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Les Arabes à Bagdad
1. –
Civilisation des Arabes en Orient
pendant le khalifat de Bagdad
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Les deux époques les plus brillantes de la domination des Arabes sont celles du khalifat de Bagdad en Asie et du khalifat de Cordoue en Espagne. Devenus bientôt indépendants l'un de l'autre et séparés par des distances considérables, mais ayant même origine, même religion et même langue, les deux empires progressèrent d'une façon parallèle pendant plusieurs siècles. À une époque où le reste de l'Europe était plongé dans une noire barbarie, les deux grandes cités où régnait l'islamisme étaient des foyers de civilisation éclairant le monde de leur lumineux éclat.
La période brillante de la civilisation des Arabes ne commença aussitôt que leur conquête fut achevée. L'activité qu'ils avaient d'abord dépensée dans leurs combats, ils la tournèrent vers les lettres, les sciences, l'industrie ; et leurs progrès dans les arts pacifiques furent aussi rapides qu'ils l'avaient été dans les arts guerriers.
Nous avons vu que Damas avait remplacé Médine comme capitale de l'empire arabe sous les khalifes ommiades. Lorsqu'en 132 de l'hégire (740 de J.-C.) les Abassides arrivèrent au pouvoir, ils résolurent de changer de capitale, et fondèrent près de Babylone, sur le Tigre, la ville de Bagdad, qui devint bientôt la plus célèbre des cités de l'Orient.
On ne trouve plus, à Bagdad comme en Syrie, des monuments de l'époque des khalifes. Mais les oeuvres scientifiques et littéraires que les Arabes de cette époque ont produites ainsi que les chroniques de leurs historiens, donnent une idée suffisante de leur civilisation au neuvième siècle de notre ère. Les indications que nous allons donner, complétées par les détails que le lecteur trouvera dans les chapitres consacrés à l'histoire des sciences et des arts, éclaireront un côté important de la civilisation arabe, dont l'étude n'avait pas été abordée dans le précédent chapitre.
Ce fut sous le règne d'Haroun-al-Raschid, le célèbre héros des Mille et une nuits (786-809 de J.-C.), et sous celui de son fils el Mamoun (813-833), que Bagdad atteignit le plus haut point de prospérité et devint la plus importante des villes de l'Orient. Le nom d'Haroun était alors célèbre dans les parties les plus reculées du monde connu. La Tartarie, l'Inde, la Chine envoyaient des ambassadeurs à sa cour. Le puissant empereur Charlemagne, véritable souverain d'Occident, qui régnait de l'Atlantique jusqu'à l'Elbe, mais ne régnait que sur des barbares, chargea des ambassadeurs de lui porter ses vœux et de solliciter sa protection pour les pèlerins qui se rendaient à Jérusalem. Haroun accorda la protection demandée et renvoya les ambassadeurs avec de magnifiques présents. On voyait parmi eux un éléphant richement orné, animal entièrement inconnu en Europe, des perles, des bijoux, de l'ivoire, de l'encens, des étoffes de soie, et enfin une horloge qui marquait et sonnait les heures. Cet instrument excita au plus haut degré l'admiration de Charlemagne et de l'entourage demi-barbare chez lequel le grand homme essayait en vain de faire revivre la civilisation romaine. Personne, à sa cour, ne fut capable, du reste, d'en comprendre le mécanisme.
Monté sur le trône à l'age de vingt-trois ans, Haroun-al-Raschid s'occupa bientôt d'organiser toutes les parties de son vaste empire. Un système régulier de communications relia toutes les parties de ses États : des relais toujours préparés permettaient aux courriers de franchir rapidement de grandes distances. Un service de pigeons voyageurs avait été également organisé, et fonctionnait exactement comme il fonctionne encore de nos jours entre certaines villes. La direction des postes était alors à Bagdad, comme aujourd'hui en Europe, une des premières charges de l'État.
Chaque province avait un gouverneur relevant de l'autorité centrale. Pour les provinces éloignées, telles que le nord de l'Afrique, ces gouverneurs étaient des vice-rois héréditaires, à peu près indépendants des khalifes, et qui, par la suite, le devinrent complètement.
L'administration des revenus de l'État était très régulière. Les ressources de l'empire se composaient principalement d'un impôt personnel ou capitation, d'une contribution foncière établie sur les biens-fonds, de droits de douanes, du revenu des terres vagues ou incultes, et de l'exploitation des mines. Suivant les chroniqueurs arabes, le total des revenus du khalifat atteignait annuellement 200 millions de francs, somme énorme pour l'époque.
La perception de ces revenus était dirigée par une commission, nommée divan. « Le divan de la perception des impôts, dit Ebn-Khaldoun, est institué pour surveiller la rentrée des revenus de l'État, conserver les droits du souverain, équilibrer les recettes et les dépenses, faire le recensement des troupes, en régler l'entretien et la solde. On n'emploie à cet effet que les calculateurs les plus habiles, qui prennent le nom d'écrivains du divan : on donne aussi ce nom de divan à l'édifice qui leur sert de lieu de réunion. »
L'administration de l'empire était répartie entre quatre sections, comparables à nos ministères actuels : administration des impôts, chargée de la formation des rôles des contributions ; administration du personnel, chargée de nommer aux emplois de receveurs des contributions ; et enfin, administration du contrôle, des revenus et de l'ordonnancement des dépenses.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 115 la figure # 71 Mosquée d'Orfa (Mésopotamie) ; d'après un dessin de Flandin. téléchargeable
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Toutes les décisions du khalife étaient enregistrées et consignées dans des archives afin de pouvoir être consultées par leurs successeurs.
Les fils de ces rouages immenses aboutissaient entre les mains du vizir, sorte de premier ministre sur lequel la plupart des khalifes se reposaient entièrement des soins du pouvoir.
La police municipale était organisée avec autant de soin que l'avaient été les services des postes et des finances. Les marchands étaient réunis en syndicats responsables, chargés de surveiller les transactions commerciales et de réprimer les fraudes.
Le bon état des finances sous les khalifes abassides leur permit d'entreprendre de grands travaux d'utilité publique. Des routes furent construites. Des caravansérails, des mosquées, des hôpitaux, des écoles s'élevèrent de tous cotés et notamment à Bagdad, Bassorah, Mossoul, etc.
L'agriculture et l'industrie prirent également une grande extension. Les vins de Schérad et d'Ispahan acquirent de la célébrité et furent exportés au loin. Des fabriques de fines étoffes s'établirent à Mossoul, à Alep et à Damas. Les mines de sel, de soufre, de marbre, de fer, de plomb, etc., furent exploitées d'une façon méthodique.
L'enseignement public était organisé sur de larges bases. Les professeurs les plus célèbres furent appelés de tous les points de l'univers. L'astronomie, surtout, fut cultivée au point de permettre de tenter des opérations que les Européens n'ont pu aborder qu'à une époque moderne, telles que la mesure d'un arc du méridien. Les anciens auteurs grecs et latins, surtout ceux traitant de philosophie et de mathématiques, furent traduits et étudiés dans toutes les écoles. L'étude de l'antiquité devint alors aussi générale qu'elle devait l'être en Europe quelques siècles plus tard.
Les Arabes apportèrent dans ces études, si nouvelles pour eux, toute leur ardeur. Bibliothèques publiques, écoles, laboratoires se multipliaient partout, et quand nous étudierons, dans d'autres chapitres, les détails de leur civilisation, nous verrons qu'ils réalisèrent, dans la plupart des sciences, des découvertes importantes.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 116 la figure # 72 Passage de l'Euphrate à Bin-Hadjik ; d'après un dessin de Flandin. téléchargeable
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L'aperçu qui précède montre que bien peu de temps après leurs conquêtes, les Arabes étaient arrivés à un haut point de culture ; mais une administration savante, des arts aussi compliqués que l'exploitation des mines, l'architecture, etc., ne s'improvisent pas, et des sciences comme l'astronomie s'improvisent moins encore. Notre résumé suffirait à lui seul pour montrer que les Arabes ne firent que continuer une civilisation existant avant eux. Dans les sciences, les arts, les connaissances administratives, etc., ils continuèrent simplement en effet la civilisation gréco-latine, mais la firent considérablement progresser, tandis que les Byzantins, qui transmirent aux Arabes ce précieux dépôt, n'avaient su en tirer aucun parti, et étaient tombés dans la plus triste décadence.
Le désir de s'instruire était si grand chez les Arabes, que les khalifes de Bagdad employaient tous les moyens pour attirer à leur cour les savants et artistes les plus célèbres de l'univers. L'un de ces khalifes alla même jusqu'à déclarer la guerre à l'empereur de Constantinople, pour l'obliger à permettre à un mathématicien renommé de venir enseigner à Bagdad. Artistes, savants, lettrés, de toutes religions et de toute origine : Grecs, Persans, Coptes, Chaldéens affluaient dans la grande cité et en faisaient le véritable centre intellectuel du monde. El Mamoun, le fils d'Haroun « regardait les savants, dit Abulfaradj, comme des êtres choisis par Dieu pour perfectionner la raison : c'étaient les flambeaux du monde, les guides du genre humain. Sans eux, la terre devait retourner à la barbarie primitive. »
Ainsi entourés, les khalifes de Bagdad pouvaient considérer leur cour comme la première du monde. Elle était en même temps la plus brillante. Nous pouvons avoir une idée de ce qu'était le luxe tout oriental de Bagdad, par la description que nous a laissée l'historien arabe Aboulféda de la réception d'un ambassadeur de l'empereur d'Orient par un khalife abasside, en l'an 305 de l'hégire.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 117 la figure # 73 Vue prise dans Bagdad, près la mosquée Ahmet-Kiaïa ; d'après un dessin de Flandin. téléchargeable
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« Toute l'armée du khalife était sous les armes, la cavalerie et l'infanterie formaient un corps de seize mille hommes, les grands officiers, vêtus de la manière la plus brillante, ayant des baudriers qui étincelaient d'or et de pierreries, se trouvaient rangés autour de leur chef suprême. On voyait ensuite sept mille eunuques, parmi lesquels on en comptaient quatre mille blancs, puis sept cents gardes d'appartements. Des chaloupes et des gondoles, décorées de la manière la plus riche, étalaient leurs banderoles sur le Tigre. La somptuosité régnait partout dans l'intérieur du palais ; on y remarquait trente-huit mille pièces de tapisserie, parmi lesquelles douze mille cinq cents étaient de soie brodée en or ; on y trouvait vingt-deux mille tapis de pied. Le khalife entretenait cent lions avec une garde pour chacun d'eux. Entre autres raffinements d'un luxe merveilleux, il ne faut pas oublier un arbre d'or et d'argent qui portait dix-huit branches, sur lesquelles, ainsi que sur les rameaux naturels, on apercevait des oiseaux de toute espèce : ces oiseaux et les feuilles de l'arbre étaient faits des métaux les plus précieux. Cet arbre se balançait comme les arbres de nos forêts, et alors on entendait le ramage des différents oiseaux. C'est au milieu de tout cet appareil que l'ambassadeur grec fut conduit par le vizir au pied du trône du khalife. »
La puissance militaire des khalifes de Bagdad était en rapport avec l'importance de leur empire. Nous voyons à quel point elle était respectée au-dehors par ce fait, que les empereurs de Constantinople, héritiers de la puissance grecque et romaine, en étaient réduits à leur payer tribut. C'est en vain qu'ils cherchaient à s'y soustraire. Nicéphore, successeur de l'impératrice Irène, ayant écrit au khalife Haroun al Raschid qu'il ne paierait plus le tribut, en reçut une réponse concise et énergique, qui prouve quel mépris inspiraient alors les faibles descendants des Grecs et des Romains. Elle était ainsi conçue :
« Au nom du Dieu clément et miséricordieux, Haroun al Raschid, commandeur des croyants, à Nicéphore, chien de Romain : J'ai lu ta lettre, fils d'un infidèle, tu n'entendras pas ma réponse, tu la verras. »
Le « chien de Romain » la vit en effet : Haroun ravagea entièrement les provinces soumises à Nicéphore ; et l'empereur chrétien de Constantinople dut continuer à payer tribut au successeur du prophète.
Les règnes d'Haroun et de son fils sont justement considérés comme l'époque culminante de la puissance politique des Arabes en Orient. Leur empire, en Asie, touchait aux frontières de la Chine; ils avaient refoulé les tribus barbares de l'Afrique jusqu'à l'Éthiopie, les Grecs jusqu'au Bosphore, et, à l'Occident, ils n'avaient que l'océan Atlantique pour borne. En moins de deux siècles, ces vaillantes tribus de l'Arabie, dont la voix de Mahomet avait fait un seul peuple, avaient fondé un empire aussi grand que celui des Romains et cet empire était le plus civilisé et le plus redouté du monde.
Mais les grandes monarchies militaires absolues dépendent entièrement des hommes placés à leur tête. Tant que ces hommes sont d'un génie supérieur, comme Haroun et son fils, elles prospèrent ; quand ce sont des hommes médiocres qui les dirigent, elles tombent plus vite encore qu'elles ne s'étaient élevées.
Ce n'eût pas été trop, du reste, d'une dynastie de grands hommes, pour maintenir au khalifat sa puissance devant les dissensions qui allaient naitre entre les Arabes des diverses parties de l'empire et l'attitude menaçante des peuples qu'ils avaient pu refouler un instant, mais non détruire. L'Espagne arabe s'était déclarée indépendante ; les Berbères allaient bientôt réclamer leur autonomie ; les Turcs, qui formaient, à titre d'esclaves, les gardes des khalifes, allaient bientôt commencer à s'emparer, par leurs intrigues, de la puissance que leurs armes devaient conquérir un jour.
Ce ne fut qu'au dixième siècle que s'éteignit la dynastie des khalifes abassides de Bagdad ; mais quand elle disparut de l'histoire, sa puissance n'était depuis longtemps qu'une ombre.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 119 la figure # 74 Vue prise dans Bagdad ; d'après un dessin de Flandin. téléchargeable
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Les Turcs, qui n'avaient d'abord été introduits à Bagdad qu'à titre de prisonniers ou d'esclaves, et que leur belle taille avait fait choisir pour former la garde des khalifes, avaient fini, comme le firent également les Mamelouks en Égypte, par s'imposer au point de s'emparer du pouvoir réel, et à ne laisser à leurs maitres qu'un pouvoir nominal.
Impuissants à résister à toutes les compétitions qui les entouraient, les khalifes avaient laissé leur empire se démembrer en principautés indépendantes, et quand le dernier des Abassides disparut, Bagdad ne pouvait plus revendiquer d'autre titre que celui d'être encore le premier foyer scientifique et littéraire de l'Orient.
Ce furent les Mongols qui mirent fin à la dynastie des Abassides. Ces Mongols étaient une de ces populations nomades qui forment, avec les Turcs diverses races, notamment les habitants demi-barbares de ce vaste plateau de l'Asie centrale borne au nord par les montagnes qui le séparent de la Sibérie, au sud par la Chine, le Tibet et la mer Caspienne. Suivant les travaux ethnographiques les plus récents, et notamment d'après notre savant ami le professeur Dally, les Turcs feraient partie, avec les Mongols, les Kalmouks et peut-être les Tibétains, d'un groupe abstrait dit mongolique caractérise surtout par la conformation spéciale de la face, la coloration jaune et blafarde de la peau, la forme cylindrique des cheveux, etc. La ressemblance entre les Turcomans et les Mongols est très réelle aujourd'hui. Elle le fut sans doute autrefois pour les Turcs proprement dits, puisque Raschid-Eldin, dans son Histoire des Mongols écrite au treizième siècle, dit que « Turcs et Mongols se ressemblent d'une manière frappante et furent dans l'origine désignés par le même nom. » Aujourd'hui il serait impossible de reconnaitre aucune parenté directe entre les Turcs d'Europe et les Mongols. Cela tient sans doute à ce que les Turcs et les Mongols eux-mêmes ont été transformés par leurs croisements répétés pendant des siècles avec des femmes de race caucasique : des Georgiennes des Circassiennes et des Persanes notamment.
Les Mongols s'emparèrent de Bagdad en 656 de l'hégire (1258 de J.-C.). La ville fut saccagée entièrement et Mostasem, le dernier des Abassides, étranglé, par l'ordre d'Hougalon, chef des vainqueurs. Les richesses furent enlevées, les manuscrits brûlés et jetés dans les eaux du Tigre. « Telles étaient les ressources que les hommes avides d'instruction avaient pu rassembler dans cette ville avant une si terrible catastrophe, dit Kotbeddin-el-Hanifi, que les Mongols ayant jeté dans le Tigre tous les livres des collèges, leur amoncellement forma un pont sur lequel pouvaient passer les gens de pied et les cavaliers ; et l'eau du fleuve en devint toute noire. »
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 120 la figure # 75 Vue prise dans Bagdad ; d'après un dessin de Flandin. téléchargeable
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Mais ces barbares féroces, qui incendiaient les monuments, brûlaient les livres et ravageaient tout autour d'eux, devaient subir à leur tour la civilisation de leurs vaincus. Ce Mongol Houlagou, qui avait saccagé Bagdad et fait trainer sous les murs de la ville le cadavre du dernier des Abassides, fut tellement étonné des merveilles de cette civilisation si nouvelle pour lui, qu'il en devint bientôt un protecteur. À l'école des Arabes, les Mongols se civilisent à leur tour ; ils adoptent leur religion, leur civilisation, protègent leurs artistes, leurs savants ; et nous les retrouverons bientôt, fondant dans l'Inde un puissant empire, dont on peut dire qu'il fut arabe, car c'est la civilisation des Arabes qui a supplanté celle existant auparavant et qui a régné jusqu'à nos jours.
Bagdad se releva de ses ruines ; mais trois siècles plus tard elle subit la domination des Turcs et tomba alors dans une décadence complète. Bibliothèques, écoles, artistes et savants disparurent pour toujours.
Par suite de sa position commerciale, Bagdad est encore aujourd'hui un centre important, mais c'est une cité moderne où, en fait de monuments du temps des khalifes, on ne trouve que quelques ruines. Les édifices, généralement fort délabrés, qu'on y rencontre aujourd'hui sont relativement modernes, et plus persans qu'arabes. « Sous une épaisse poussière, dit M. Flandin, est enseveli le pied des édifices où se retrouve à peine visible la trace d'Haroun-al-Raschid et de Zobéide. Ça et là, on découvre dans quelques coins de bazars, sur le rivage, au milieu des décombres qui ont perdu leur nom, des pans de murs sur lesquels se lisent avec peine des fragments d'inscriptions coufiques, un minaret dont l'origine ancienne est attestée par sa ruine même, et quelques débris de portail émaillé, dont les mosaïques de couleur se détachent sur un fond de maçonnerie brisée, sans que les Turcs se soucient de la disparition de ces témoins d'une civilisation rivale de celle de Byzance. À l'exception de ces débris aussi rares que dénués d'intérêt, on remuerait vainement la poussière accumulée dans Bagdad. On peut dire que cette grande ville n'a rien conservé qui rappelle ses glorieux khalifes. »
Telle est aujourd'hui Bagdad. La vieille cité des khalifes a été rejoindre dans la poussière du passe, Thèbes, Babylone, Memphis et toutes les grandes capitales qui, elles aussi, furent reines du monde, mais ne réussirent à le dominer que par la puissance matérielle de leurs armes alors que, les khalifes qui régnèrent à Bagdad le dominèrent surtout par leur civilisation.
Pour bien apprécier cette civilisation, il faut sortir des généralités auxquelles nous nous sommes limités dans cette partie de notre ouvrage et examiner en détail les oeuvres scientifiques, littéraires, artistiques et industrielles qu'elle a enfantées. C'est là ce que nous ferons dans d'autres chapitres lorsque nous aurons terminé l'exposé sommaire de l'histoire des Arabes dans les diverses contrées occupées par eux. À mesure que nous avancerons dans notre ouvrage nous verrons se dégager nettement deux faits essentiels que nous n'avons fait qu'indiquer jusqu'ici. Le premier est que les Arabes surent créer une civilisation nouvelle avec des éléments empruntés aux Perses, aux Grecs et aux Romains. Le second est que cette civilisation fut si solide qu'elle subjugua jusqu'aux barbares qui tentèrent de la détruire. Les peuples les plus divers de l'Orient contribuèrent à renverser les Arabes, mais tous sans exception, jusqu'aux Turcs eux-mêmes, contribuèrent aussi à propager leur influence. Des races vieilles comme le monde, telles que celles de l'Égypte et de l'Inde, acceptèrent la civilisation, la religion et la langue que leur apportèrent les Arabes ou leurs continuateurs.
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