entré dans le Céleste Empire par la même voie que le boudhisme, écrit le pro­fesseur Vasilieff, l'islamisme parviendra peu à peu, et les musulmans chinois n'en doutent pas, à se substituer au lieu et place de la doctrine de Cakya Mouni. Cette question est de la plus haute importance ; en effet, si pareil événement venait jamais à se réaliser, si la Chine, qui renferme au moins le tiers de la race humaine, venait à se convertir au mahométisme, tous les rapports politiques du vieux monde se trouve­raient considérablement modifiés. La religion de Mahomet s'étendant de Gibraltar à l'océan Pacifique pourrait de nouveau menacer le christianisme. »

Notre livre est terminé. Résumons-le en quelques mots. Au point de vue de la civilisation, bien peu de peuples ont dépassé les Arabes et l'on n'en citerait pas qui ait réalisé des progrès si grands dans un temps si court. Au point de vue religieux, ils ont fondé une des plus puissantes religions qui aient régné sur le monde, une de celles dont l'influence est la plus vivante encore. Au point de vue politique, ils ont créé un des plus gigantesques empires qu'ait connus l'histoire. Au point de vue intellectuel et moral ils ont civilisé l'Europe. Peu de races se sont élevées plus haut, mais peu de races sont descendues plus bas. Aucune ne présente d'exemple plus frappant de l'influence des facteurs qui président à la naissance des empires, à leur grandeur et à leur décadence.

Fin du livre VI : “ La décadence de la civilisation arabe ”



Il existe un journal arabe à Constantinople et une dizaine en Syrie, dont trois Revues hebdoma­daires. Des journaux d'intérêts locaux s'impriment dans la plupart des pays où se parle l'arabe.



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