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Les Arabes en Sicile, en Italie et en France
1. – Les Arabes en Sicile et en Italie
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Lorsqu'on étudie avec soin l'histoire des Arabes dans les diverses contrées visitées par eux, on reconnait bientôt que leurs invasions présentent des caractères très différents, suivant qu'ils eurent l'intention d'occuper définitivement les pays envahis, ou de n'y faire que quelques incursions rapides. Dans le premier cas, leur politique invariable est de se concilier les habitants. Contrairement à l'usage de tous les conquérants de leur époque, ils respectent la religion et les lois du vaincu et ne leur imposent qu'un faible tribut. Telle fut, nous l'avons vu, leur conduite en Syrie, en Égypte, en Espagne. Dans le second cas, c'est-à-dire quand les Arabes envahissent un pays sans intention de s'y fixer, leur méthode est toute différente. De même que les autres conquérants, ils considèrent le pays occupé comme une proie dont il faut tirer rapidement tout le parti possible pendant qu'on la tient. Ils pillent ce qui leur tombe sous la main, détruisent ce qu'ils ne peuvent emporter, et ne se préoccupent nullement de ménager les populations. C'est ainsi qu'ils opérèrent en Italie, et surtout en France.
Leurs invasions en Sicile présentent l'emploi successif de ces deux méthodes. Trop peu nombreux au début pour lutter contre les Grecs de Constantinople maitres alors de la Sicile et d'une partie de l'Italie, ils se bornent à des invasions éphémères, et ces invasions sont toujours dévastatrices. Ils envahissent une province, s'emparent de ce qu'ils peuvent emporter, tuent les habitants qui leur résistent, et disparaissent rapidement. Encouragés plus tard par leurs succès répétés, ils entrevoient la possibilité de se fixer dans le pays, et commencent à ménager la population. Le jour enfin où ils sont solidement établis, ils renoncent entièrement à leurs habitudes de pillage, font jouir le pays de tous les bienfaits de la civilisation, et exercent, comme en Espagne, une influence progressive considérable.
Ce n'est qu'en ayant présente à l'esprit la distinction fondamentale que je viens d'établir, qu'on peut arriver à comprendre l'histoire des Arabes dans les diverses contrées qu'ils ont occupées, et s'expliquer pourquoi, dans des régions si voisines, la conduite des mêmes hommes fut si différente.
Les invasions de la Sicile et de l'Italie sont dues aux mahométans de l'Afrique, dont la majorité devait être composée de Berbères, car, à cette époque, les Arabes étaient en minorité sur ce continent. Ces Berbères appartenaient, comme nous l'avons montré, à une race des plus vaillantes, mais en même temps des moins civilisées, parmi toutes celles soumises à la loi du prophète.
Dès le premier siècle de l'hégire, les Arabes avaient fait quelques incursions en Sicile et dans toutes les iles de la Méditerranée, mais ce fut seulement au commencement du troisième siècle, alors que l'Afrique septentrionale était devenue indépendante des khalifes d'Orient, que sa conquête fut tentée sérieusement. Une circonstance particulière les amena à l'entreprendre. Cette ile était alors régie par des gouverneurs envoyés de Constantinople. L'amiral de la flotte chargée de la défendre, Euphémius, sachant que l'empereur avait ordonné sa mort, tua le gouverneur, et se déclara souverain de la Sicile. Bientôt mis en péril par une révolte, il alla solliciter en Afrique la protection des musulmans et en revint avec une armée. Mais cette armée opéra bientôt pour son propre compte, et termina, après quelques années de luttes (212 à 217 de l'hégire), conquête de la Sicile par la prise de Palerme.
Durant les combats qu'ils eurent à soutenir contre les Grecs, les Arabes n'avaient pas borné leurs invasions à la Sicile : ils avaient envahi tout le midi de l'Italie, et s'étaient mêmes avancés jusqu'aux faubourgs de Rome où ils avaient brûlé les églises Saint-Pierre et Saint-Paul, alors situées hors des murs de la ville, et ne s'étaient retirés qu'après avoir obtenu du pape Jean VIII la promesse d'un tribut. Ils s'emparèrent de Brindisi, sur l'Adriatique, de Tarente et pénétrèrent dans le duché de Bénévent. Possesseurs de la Sicile, de plusieurs ports importants de l'Italie, de la Corse, de Candie, de Malte et de toutes les iles de la Méditerranée, ils devinrent bientôt les maitres absolus de la mer, et Venise fut obligée pendant longtemps de renoncer à lutter avec eux.
La puissance politique des Arabes en Sicile fut renversée par les Normands au onzième siècle de notre ère ; mais leur action civilisatrice se continua longtemps encore. Assez intelligents pour comprendre la supériorité immense des Arabes, les rois normands s'appuyèrent sur eux, et, sous leur règne, l'influence des disciples du prophète resta considérable.
L'histoire des Normands en Sicile étant intimement liée à celle des musulmans, un rapide récit de leurs luttes est nécessaire pour comprendre l'histoire de la civilisation arabe dans cette ile. Il n'est pas sans intérêt d'ailleurs d'indiquer de quelle façon se faisait la guerre à cette époque, et de montrer ainsi que tous les actes de dévastations reprochés aux Arabes par les chroniqueurs latins étaient d'une pratique universelle, à quelque nationalité que les belligérants appartinssent.
Les circonstances qui amenèrent de fort loin les Normands en Sicile sont assez curieuses. Vers l'an 1015 de J.-C., une petite troupe de chevaliers francs et normands revenant d'un pèlerinage en Palestine, se dirigea, suivant l'usage, vers l'Italie méridionale pour y visiter une grotte du mont Gorgano, célèbre par une apparition de l'archange Saint-Michel. Roffrid, comte d'Avellino, instruit de leur arrivée, vint demander leur secours pour défendre Salerne, alors assiégés par les Arabes. Ayant réussi à s'introduire dans la ville, les chevaliers relevèrent le courage des assiégés et, dans une sortie, les musulmans furent mis en déroute. Enthousiasmés d'un tel succès, les Salernitains et leur seigneur comblèrent les étrangers de présents et les invitèrent à se fixer dans leur pays.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 227 la figure # 146 Façade principale du chateau arabe de la Ziza en Sicile ; d'après une photographie. téléchargeable
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Désireux de revoir leur patrie, les pèlerins n'acceptèrent pas ces propositions, mais promirent d'envoyer des jeunes gens prêts à défendre vaillamment la foi chrétienne, puis ils partirent, emportant comme présents des étoffes précieuses, de riches manteaux, des harnais de chevaux resplendissants d'or et d'argent, et des oranges, productions alors inconnues en France et qu'ils désiraient montrer à leurs compatriotes afin d'accroitre leur désir de visiter un pays donnant de si beaux fruits.
De retour chez eux, les chevaliers normands firent à leurs compatriotes des récits qui enflammèrent leur enthousiasme, au point qu'un grand nombre se décidèrent à partir pour la Sicile.
Telle fut l'origine de l'invasion des Normands. Suivant les mœurs du temps, les nouveaux défenseurs de la foi s'occupèrent bien plus de s'enrichir par le pillage que de défendre leur religion. Ils pillèrent du reste, avec une ardeur égale, Grecs, Italiens, ou Arabes, et, pendant cinquante ans, c'est-à-dire jusqu'à la conquête définitive, la Sicile et les régions de l'Italie voisines ne furent considérées par les chevaliers chrétiens que comme un lieu béni du ciel où l'on pouvait aisément faire fortune.
Les exploits des défenseurs de la foi n'ayant eu pour résultat que de ruiner rapidement le pays, les habitants reconnurent bientôt que l'amitié des chevaliers normands était bien plus coûteuse encore que l'inimitié des Arabes, et ils s'adressèrent au pape pour obtenir protection contre les premiers. Les remontrances du souverain pontife n'ayant produit aucun effet, il écrivit à l'empereur de Constantinople la lettre suivante, qui donne une idée assez nette de la façon dont une armée chrétienne traitait, à cette époque, la population des pays qu'elle occupait en amie.
Voici la lettre du pape Léon IX à l'empereur de Constantinople :
« Mon cœur s'est ému au douloureux récit que m'ont fait les envoyés de mon fils Argyrous, considérant l'indiscipline de la nation normande, sa méchanceté et son impiété plus que païenne, j'ai résolu de délivrer l'Italie de la tyrannie de ces étrangers. Dans leur rage, les Normands ne respectent rien ; ils égorgent les chrétiens, les soumettent aux tortures les plus affreuses. Insensibles à toute humanité, ils n'épargnent ni l'age, ni le sexe, dépouillent les basiliques des saints, les incendient et les détruisent. Tout devient la proie de leur rapacité. Plusieurs fois je leur ai reproché leur perversité, le les ai avertis, suppliés, poursuivis de mes instances, menacés de la vengeance de Dieu : mais, comme dit le sage, celui qui est abandonné de Dieu reste toujours méchant, et le fou n'est pas corrigé par des paroles. Puisqu'il le faut, je suis décidé à faire la guerre à ces étrangers devenus insupportables à tous par leurs fréquents attentats, guerre sainte et légitime, car je ne l'entreprends que pour la défense des peuples et des églises. »
N'ayant rien obtenu de l'empereur, Léon IX tache de former une ligue contre les Normands en s'adressant notamment aux Allemands. Mais l'évêque d'Eichstadt, qui se prétendait scandalisé de voir le pape à la tête d'une armée destinée à combattre des chrétiens, empêche le roi de Germanie Henri III de se joindre à lui. Léon IX réussit cependant à réunir une armée bien plus nombreuse que celle des Normands. Confiant dans la protection du ciel, il les attaqua hardiment, mais fut platement battu et fait prisonnier. Il essaya alors de se concilier la bonne grace de ses vainqueurs, en levant l'excommunication lancée contre eux et en leur accordant sa bénédiction. Peu sensibles à ces bons procédés, les Normands gardèrent le pape prisonnier pendant un an et ne le relachèrent que contre de solides garanties.
Libres désormais de se livrer à leurs déprédations, les Normands continuèrent à piller consciencieusement la Sicile et l'Italie, et la guerre entre protecteurs et protégés se prolongea avec ce caractère de férocité tranquille auquel les populations avaient sans doute fini par s'habituer à en juger par la placidité avec laquelle les pillages et les massacres sont relatés dans les chroniques, comme s'il s'agissait d'incidents journaliers sans importance. Quand les bons chevaliers pouvaient surprendre un monastère mal fortifié, ils le pillaient de fond en comble, et éventraient les moines jusqu'au dernier pour prévenir leurs réclamations. Lorsque, de leur côté, les moines pouvaient surprendre quelques chevaliers, ils usaient de larges représailles à leur égard. Les chroniques latines de l'époque sont pleines des récits où ces aménités réciproques sont complaisamment décrites. La suivante choisie entre mille, et empruntée par M. de la Primauderie aux archives latines des moines du Mont-Cassin, donnera une idée assez juste des mœurs du temps.
« Un jour le comte Radulf et quinze Normands se présentèrent au mont Cassin. Selon la coutume, les Normands ayant laissé leurs armes et leurs chevaux à la porte de l'église, y entrèrent pour prier. C'était assez mal choisir le moment. Tandis qu'ils étaient à genoux devant l'autel de saint Benoit, les frères servants du monastère fermèrent tout à coup les portes de l'église, s'emparèrent des armes et des chevaux et sonnèrent les cloches de l'alarme. À ce bruit bien connu, les vassaux de l'abbaye accourant en foule attaquèrent les Normands qui n'avaient pour se défendre que le chapelet à la main.
« En vain ils implorèrent le respect pour les lieux saints, qu'eux-mêmes n'avaient guère l'habitude de respecter ; en vain ils jurèrent qu'ils n'avaient eu d'autre intention en venant au monastère que celle de prier et de se réconcilier sincèrement avec l'abbé, les moines, ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger, refusèrent de les entendre. Les quinze compagnons du comte furent tués, et lui-même ne fut épargné que parce que l'abbé s'interposa. Celui-ci se hata de mettre à profit cet heureux événement pour recouvrer toutes les possessions du monastère que le comte avaient envahies. Le chateau de Saint-André essaya seul de résister. »
Le pillage de la Sicile par les Normands dura jusqu'au jour où un de leurs chefs, Roger, homme très habile, songea à en faire définitivement la conquête. L'occasion était fort propice. Les musulmans étaient en proie à leurs éternelles dissensions : les rivalités entre Berbères et Arabes, qui devaient les perdre en Espagne, devaient les perdre également en Sicile. À cette époque, c'est-à-dire en 1061 de l'ère chrétienne, la Sicile était partagée entre cinq émirs établis à Palerme, Messine, Catane, Girgenti, Trapani. Celui de Palerme est appelé roi de Sicile par les chroniqueurs, mais, en réalité, il était toujours en lutte avec les autres. Alors même que les Normands étaient à moitié maitres de l'ile, les chefs musulmans continuaient de guerroyer entre eux.
Ces dissensions seules rendirent possible la conquête définitive de la Sicile. Elle fut terminée en 1072 par la prise de Palerme. C'est de cette époque que l'on peut dire que la puissance politique des Arabes en Sicile disparut ; mais grace à la sagesse de Roger et de ses successeurs, leur influence civilisatrice dura longtemps.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 230 la figure # 147 Vue intérieure du chateau de la Ziza ; d'après un dessin de Girault de Prangey. téléchargeable
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Proclamé comte de Sicile, Roger 1er se montra aussi habile organisateur qu'il était vaillant guerrier. On doit le considérer comme un des hommes les plus remarquables de son temps, et le fils, qui lui succéda, mérite le même éloge.
Lors de la conquête définitive de la Sicile par les Normands, la civilisation des Arabes étaient déjà très florissante. Roger et ses successeurs eurent la sagesse de comprendre la supériorité des disciples du prophète. Ils adoptèrent leurs institutions, les couvrirent de leur protection, et assurèrent ainsi au pays une ère de prospérité qui dura jusqu'au jour où, par suite de l'avènement des rois souabes (1194), les Arabes furent expulsés.
Quand Roger organisa la Sicile, elle était habitée par cinq peuples de langues et coutumes différentes : Franks (Normands et Bretons notamment), Grecs, Longobards, juifs et Arabes. Tous avaient un droit différent : les Grecs suivaient le code Justinien, les Longobards le droit longobard, les Normands le droit frank, les Arabes le Coran. Pour maintenir des populations si diverses sous la même main, il fallait une tolérance et une équité très grandes. Les Arabes l'avaient compris, et Roger sut le comprendre également. L'aristocratie intellectuelle et industrielle de la nation étant constituée par les musulmans, Roger leur accorde une protection spéciale. Ses édits étaient fréquemment conçus en arabe, grec et latin. Les légendes des monnaies étaient moitié arabes, moitié grecques ou latines : les unes portaient le signe du Christ, les autres celui de Mahomet ; quelques-unes même réunissaient les deux symboles.
Les successeurs de Roger continuèrent la même politique. Guillaume II avait étudié la langue des Arabes et avait recours à ces derniers pour les affaires les plus délicates. Ils furent, du reste, reconnaissants de cette protection, car, sous Roger lui-même, nous les voyons s'enrôler sous ses drapeaux et l'aider à comprimer des révoltes.
En 1184, c'est-à-dire un siècle environ après la conquête, les Arabes étaient, d'après leurs chroniqueurs, très nombreux en Sicile. À Palerme, ils possédaient de vastes quartiers, avaient des mosquées, des imans et un kadi pour juger leurs procès. Grace à eux, la cour des rois normands en Sicile était très brillante. Aboulfeda va même jusqu'à la comparer à celle des khalifes de Bagdad et du Caire.
2. - Civilisation des Arabes en Sicile
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Les sources qui permettent de reconstituer l'état de la civilisation des Arabes en Sicile sont peu nombreuses. Quelques indications éparses dans les divers récits des chroniqueurs, un petit nombre de monuments échappés à la destruction et quelques monnaies sont les seuls éléments que nous possédions. Ils suffisent cependant à montrer que si la civilisation des Arabes en Sicile fut inférieure à ce qu'elle était en Égypte et en Espagne, elle fut cependant assez développée, et que le niveau intellectuel, industriel et social de la Sicile était bien plus élevé quand les Arabes la quittèrent que lorsqu'ils y entrèrent. C'est à l'amélioration exercée par un peuple sur un autre que peut se mesurer son influence civilisatrice. Appréciée ainsi, l'influence utile des Arabes sur la Sicile est considérable.
Lorsque la période de conquête des musulmans en Sicile fut terminée, la période d'organisation lui succéda bientôt. Depuis les Carthaginois, l'ile était divisée en deux provinces, la Syracusaine et la Palermitaine. Les Arabes la partagèrent en trois valis, divisions mieux appropriées à la géographie du pays. Chacun de ces valis avait son gouverneur et comprenait plusieurs districts administrés par des caïds dépendants du gouverneur. Un mufti, ou juge suprême, était établi à Palerme, et, dans chaque localité, il y avait un cadi assisté d'un greffier. Chaque ville possédait un collecteur d'impôts. Un grand conseil, nommé divan, faisant fonctions de cour des comptes, vérifiait la comptabilité.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 231 la figure # 148 Détail
d'architecture de l'une des façades du palais arabe de la Cuba et
Sicile ; téléchargeable
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Pour tout ce qui ne concernait pas les sujets d'intérêt général, les chrétiens conservèrent leurs lois civiles et religieuses et le droit de se gouverner. Les anciens magistrats grecs, nommés stratèges, gardèrent leurs fonctions, leurs privilèges et jusqu'à leur ancien nom. Ils jugeaient tous les différends entre chrétiens, percevaient la capitation imposée par les Arabes, et qui était de 48 dinars par an pour un homme riche, de 24 pour l'individu simplement aisé et de 12 pour celui qui vivait du travail de ses mains. Cette taxe était très inférieure à celle payée sous les Grecs. Les moines, les femmes et les enfants étaient, du reste, exempts de toute contribution.
Tout ce qui concernait le droit civil : propriétés, successions, etc., avait été si bien approprié aux coutumes du pays par les Arabes, que les Normands maintinrent leur code en vigueur quand ils se furent emparés du pays.
Sous leur domination les chrétiens avaient conservé leurs lois, leurs usages et le libre exercice de leur culte. Suivant le dominicain Corradin, prieur de Sainte-Catherine de Palerme, les prêtres pouvaient sortir vêtus de leurs ornements sacerdotaux pour porter le viatique aux malades. L'abbé Maurocoli rapporte que dans les cérémonies publiques, à Messine, on voyait figurer deux étendards : l'un appartenant aux musulmans représentait une tour noire sur champ vert, l'autre appartenant aux chrétiens portait une croix d'or sur champ rouge. Toutes les églises existant au moment de la conquête furent conservées ; mais, contrairement à ce qui avait eu lieu en Espagne, il ne fut pas permis d'en construire de nouvelles.
Aussitôt qu'ils purent se considérer comme maitres de la Sicile, les Arabes s'adonnèrent à l'agriculture et à l'industrie, et les relevèrent bien vite de la décadence où elles étaient tombées. Ils y introduisirent le coton, la canne à sucre, le frêne, l'olivier, établirent des travaux de canalisation qui subsistent encore et firent notamment connaitre l'emploi des aqueducs à siphon, ignorés avant eux.
L'industrie leur dut également d'importants progrès. Les richesses naturelles du pays, en argent, fer, cuivre, soufre, marbre, granit, etc. furent systématiquement exploitées. Ils introduisirent dans l'ile l'art de travailler la soie. On possède à Nuremberg un manteau de soie, à l'usage des souverains de la Sicile, recouvert d'une inscription en caractères coufiques avec la date de 520 l'hégire (1133 de J.-C.). Tout porte à croire que c'est de la Sicile que l'art de teindre les étoffes se répandit en Europe.
Le commerce, qui était presque nul avant les Arabes, devint très étendu nous en avons la preuve par les nombreux droits de douane existant sous leur domination, et dont une longue nomenclature se trouve consignée sur d'anciens diplômes normands des premiers temps de la conquête. Ils montrent combien, quand les Normands s'en emparèrent, le commerce de l'ile était varié.
Il n'existe aujourd'hui en Sicile qu'un très petit nombre de monuments musulmans. Les plus remarquables sont les palais de la Ziza et de la Cuba près de Palerme. Ils prouvent que les anciens chroniqueurs n'ont rien exagéré en vantant la splendeur des anciens monuments. Le moine Théodose et le géographe Edrisi notamment parlent avec admiration des palais ornés de marbres précieux, d'éclatantes mosaïques, et entourés de merveilleux jardins existant sous les Arabes. Le moine Théodose fait prisonnier en 878 au siège de Syracuse, et conduit à Palerme, vante les palais, mosquées et faubourgs de cette importante cité.
L'arabe Edrisi, qui composa son grand traité de géographie à Palerme même, sous le roi Roger II, c'est-à-dire peu de temps après la conquête chrétienne, a laissé la description suivante de cette ville :
« Palerme, métropole de la noble Sicile réunit tous les genres de gloire et toutes les splendeurs. Cette ville, une des plus illustres de l'univers, a été le siège du gouvernement dès les temps primitifs. Elle est située sur le bord de la mer et entourée de hautes montagnes. Au rapport de tous les voyageurs, il n'en est point où il soit plus agréable de résider. L'étranger qui débarque sur ses quais magnifiques, contemple avec admiration ses palais imposants, ses tours élevées et massives, les campaniles élancés des lieux de prière destinés aux chrétiens, et les vastes dômes des mosquées. Il s'émerveille surtout à la vue de la perfection du travail et de l'élégance des arts qui présidèrent à la construction de ces somptueux édifices. Palerme se compose de deux parties, le chateau et le faubourg. Le chateau (El-Kassr) doit être compté au nombre des lieux les plus forts. Il se divise en trois quartiers qui renferment des marchés couverts, des bazars, de belles et nobles habitations. C'est là que demeurent tous les riches marchands chrétiens, musulmans et juifs. On y remarque aussi la grande mosquée, qui surpasse tout ce qu'il est possible d'imaginer de gracieux, de rare et d'exquis en fait de peintures, de sculptures et d'ornements. Au nord, s'élève une forteresse qui a été construite par ordre du roi Roger. La disposition de cet édifice est savamment ordonnée, et sa hauteur considérable ; il est couvert de curieuses arabesques et d'inscriptions tracées avec un art surprenant. Le faubourg entoure la ville de tous les côtés. Il est bati sur l'emplacement de la cité nouvelle qui portait le nom d'El-Khalessa, et où résidait, du temps des musulmans, le lieutenant du khalife. Il est très vaste et contient un grand nombre de maisons, des marchés, des bains, des boutiques, des caravansérails. Autour de Palerme, on ne voit que fontaines jaillissantes, bosquets verdoyants et villas délicieuses. Il est impossible à l'intelligence de concevoir, et à la plume de décrire toutes les séductions des environs de cette ville, dont l'ensemble présente un coup d’œil vraiment admirable.
La supériorité des connaissances artistiques, industrielles et scientifiques des Arabes, explique facilement la protection que les rois normands leur accordèrent. Les moines eux-mêmes admiraient leur esprit sagace, mais attribuaient volontiers à des maléfices toutes leurs inventions. Parmi les passages curieux les concernant, je citerai un extrait d'une chronique latine qui indique assez bien l'opinion que leurs ennemis avaient d'eux.
« Dans une de ses expéditions, dit le chroniqueur, Robert Wiscard fit la découverte d'une statue élevée sur une colonne de marbre et couronnée d'un cercle de bronze où ces mots étaient gravés : « Le 1er mai, au soleil levant, j'aurai une couronne d'or. » Personne ne put dire ce que signifiaient ces paroles, mais un Sarrasin de Sicile, prisonnier du comte, très versé, comme tous les fils d'Agar, aux sciences occultes et secrets des figures, apprit à Robert qu'il avait deviné le sens caché sous ces paroles, et que, s'il voulait lui rendre sa liberté, il en donnerait l'explication. Robert ayant promis de le renvoyer libre en Sicile, le Sarrasin lui conseilla de faire creuser, le 1er mai, au soleil levant, à l'endroit qu'indiquerait l'extrémité de l'ombre de la statue. Le comte le fit et trouva un grand et riche trésor. »
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 233 les figures # 149-151 Monnaies chrétiennes-arabes des rois normands de Sicile. téléchargeables
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3. - Invasion des Arabes en France
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Après leur conquête de l'Espagne, les Arabes firent de fréquentes incursions en France, mais rien n'indique qu'ils aient jamais songé à s'y établir sérieusement. Ainsi qu'on l'a fait justement remarquer, le climat trop froid de ce pays ne pouvait guère les tenter. Ce n'était que dans les régions tempérées du midi qu'ils pouvaient prospérer, et ce ne fut, en effet, que dans les parties les plus méridionales de la France qu'ils séjournèrent pendant longtemps.
Lorsque les Arabes parurent en France au huitième siècle de notre ère, le pays était gouverné par des princes connus sous le nom de rois fainéants. Livré à la plus complète anarchie féodale, il offrait une proie facile aux envahisseurs. Aussi ces derniers s'emparèrent-ils sans peine de la plupart des villes du midi. Après avoir conquis Narbonne dans le Languedoc, et avoir assiégé inutilement en 721 Toulouse, capitale de l'Aquitaine, ils prirent successivement Carcassonne, Nimes, Lyon, Macon, Autun, etc., et se répandirent dans toute la vallée du Rhône, dans le Dauphiné et la Bourgogne.
Toute la moitié de la France actuelle, depuis les bords de la Loire jusqu'à la Franche-Comté, fut graduellement envahie par eux. Leur intention n'étant pas de se fixer définitivement dans le pays, ils se bornaient à occuper militairement des points importants destinés à servir de centres pour diriger de nouvelles incursions dans les régions où ils espéraient trouver occasion de faire du butin.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 234 la figure # 152 Buire
arabe du dixième siècle, en cristal de roche, du musée du Louvre. téléchargeable
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La plus importante de ces incursions fut celle que commandait Abdérame, et qu'arrêta près de Poitiers, en 732 de notre ère, Charles Martel.
Après avoir réuni une armée assez importante en Espagne, Abdérame passa la Garonne, s'empara de Bordeaux malgré la résistance des Aquitains et des Vascons, commandés par le duc Eudes, puis se dirigea vers Poitiers.
Eudes alla implorer le secours de Charles Martel qui, avec le titre de maire du palais, régnait, au nom de deux faibles rois mérovingiens, sur l'Austrasie et la Neustrie. « Plusieurs seigneurs français, dit un chroniqueur arabe, étant allés se plaindre à Charles de l'excès des maux occasionnés par les musulmans, et parlant de la honte qui devait rejaillir sur le pays, si on laissait ainsi des hommes armés à la légère, et en général dénués de tout appareil militaire, braver des guerriers munis de cuirasses et armés de tout ce que la guerre peut offrir de plus terrible, Charles répondit : « Laissez-les faire, ils sont au moment de leur plus grande audace, et comme un torrent qui renverse tout sur son passage. L'enthousiasme leur tient lieu de cuirasses, et le courage, de place forte. Mais quand leurs mains seront pleines de butin, quand ils auront pris du goût pour les belles demeures et les aises de la vie, quand l'ambition se sera emparée des chefs, que la division aura pénétré dans leurs rangs, alors nous irons à eux, sûrs de la victoire. » Le raisonnement de Charles Martel était juste, mais il fallait que la terreur qu'inspiraient les Arabes fût bien grande pour qu'on préférat les laisser d'abord piller les pays qu'ils traversaient, plutôt que de tacher de les arrêter.
Abdérame put donc continuer sans crainte sa marche triomphale, ravager les fertiles plaines qui séparent Bordeaux de Tours et s'emparer des richesses des villes. La règle invariable des Arabes étant, comme nous l'avons vu par de nombreux exemples, de ne jamais se livrer au pillage dans les pays où ils voulaient s'établir, la conduite d'Abdérame suffirait à prouver à elle seule qu'en venant en France, il ne rêvait qu'une expédition fructueuse. Elle le fut tellement du reste que quand les Arabes arrivèrent près de Tours, ils étaient entravés par leur butin au point de ne plus pouvoir avancer qu'avec peine. Apprenant l'arrivée de Charles Martel, qui avait convoqué dans un ban général les guerriers des royaumes réunis précédemment sous le sceptre de Clovis, Abdérame pensa que le moment de la retraite était venu et redescendit vers Poitiers. Suivi de près par Charles Martel, il finit par se décider à lui livrer bataille.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 235 la figure # 153 Armes arabes de diverses époques ; d'après une photographie de l'auteur. téléchargeable
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L'armée de Charles Martel se composait de Bourguignons, d'Allemands, de Gaulois, et celle d'Abdérame d'Arabes et de Berbères. Le combat resta indécis une partie de la journée, mais le soir, un corps de soldats francs s'étant détaché du gros de l'armée pour se porter vers le camp des musulmans, ces derniers quittèrent le champ de bataille en désordre pour aller défendre leur butin, et cette manœuvre maladroite entraina leur perte. Ils durent battre en retraite et retourner dans les provinces du sud. Charles Martel les suivit de loin. Arrivé devant Narbonne, il l'assiégea inutilement, et s'étant mis alors, suivant l'habitude de l'époque, à piller tous les pays environnants, les seigneurs chrétiens s'allièrent aux Arabes pour se débarrasser de lui, et l'obligèrent à battre en retraite. Bientôt remis de l'échec que leur avait infligé Charles Martel, les musulmans continuèrent à occuper leurs anciennes positions, et se maintiennent encore en France pendant deux siècles. En 737, le gouverneur de Marseille leur livre la Provence, et ils occupent Arles. En 889, nous les retrouvons encore à Saint-Tropez, et ils se maintiennent en Provence jusqu'à la fin du dixième siècle. En 935, ils pénètrent dans le Valais et la Suisse. Suivant quelques auteurs, ils seraient même arrivés jusqu'à Metz.
Le séjour des Arabes en France, plus de deux siècles après Charles Martel, nous prouve que la victoire de ce dernier n'eut en aucune façon l'importance que lui attribuent tous les historiens. Charles Martel, suivant eux, aurait sauvé l'Europe et la chrétienté. Mais cette opinion, bien qu'universellement admise, nous semble entièrement privée de fondement. L'expédition d'Abdérame n'était qu'une campagne destinée à enrichir ses soldats, en leur procurant l'occasion de faire un riche butin. Sans le fils de Pepin d'Héristal, l'expédition se fût terminée par le pillage de Tours et de quelques autres villes, et les Arabes se fussent, suivant leur habitude, éloignés pour reparaitre sans doute les années suivantes, jusqu'au jour où ils eussent rencontré une coalition capable de les repousser. Charles Martel ne réussit à les chasser d'aucune des villes qu'ils occupaient militairement. Il fut obligé définitivement de battre en retraite devant eux et de les laisser continuer à occuper tranquillement tous les pays dont ils s'étaient emparés. Le seul résultat appréciable de sa victoire fut de rendre les Arabes moins aventureux dans leurs razzias vers le nord de la France ; résultat utile, assurément, mais insuffisant tout à fait à justifier l'importance attribuée à la victoire du guerrier franc.
Les mêmes historiens, qui donnent une importance capitale à la victoire de Charles Martel près de Poitiers, supposent naturellement que sans cette victoire, les Arabes eussent continué leurs invasions, envahi l'Europe, et se demandent avec effroi ce qu'il serait advenu des peuples chrétiens sous la bannière du prophète. « C'était le sort du monde qui venait de se décider, écrit à propos de cette bataille, M. Henri Martin dans son Histoire de France populaire. Si les Francs eussent été vaincus, la terre eût été à Mahomet Et alors l'avenir de l'Europe et du monde eût été perdu, car l'activité qui pousse les hommes vers le progrès n'était pas dans le génie des musulmans. Leur génie se résume dans l'idée qu'ils ont de Dieu. Le Dieu des musulmans qui, après avoir créé le monde, se repose dans sa solitude et dans son immobilité, n'incite pas les hommes au progrès. »
On peut répondre tout d'abord à ce qui précède, qu'alors même que les Arabes eussent triomphé, les destinées du pays n'eussent été modifiées aucunement. Vainqueurs, ils eussent pillé peut-être quelques villes de plus, comme nous le disions plus haut, puis se seraient retirés suivant leur habitude pour mettre leur butin à l'abri, et auraient recommencé les années suivantes leurs déprédations jusqu'à ce qu'ils eussent rencontre un ennemi assez fort pour les repousser comme Charles Martel réussit à le faire.
Supposons cependant que les chrétiens n'eussent jamais réussi à repousser les Arabes ; supposons encore qu'au lieu d'un climat froid et pluvieux, qui ne pouvait exercer aucun attrait sur eux, les musulmans eussent rencontré dans le nord de la France le même climat qu'en Espagne, et eussent cherché à s'y établir de façon définitive. Pour savoir ce qu'eût été dans ces hypothèses impossibles le sort du nord de l'Europe, il suffit de rechercher ce que fut celui de l'Espagne. Or, comme sous l'influence des Arabes, l'Espagne jouissait d'une civilisation brillante, alors que le reste de l'Europe était plongé dans la plus grossière barbarie, il est évident qu'au point de vue de la civilisation de l'époque, les populations chrétiennes n'auraient eu qu'à gagner à se ranger sous la bannière du prophète. Adoucis dans leurs mœurs, les peuples de l'Occident eussent sans doute évité ainsi les guerres de religion, la Saint-Barthélemy, l'inquisition, en un mot, toutes ces calamités qui ont ensanglanté l'Europe pendant tant de siècles, et que les musulmans n'ont jamais connues.
Pour soutenir, comme le fait le savant historien cité plus haut, que, sous les Arabes, l'avenir de l'Europe et du monde eût été perdu, parce que « l'activité qui pousse les hommes vers le progrès n'était pas dans le génie musulman », il faut pousser à des limites bien extrêmes l'oubli de l'histoire de la civilisation des Arabes. Quand on considère la prospérité brillante que firent régner les disciples du prophète dans des pays plongés avant eux dans la barbarie, on peut certainement renverser entièrement la proposition qui précède, et dire que l'activité qui entraine les hommes vers le progrès n'a jamais été poussée chez aucune race aussi loin que chez les Arabes.
L'occupation du midi de la France par les Arabes pendant plusieurs siècles n'a laissé que de faibles traces. Les villes fréquentées par eux n'ayant été que des points stratégiques destinés à appuyer leurs incursions, ils se sont très peu occupés de civiliser le pays envahi, et, sous leur domination, il n'y eut en France aucun de ces grands centres de civilisation analogues à ceux qui brillaient alors en Espagne et en Orient.
Dans l’édition papier de 1980 apparait à la page 238 la figure # 154 Gaines et fourreaux d'armes arabes ; d'après une photographie de l'auteur. téléchargeable
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Bien que le séjour des Arabes en France n'ait été constitué que par une série de courtes invasions, nous verrons dans un autre chapitre qu'ils ont laissé des traces profondes de leur passage dans la langue, et nous allons montrer maintenant qu'ils en ont laissé également dans le sang. Plusieurs d'entre eux s'étaient fixés définitivement sur notre sol, dans le voisinage des villes occupées par leurs compatriotes et s'adonnaient à l'industrie et à l'agriculture. On leur a attribué l'importation de la fabrication des tapis à Aubusson, ainsi que plusieurs méthodes agricoles nouvelles. Souvent alliés aux seigneurs chrétiens toujours en guerre, ils finirent sur beaucoup de points par se confondre avec les habitants. L'ethnologie nous en fournit la preuve, en retrouvant, après tant de siècles, des descendants des Arabes sur plusieurs parties de notre sol. Dans le département de la Creuse, dans les Hautes-Alpes, et notamment dans plusieurs localités situées autour de Montmaure (montagne des Maures), dans le canton de Baignes (Charente), de même que dans certains villages des Landes, du Roussillon, du Languedoc, du Béarn, les descendants des Arabes sont facilement reconnaissables. On les distingue à leur peau basanée, leurs cheveux couleur d'ébène, leur nez aquilin, leurs yeux foncés et perçants. Les femmes se reconnaissent à leur teint olivatre, leur figure allongée, leurs grands yeux noirs, leurs sourcils épais, la forme conique de leurs seins, etc. Si ces caractères ne se sont pas effacés en se noyant dans ceux de la population environnante, suivant les lois anthropologiques que nous avons exposées cela tient à ce que, dans les régions où se rencontrent encore les descendants des Arabes, ils ont fini par former de petites agglomérations nettement séparées du reste de la population et ne se croisant qu'entre elles.
Ici se termine ce que nous avions à dire de l'histoire des Arabes dans les diverses contrées où l'islamisme a régné. Nous avons vu combien a été variée cette histoire, suivant les milieux où les disciples de Mahomet ont vécu, et surtout suivant le but qu'ils se proposaient en envahissant un pays. Dans toutes les contrées qu'ils ont occupées, la France peut-être exceptée, leur influence a été profondément civilisatrice. Partout où a flotté la bannière du prophète, les pays protégés par elle se sont transformés rapidement ; les sciences, les arts, les lettres, l'industrie et l'agriculture y ont brillé du plus vif éclat.
Laissant de côté les généralités auxquelles nous avons dû nous borner jusqu'ici, nous aborderons bientôt dans ses détails l'histoire de la civilisation des Arabes et nous examinerons les progrès qu'ils ont accomplis dans les différentes branches des connaissances humaines cultivées par eux. Quelque obscure ou brillante que puisse être l'histoire politique d'un peuple, l'importance réelle du rôle qu'il joue dans le monde peut se mesurer finalement à son influence civilisatrice et à la somme des découvertes qui lui sont dues.
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