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Institutions politiques et sociales des Arabes
1. – Origine des institutions des Arabes
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Les institutions politiques et sociales de la plupart des peuples dont s'occupe l'histoire ont présenté des différences très grandes d'une nation à l'autre. L'observation démontre que leur valeur est tout à fait relative. Celles qui sont excellentes pour les uns sont fort souvent détestables pour d'autres.
Cette vérité est une de celles qui ont besoin de démonstration et ne s'imposent pas immédiatement à l'esprit. Ce qui parait évident au premier abord, au contraire, c'est que les institutions auxquelles on croit pouvoir attribuer la grandeur d'un peuple doivent être prises pour modèle. Rien ne semble par conséquent plus sage que de les adopter alors même que la force est nécessaire pour les faire prévaloir. C'est ainsi qu'ont raisonné pendant longtemps les hommes politiques et les historiens. C'est ainsi que la plupart d'entre eux raisonnent encore.
Nous commençons aujourd'hui seulement à comprendre combien une conception semblable est dangereuse. L'étude un peu approfondie de la vie des peuples a montré que leurs institutions sont la simple expression de leurs sentiments et de besoins héréditaires créés par un long passé, et ne peuvent être modifiées à volonté. Les historiens nous disent bien sans doute que des législateurs comme Moïse, Lycurgue, Solon, Numa, et d'autres, ont imposé à leurs peuples des codes sortis de toutes pièces de leur cerveau ; mais en réalité il n'en à jamais été ainsi. Aucun législateur n'a possédé un tel pouvoir. Les conquérants les plus puissants, les révolutions les plus violentes ont pu à peine l'exercer pour quelque temps. Il est certainement possible d'obliger un peuple à subir momentanément des institutions absolument différentes de celles qu'il possédait, de même qu'on peut forcer un animal à prendre pour un instant une attitude contraire à sa nature ; mais aussitôt que cesse la compression, le passé reprend tout son empire. Sous des noms nouveaux, les institutions anciennes reparaissent bientôt et il n'y a eu en définitive que quelques mots de changés.
Bien des faits historiques paraissent au premier abord en contradiction avec ce qui précède. Il suffit de les approfondir pour voir cette contradiction s'évanouir. Les Arabes, par exemple, semblent avoir imposé les mêmes institutions à des peuples fort différents ; mais quand on étudie les nations de l'Asie et de l'Afrique où s'est propagée leur doctrine, on voit que les institutions antérieures de la plupart de ces peuples différaient très peu de celles des Arabes. Lorsqu'elles en différaient sur des points essentiels, comme chez les Berbères par exemple, le Coran n'a eu qu'une influence faible. Plus sages que bien des hommes politiques modernes, les Arabes savaient fort bien que les mêmes institutions ne sauraient convenir à tous les peuples et ils avaient pour règle de toujours laisser les nations conquises libres de conserver leurs lois, leurs coutumes et leurs croyances.
Les institutions, n'étant que l'expression des besoins et des sentiments de la nation où elles ont pris naissance, ne peuvent changer que lorsque ces besoins et ces sentiments ont eux-mêmes changé. L'histoire démontre que leur transformation ne peut se faire que par une série d'accumulations héréditaires et par conséquent avec une lenteur extrême. Il y a loin des barbares qui envahirent le monde romain à leurs descendants de la Renaissance ; mais il a fallu mille ans de moyen age pour opérer un tel changement. Les lois qui régissent l'évolution de tous les êtres vivants régissent aussi celle des institutions sociales. Certains animaux vivant au sein des mers pendant les ages géologiques ont fini, dans la suite des temps, par acquérir les organes nécessaires pour vivre dans l'air. L'époque n'est pas lointaine où, considérant la grandeur de telles métamorphoses, et ignorant la succession des formes intermédiaires qui relient ces types extrêmes, les naturalistes croyaient qu'une puissance supérieure avait dû intervenir à diverses périodes pour les créer. Une science plus avancée a montré que ces transformations considérables ne s'étaient jamais produites brusquement, et résultaient simplement de modifications insensibles acquises par chaque génération et qui accumulées par l'hérédité pendant une longue série de siècles ont fini par produire des transformations très grandes.
La race, le milieu, les conditions d'existence et divers facteurs, parmi lesquels la nécessité figure au premier rang et la volonté des hommes au dernier, sont les principaux agents de la formation des institutions. Le temps seul a la puissance de les fixer. Lorsque nous voyons un peuple posséder les mêmes institutions depuis longtemps, nous pouvons affirmer que ce sont les meilleures qui puissent lui convenir. Si la liberté est chose excellente pour certaines races, la dure loi d'un maitre est préférable pour d'autres. Il faut s'être formé à cette conception superficielle des choses, que donne notre dangereuse éducation classique, pour s'imaginer que des institutions exactement adaptées par des siècles de remaniements et d'efforts aux besoins d'un peuple puissent s'adapter utilement à ceux d'un autre. Vouloir obliger un poisson à respirer dans l'air sous le prétexte que la respiration aérienne s'observe chez tous les animaux élevés ne serait pas moins sage. Dans le même milieu où le mammifère trouvait la vie, le poisson trouverait bientôt la mort. La lenteur extrême avec laquelle se forment et se transforment les institutions des peuples fait que nous n'apercevons généralement les transformations que lorsqu'elles ont été consacrées par quelque grand législateur. Nous attribuons naturellement alors à ce dernier la création de codes qui sont en réalité la conséquence d'un long travail antérieur. Le rôle véritable des législateurs n'est que de fixer définitivement par leur autorité les coutumes à demi fixées déjà par l'opinion, d'éliminer enfin celles devenues inutiles ou dangereuses et qui sans eux auraient pu durer encore. Leur influence est importante sans doute, mais ne s'exerce qu'à la condition que les changements dus à leur initiative soient fort minimes. Tous pourraient répéter avec Solon : « J'ai donné aux Athéniens, non les meilleures lois qu'on puisse concevoir, mais les meilleures qu'ils puissent supporter. » Ces lois meilleures dues à Solon n'avaient été choisies par lui que parmi des coutumes antérieures que l'opinion et les croyances avaient déjà commencé à fixer.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 294 la figure # 183 Intérieur d'une cour arabe au Caire ; d'après une photographie. téléchargeable
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Tel fut aussi le rôle de Mahomet. Il sut choisir, parmi les anciennes institutions des Arabes, celles qui paraissaient les meilleures et leur donna le tout puissant appui de son autorité religieuse ; mais son code ne détruisit pas plus l'ensemble des coutumes qu'il venait remplacer que la loi des Douze Tables ne détruisit les vieilles lois romaines. Lorsqu'il arriva au prophète d'abolir d'anciennes coutumes, telles que celle de tuer les filles après leur naissance, cette défense répondait à des sentiments assez répandus pour qu'elle fût respectée.
Le code de Mahomet n'est donc, dans ses parties non religieuses, qu'un extrait d'anciennes coutumes ; et, comme tous les codes, il révèle facilement l'état social de la nation où il a pris naissance. Aucun livre d'histoire ne vaut parfois l'étude des lois d'un peuple. Avec les besoins que ces lois prévoient, les choses qu'elles autorisent et celles qu'elles défendent, il est facile - nous le montrerons plus d'une fois - de se faire une idée exacte de l'état social qui l'a engendré.
Ce travail de reconstitution d'un état social, basé uniquement sur l'étude d'un code, n'est d'ailleurs nécessaire que lorsque le peuple qui l'a créé, n'a pas laissé d'autres traces dans l'histoire. Lorsqu'il a laissé une civilisation et des descendants, il est beaucoup plus simple d'étudier les restes de cette civilisation et de ses descendants. C'est là précisément ce que nous avons fait dans les chapitres qui précèdent. En décrivant la vie des Arabes et nous reportant autant que possible aux temps où leurs institutions ont pris naissance, nous avons suffisamment préparé le lecteur à concevoir la nécessité des institutions que nous allons décrire maintenant et reconnaitre à quel point le hasard ou l'influence des législateurs eurent une part minime dans leur formation.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 295 la figure # 184 Ancienne coupe arabe en verre (Ebers). téléchargeable
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Cette étude préalable des peuples dont on veut décrire et surtout comprendre l'organisation sociale, est indispensable, qu'il s'agisse des Arabes ou d'un peuple quelconque. Il est à souhaiter que les juristes finissent un jour par en comprendre l'importance. La science du droit cessera alors d'être constituée par de sèches énumérations d'articles de lois compliquées de dissertations véritablement byzantines.
2. -
Institutions sociales
des Arabes
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Les institutions sociales les plus importantes des Arabes : la communauté des familles, l'esclavage, la polygamie, etc., ayant été ou devant être décrites dans divers chapitres de cet ouvrage, je me bornerai à étudier dans ce paragraphe les prescriptions légales les plus essentielles du Coran.
Chez les Arabes, la loi civile et la loi religieuse sont intimement confondues et forment une science unique basée sur l'interprétation du Coran.
Le Coran ne pouvait prévoir tous les cas qui devaient se présenter chaque jour, et, en fait, il n'en prévoyait que fort peu. Dès le début de l'islamisme, on fut obligé de consulter le prophète, puis ses premiers successeurs, pour la solution des questions de droit qui se présentaient journellement. La tradition orale de leurs préceptes, composée dès les premiers siècles de l'hégire, forme de recueil nommé la Sonnah.
La Sonnah et le Coran étant bientôt reconnus insuffisants, on sentit le besoin de les compléter en créant un code civil et religieux dérivé de l'interprétation du Coran.
Ce travail fut entrepris pendant les deux premiers siècles de l'hégire par plusieurs interprétateurs dont quatre seulement : les imans Hanifa, Schaféi, Malek, Hanbal, sont reconnus comme orthodoxes. Les quatre rites nommés hanéfite, schaféite, malékite et hanbalite, des noms de leurs fondateurs, formèrent la loi fondamentale des divers peuples de l'islam. Le rite malékite est suivi en Afrique, le rite hanéfite en Turquie et dans l'Inde, le rite schaféite prédomine en Égypte et en Arabie, les tribunaux égyptiens jugent cependant d'après le rite hanéfite. Le rite hanbalite est aujourd'hui abandonné.
Chaque rite fondamental eut ensuite plusieurs interprétateurs. C'est ainsi que le rite malékite, suivi en Algérie, eut notamment pour commentateur Khalil, mort en 1422. Son livre, dont il existe deux traductions, une par le docteur Perron, l'autre par M. Seignettes, est considéré comme le meilleur traité de jurisprudence malékite.
Outre ces sources de la théologie et de la jurisprudence musulmanes, on possède encore, pour les cas où il n'y a pas de règles fixes, et ou on ne peut procéder par analogie, des recueils des décisions des souverains, nommés Fetwas.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 297 la figure # 185 Ancien vase arabe, en cuivre. téléchargeable
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En dehors des lois écrites, il existe d'ailleurs un droit coutumier variant suivant les lieux ; ce qui fait qu'en réalité le droit musulman est moins dépendant du Coran, qu'on pourrait le croire tout d'abord. Il arrive même que la coutume l'emporte sur la loi écrite. C'est ainsi que chez les Kabyles le droit de succession, donné aux femmes par le Coran, a été abrogé. Chez les tribus de l'Yémen, il n'existe qu'un droit coutumier variable de tribu à tribu, et fort différent souvent des prescriptions du prophète. « Chaque tribu, dit un des récents voyageurs dans l'Yémen, M. Halévy, a une législation à elle. »
Le droit criminel est également réglé par le Coran et les interprétations du Coran. Il a pour base, comme le code de Moïse, la peine du talion. Elle est du reste, comme nous l'avons dit, le principe fondamental de tous les codes primitifs et le seul possible. Nous avons montré également dans notre précédent ouvrage que le droit de punir appartenait d'abord à l'offensé, et était exercé sur le coupable ou sur sa famille ; car, dans toutes les sociétés antiques, l'unité est toujours la famille. Si le crime ne pouvait être vengé sur le père, il l'était sur le fils ou sur le petit-fils. C'est ainsi que nous voyons le Dieu de la Bible venger l'iniquité du père « sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération. »
La peine du talion avait l'avantage de restreindre beaucoup le nombre des meurtres, mais elle présentait l'inconvénient d'entrainer une série de revanches qui duraient souvent pendant longtemps. On finit par lui substituer une compensation pécuniaire payée aux parents de la victime, et ce système dura jusqu'au jour où le droit de punir, exercé d'abord par l'individu offensé ou sa famille, ne le fut plus que par la société ; mais cette dernière phase du droit criminel ne fut atteinte que chez les sociétés dont l'organisation centrale était puissante. Cette organisation centrale n'existant pas au temps de Mahomet, le droit criminel fixé par le Coran en est resté aux formes primitives du talion et de la compensation. Assujetti par la loi religieuse dans cette forme ancienne, il y est toujours resté.
La loi du talion de Moïse, oeil pour oeil, dent pour dent, adoucie par le système de la compensation, est donc le principe fondamental du droit criminel dans le Coran. Le pardon est cependant recommandé comme préférable à la vengeance, ce qui est déjà un progrès immense, car aux époques primitives celui qui ne se vengeait pas était déshonoré. Voici du reste les principaux passages du Coran relatifs aux crimes et à leur chatiment.
Quand vous exercez des représailles, qu'elles soient pareilles aux offenses que vous avez éprouvées mais si vous préférez les supporter avec patience, cela profitera mieux à ceux qui auront souffert avec patience. (XVI, 127.)
O croyants ! la peine du talion vous est prescrite pour le meurtre, un homme libre pour un homme libre, un esclave pour un esclave, et une femme pour une femme. Celui auquel une remise de cette peine (du talion) sera faite par son frère doit être traité avec humanité, et il doit à son tour s'acquitter généreusement envers celui qui lui a fait une remise. (II, 173.)
C'est un adoucissement de la part de votre Seigneur et une faveur de sa miséricorde ; mais quiconque se rendra coupable encore une fois d'un crime pareil sera livré à un supplice douloureux. (II, 174.)
Celui qui aura tué un homme sans que celui-ci ait tué un homme ou semé le désordre dans le pays, sera regardé comme le meurtrier du genre humain ; et celui qui aura rendu la vie à un homme, sera regardé comme s'il avait rendu la vie à tout le genre humain. (V, 35.)
Quant à un voleur et à une voleuse, vous leur couperez les mains comme rétribution des œuvres de leurs mains, comme chatiment venant de Dieu, (V, 42.).
Les commentateurs ont réglé le détail de tout ce qui concerne le prix du sang. En cas de meurtre volontaire, la peine est celle de mort, à moins que l'héritier du défunt n'accepte le prix du sang.
En cas de meurtre involontaire, le prix du sang est de cent chameaux, et ne peut être refusé. Pour les simples blessures le prix varie suivant la gravité de la blessure.
Le prix du sang est dû par tous les parents du meurtrier, ou par tous les membres de la famille. Si le meurtrier est inconnu, il est payé par la communauté à laquelle il appartient. On voit par là quelle étroite solidarité doit exister entre les Arabes de la même famille ou de la même association.
Le meurtre et les blessures sont, dans le Coran, de même que dans la plupart des législations anciennes, la seule classe de crimes donnant lieu au rachat. Le vol, le brigandage sont punis par des peines variées. Le voleur par exemple, perd la main droite la première fois et le pied gauche la seconde. La prison, la mutilation ou le gibet menacent le brigandage. L'adultère est lapidé, mais il faut que le fait soit prouvé par la déposition de quatre témoins oculaires et l'aveu du coupable. L'infraction à la défense de boire du vin est punie, ou du moins était autrefois punie, par quarante coups de fouet.
Les prescriptions relatives au droit civil sont très nombreuses dans les ouvrages mentionnés plus haut. Les détails que nous allons exposer sur la propriété, les successions, etc., suffiront à donner une idée de leurs parties fondamentales.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 299 les figures # 186-187 Cadenas arabe. téléchargeables
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Le Coran est entré dans peu de développements sur le droit de propriété, mais tout ce qui le concerne a été bien réglé par les commentateurs. Ce droit a toujours été très respecté par les Arabes, même à l'égard des peuples vaincus. La terre, qui était enlevée à ces derniers par la conquête, leur était rendue moyennant un tribut qui dépassait rarement le cinquième de la récolte.
L'occupation individuelle fondée sur le travail constituait pour les Arabes un droit à la propriété. Dans leur opinion, défricher c'est vivifier la terre morte, créer une valeur, et par conséquent un droit à la propriété.
La prescription n'étant pas reconnue par la plupart des commentateurs, le droit de revendication est illimité. Le rite malékite admet cependant la prescription par dix ans entre étrangers, quarante entre parents.
L'étranger ne peut acquérir de terre ni posséder d'esclaves sur le sol musulman, mais ce terme d'étrangers s'adresse seulement aux infidèles, les musulmans, à quelque nation qu'ils appartiennent, ne sont jamais des étrangers les uns pour les autres. Un Chinois mahométan, par le seul fait qu'il est mahométan, a sur le sol de l'islam tous les droits que peut posséder l'Arabe qui y est né. Le droit musulman diffère à ce point de vue d'une façon fondamentale du droit civil chez les peuples Européens.
Le droit relatif aux successions a été réglé avec une grande équité par le Coran. Le lecteur pourra en juger par les passages que je vais reproduire. Tous les cas réglés plus tard par les commentateurs n'y sont pas prévus, mais l'esprit général de la loi y est suffisamment indiqué. Les rapprochements que j'ai faits avec les codes français et anglais montrent que les femmes mariées, qu'on dit si maltraitées par les mahométans, sont beaucoup plus favorisées par leur loi que par la nôtre, au point de vue des successions.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 300 la figure # 188 Coffret du sultan Kalaoum ; d'après un dessin de Prisse d'Avesne. téléchargeable
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Les hommes doivent avoir une portion des biens laissés par leurs pères et mères et leurs proches ; les femmes doivent avoir aussi une portion de ce que laissent leurs pères, leurs mères et leurs proches. Que l'héritage soit considérable, ou de peu de valeur, une portion déterminée leur est due . (IV, 8.)
Dieu vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au garçon la portion de deux filles ; s'il n'y a que des filles, et qu'elles soient plus de deux, elles auront les deux tiers de ce que le père laisse, s'il n'y en a qu'une seule, elle recevra la moitié . Les père et mère du défunt auront chacun le sixième de ce que l'homme laisse, s'il a laissé un enfant ; s'il n'en laisse aucun, et que ses ascendants lui succèdent, la mère aura un tiers ; s'il laisse des frères, la mère aura un sixième , après que les legs et les dettes du testateur auront été acquittés. Vous ne savez pas qui de vos parents ou de vos enfants vous sont plus utiles. Telle est la loi de Dieu. Il est savant et sage. (IV, 12.)
À vous, hommes, la moitié de ce que laissent vos épouses , si elles n'ont pas d'enfants, Si elles en laissent, vous avez le quart, après les legs qu'elles auront faits et les dettes payées. (IV, 13.)
Vos épouses auront le quart de ce que vous laissez , après les legs que vous aurez faits et les dettes payées, si vous n'avez pas d'enfants ; et si vous avez des enfants, elles auront le huitième de la succession, après les legs que vous aurez faits et les dettes payées. (IV, 14.)
Si un homme hérite d'un parent éloigné ou d'une parente éloignée, et qu'il ait un frère ou une sœur, il doit à chacun un sixième de la succession. S'ils sont plusieurs, ils concourent au tiers de la succession, les legs et les dettes prélevés. (IV, 15.)
Ils te consulteront. Dis-leur : Dieu vous instruit au sujet des parents éloignés, si un homme meurt sans enfants, et s'il a une sœur, celle-ci aura la moitié de ce qu'il laissera. Lui aussi sera son héritier si elle n'a aucun enfant. S'il y a deux sœurs, elles auront deux tiers de ce que l'homme aura laissé ; s'il laisse des frères et des sœurs, le fils aura la portion de deux filles. (IV, 175.)
Ceux d'entre vous qui mourront laissant après eux leurs femmes, assigneront à celles-ci un legs destiné à leur entretien pendant une année et sans qu'elles soient obligées de quitter la maison. (II, 241.)
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 301 la figure # 189 Fragment de sculpture arabe sur pierre photographié au Caire par l'auteur. téléchargeable
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L'organisation judiciaire et la procédure sont très simples chez les musulmans. La justice est rendue par le cadi, juge unique nommé par le souverain et statuant sans appel. Les parties comparaissent en personne, sur la citation qui leur est donnée. Elles s'expliquent verbalement, fournissent leurs preuves, qui peuvent être l'aveu, les témoins ou le serment, et le jugement est rendu séance tenante. J'ai eu l'occasion d'assister, au Maroc, à ces jugements sommaires. Le cadi était assis en plein air dans la cour qui précède le palais du pacha, plaideurs et témoins accroupis en rond autour de lui, expliquaient brièvement leur cas. Toutes les fois que la chose était possible - par exemple lorsqu'il s'agissait d'administrer un certain nombre de coups de baton à un délinquant - le jugement était exécuté séance tenante.
Ces formes simplifiées de procédure offrent peut-être moins de garanties que nos procédures européennes compliquées ; mais elles présentent, en tout cas, l'avantage immense de ne pas faire perdre un temps précieux aux parties, et surtout de ne pas les ruiner totalement comme cela est trop souvent la règle chez les peuples civilisés.
Malgré leur forme sommaire, ces jugements sont généralement du reste très justes. Le sentiment de l'équité est très développé, en effet, chez les Arabes, non seulement parce que la justice est représentée comme une des plus belles vertus dans le Coran, mais encore parce qu'elle était, pour ces sociétés encore primitives, une condition d'existence essentielle.
Nous terminerons ce qui concerne les institutions sociales des Arabes en signalant le sentiment de profonde égalité dont elles sont toutes empreintes, et que nous allons retrouver bientôt dans leurs institutions politiques. Les sentiments d'égalité, proclamés si haut en Europe, mais qu'on n'y voit guère pratiqués que dans les livres, sont profondément enracinés dans les mœurs de l'Orient. Les divisions entre classes, qui ont engendré de si violentes révolutions en Occident, et en préparent pour l'avenir de plus terribles encore, sont absolument inconnues des mahométans. Le serviteur épouse sans difficulté la fille de son maitre ; et les anciens domestiques devenus grands personnages ne pourraient se compter.
Les écrivains qui n'ont examiné que de loin ces populations, si peu comprises encore des Européens, jugent fort dédaigneusement toutes ces institutions, les déclarent bien inférieures aux nôtres, et appellent de tous leurs vœux le moment où l'Europe pourra s'emparer de ces contrées de l'Orient tant convoitées par elle. Mais les observateurs, dont les études ont été plus approfondies, professent des opinions fort différentes. Voici, par exemple, la conclusion à laquelle est arrivé, dans un remarquable ouvrage, un des auteurs qui ont le mieux étudié l'Orient, le savant et très religieux M. Le Play.
« Les musulmans, en ce qui touche le bien-être des populations ouvrières, restent jusqu'à ce jour à peu près à l'abri des redoutables erreurs de l'Occident. Ils conservent, dans toute leur pureté, les admirables institutions qui, chez eux, ont toujours fait régner la paix entre le riche et le pauvre, entre le maitre et le serviteur. On ne saurait trop le redire, le peuple que les Occidentaux prétendent réformer est précisément celui qui, sur ce point essentiel, donne le meilleur exemple. »
3. -
Institutions politiques
des Arabes
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Nous avons déjà donné, dans le chapitre consacré aux Arabes à Bagdad, quelques détails sur les éléments les plus importants de leur constitution politique, nous avons montré le fonctionnement de leur gouvernement, particulièrement en ce qui concerne les finances, les impôts, la police etc., et fait voir que leur administration était très sage. Malheureusement cette administration très sage s'appuyait sur des institutions politiques très faibles.
Rien de plus simple que le principe des institutions politiques des Arabes : égalité complète de tous sous un seul maitre, le khalife, représentant Dieu sur la terre et détenteur unique de toute autorité civile, religieuse et militaire. Aucune autorité ne pouvant exister en dehors de la sienne, ou de celle déléguée par lui, les Arabes n'ont jamais connu de régime féodal, d'aristocratie, ni de fonctions héréditaires.
Leur régime politique était en réalité un régime démocratique sous un maitre absolu. Sous cette autorité souveraine, l'égalité était complète. J'ai déjà cité ce jugement d'Omar, rendu sur la plainte d'un Arabe qui avait été frappé par un roi de Ghassan, converti à l'islamisme après la bataille de Yarmouk : le khalife décida que la peine du talion serait appliquée au roi, « parce que, disait-il, il ne doit y avoir sous la loi de l'islam ni privilèges, ni castes, et que les mahométans étaient égaux aux yeux du prophète. »
Sous les premiers khalifes, successeurs de Mahomet, le khalifat était électif, mais il devint bientôt héréditaire : le khalife choisissait parmi ses enfants males celui qui lui paraissait le plus digne. La mesure semble très bonne puisqu'elle n'accordait pas le pouvoir uniquement à la naissance ; mais elle engendra de sanglantes compétitions et des rivalités entre les fils des khalifes, qui eussent été évitées si la naissance seule eût décidé entre eux.
Les khalifes, ne pouvant exercer leur pouvoir sur tous les points de leur empire, étaient obligés de le déléguer à des gouverneurs dépositaires, comme eux, de tous les pouvoirs, et par conséquent à la fois juges, généraux et administrateurs. Leur autorité n'étant balancée par aucune autre, il en résulta bientôt pour eux la tentation de se rendre indépendants, et leur puissance absolue leur en fournit les moyens. Les khalifes d'Orient et d'Occident eurent toujours à lutter contre les perpétuelles révoltes de leurs gouverneurs.
Ces révoltes continuelles des gouverneurs étaient une cause très grande de faiblesse pour les khalifes ; mais la constitution politique de l'empire arabe en comportait bien d'autres. Une des plus profondes fut la diversité des races où régnait le Coran depuis le Maroc jusqu'à l'Inde. Très bien adapté aux besoins de certains peuples, le Coran ne l'était pas également aux besoins de tous. Syriens, juifs, Berbères, chrétiens, etc. pouvaient bien accepter pour quelques temps les institutions de leurs vainqueurs, mais, après avoir reconnu bientôt qu'elles n'étaient pas suffisamment adaptées à leurs besoins, ils devaient faire tous leurs efforts pour tacher de s'y soustraire.
Ce furent pourtant ces institutions politiques si faibles qui firent les Arabes si grands. Cette concentration de tous les pouvoirs civils, militaires et religieux en une seule main, était certainement le meilleur système que Mahomet pouvait établir à une époque où l'Arabie était profondément morcelée, et nous pouvons juger de sa valeur par ses résultats. Avant Mahomet, les Arabes vivaient à l'état de tribus demi-barbares, toujours en guerre : un siècle après la mort du prophète, ils avaient fait la conquête du monde.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 304 la figure # 190 Lampe de mosquée du Caire. téléchargeable
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Des institutions semblables peuvent donc, suivant les temps, amener la grandeur d'un peuple ou engendrer sa décadence. Nous avons fourni l'explication de cette anomalie apparente dans le chapitre de notre précédent ouvrage consacré à l'influence qu'exerce sur l'évolution des sociétés leur aptitude à varier. Après avoir montré d'une part que ce furent seulement les peuples ayant réussi à se plier au joug de lois fixes qui purent sortir de la barbarie, nous avons prouvé d'autre part que parmi les nations arrivées à la civilisation, celles-là seules continuèrent à progresser qui surent se soustraire graduellement au joug des coutumes auxquelles elles avaient dû se plier tout d'abord. Grace à Mahomet, les Arabes surent réaliser la première de ces conditions et sortirent de la barbarie. N'ayant pas su se plier à la seconde, ils tombèrent dans la décadence. Après avoir trouvé un grand homme pour réunir en un seul faisceau sous une loi rigide toutes les forces disséminées avant lui, ils ne purent en découvrir un second capable de les soustraire à cette loi. Le Coran, qui était d'abord l'expression exacte des sentiments et des besoins du peuple arabe, au temps de Mahomet, ne le fut plus quelques siècles plus tard. S'il n'eût été qu'un code religieux, l'inconvénient eût été relativement faible, mais c'était également un code politique et civil, et surtout un code que son origine rendait immuable. Il y eut donc bientôt défaut de concordance entre les besoins, toujours en voie de transformation, des peuples et leurs institutions invariables. En les retenant dans les liens du passé, ces dernières les empêchèrent de progresser.
Tout invariables qu'étaient la plupart des institutions dérivées du Coran, elles présentaient cependant quelque élasticité encore ; mais ce qui n'en présentait pas, c'était le principe fondamental de l'islam, c'est-à-dire la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un chef suprême et absolu, représentant unique de la divinité sur la terre.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 305 la figure # 191 Une rue de Tanger ; d'après une photographie. téléchargeable
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À quelque époque qu'aient régné les Arabes, ou les peuples divers qui continuèrent après eux à propager le Coran, leurs institutions politiques se sont toujours présentées sous forme de monarchie militaire et religieuse absolue. Puissantes pour fonder rapidement de grands empires, de telles institutions réussissent rarement à les faire durer. L'histoire des Arabes, des Mongols et des Turcs en donne la preuve. Ayant à lutter journellement contre les difficultés de toutes sortes au dedans et au dehors, ces grands empires n'ont de chance de prospérer que lorsqu'ils ont à leur tête des hommes tout à fait supérieurs.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 306 la figure # 192 Grand marché de Tanger (Maroc) ; d'après une photographie instantanée. téléchargeable
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C'est pour cette raison que les vastes monarchies militaires élevées si vite s'effondrent souvent plus vite encore. Qu'une ou deux individualités médiocres succèdent à l'homme de génie qui les a créés et la décadence commence.
L'Espagne et l'Orient nous en donne la preuve. L'époque d'Haroun et de son fils Mamoun est la plus brillante du khalifat de Bagdad, et immédiatement après eux la décadence arrive. En Espagne, le règne du dernier des Ommiades représente, grace à son grand ministre Al Mansour, le plus haut point de la puissance arabe dans la péninsule ; mais, lorsque ce dernier meurt, au commencement du onzième siècle, la dynastie et l'empire succombent avec lui. Les Berbères deviennent les maitres ; chaque gouverneur de province se fait roi. Vaincus par leurs luttes intestines bien plus que par leurs ennemis du dehors, les Arabes voient bientôt leur puissance politique s'éteindre, prouvant ainsi, comme nous le disions plus haut, que les mêmes institutions, qui ont conduit un peuple au faite de la grandeur, peuvent l'amener ensuite au dernier degré de la décadence.
Les enfants (filles ou garçons) prennent toute la succession de leurs père et mère, dans la loi française.
En France, les filles reçoivent la même part que les garçons.
Les père et mère n'héritent pas, en France, quand le défunt a des enfants ou autres descendants. En Angleterre tout revient au contraire à la mère : s'il y a une épouse, elle partage avec elle.
Les ascendants masculins ou féminins sont traités également par la loi française.
En France, la mère, en concours avec des frères a un quart, les frères ont trois quarts. Si le père et la mère survivent, ils ont chacun un quart, et les frères moitié.
Les maris, d'après la loi française, n'héritent qu'en l'absence de parents au degré successible. Dans la loi anglaise, ils reçoivent au contraire le montant total de la succession.
Les femmes n'héritent de leurs maris, en France, qu'en l'absence de parents au degré successible. Dans la loi anglaise, la femme, si elle est seule survivante hérite de moitié. Le reste revient à l'État. S'il y a à la fois une femme et des enfants, un tiers revient à la femme, le reste aux enfants ou à leurs descendants.
S'il n'y a ni enfants ni ascendants, les frères ou sœurs dans la loi française, comme dans la loi anglaise, ont toute la succession. Si le père ou la mère survit, il partage d'après le code français avec les frères et sœurs dans les proportions indiquées plus haut.
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