Scrigroup - Documente si articole

     

HomeDocumenteUploadResurseAlte limbi doc
BulgaraCeha slovacaCroataEnglezaEstonaFinlandezaFranceza
GermanaItalianaLetonaLituanianaMaghiaraOlandezaPoloneza
SarbaSlovenaSpaniolaSuedezaTurcaUcraineana

AdministrationAnimauxArtComptabilitéDiversesDroitéducationélectronique
FilmsL'économieL'histoireL'informatiqueLa biologieLa géographieLa grammaireLa littérature
La médecineLa musiqueLa politiqueLa psychologieLa sociologieLe tourismeLes mathématiquesManagement
PersonnalitésPhysiqueRecettesSportTechnique

La réception de Céline comme „ écrivain maudit”

la littérature



+ Font mai mare | - Font mai mic



DOCUMENTE SIMILARE

La réception de Céline comme „ écrivain maudit”

1.1 Voyage au bout de la nuit, mise en abyme de sa vision du monde  Les plus récentes histoires littéraires françaises continuent à perpétuer, elles aussi, cette interprétation figée d’un écrivain qui s’est acharné à détruire toute image rassurante de l’homme. À cause d’avoir affirmé : „ La vérité c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort ”, on le présente comme un écrivain prisonnier de l’angoisse qui pendule entre le désespoir et la révolte.



Les histoires littéraires ont mal interprété les romans céliniens des quinze derniÈres années ou sont restées à peu prÈs indifférentes. La connaissance de l’œuvre complÈte qui aurait dÛ approfondir la compréhension de la Weltanschauung et du monde poétique célinien n’a pas modifié le cadre traditionnel oÙ les manuels d’histoire de la littérature avaient placé l’auteur de Rigodon.

Les lecteurs moyens de la critique sont trop souvent restés au cliché d’un Céline „écrivain maudit pendant que les études des spécialistes ont réussi à modifier l’image traditionnelle grace à l’emploi d’approches critiques et aux méthodes modernes.

Lorsqu’il écrit son premier roman „ Voyage au bout de la nuit Louis Ferdinand-Céline s’inspire de ses propres expériences : la premiÈre guerre mondiale dont il décrit l’horreur puis l’atmosphÈre de l’arriÈre, en particulier celle de l’hôpital ; un voyage en Afrique dans une factorie ; un séjour aux Etats-Unis, prétexte à une description de la vie américaine, et enfin la rencontre avec la misÈre comme médecin dans la banlieue parisienne.

Dans une interview avec Pierre-Jean Launay, Céline explique sa vision du monde qu’on retrouve dans son premier livre : „ C’est de la vie, la vie telle qu’elle se présente. La misÈre humaine me bouleverse, qu’elle soit physique ou morale. Aujourd’hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va nulle part. Notre époque, d’ailleurs, est une époque de misÈre sans art, c’est pitoyable. L’homme est nu, dépouillé de tout, mÊme de sa foi en lui. C’est ça, mon livre.”

Il publie „ Voyage ” à l’age de 38 ans en connaissant aussitôt la célébrité, manquant de peu le prix Goncourt. Une bataille rangée entre les partisans de Céline et ses détracteurs s’est menée autour de ce prix. « Tant de grossiÈretés et d’obscénités le déparent qu’on ne peut en parler qu’avec précaution » affirme André Thérive dans „ Le Temps.” Céline obtient pourtant le Prix Renaudot et jouit d’un trÈs grand succÈs. Des critiques prestigieux ne peuvent s’empÊcher de reconnaitre dans ce roman un caractÈre exceptionnel. « Cet énorme roman est une œuvre considérable, d’une force et d’une ampleur à laquelle ne nous habituent pas les niais si bien frisés de la littérature bourgeoise » remarque Paul Nizan dans „ l’Humanité.”

Mais le livre n’est pas né en quelques jours de l’imagination de son auteur : il s’est nourri d’une vie déjà bien remplie, qu’il a dÛ retravailler pour en faire un roman épique, une épopée du désespoir selon P-G Castex et Becker P Surer : „ En 1932, le docteur Destouches, dit Louis Ferdinand-Céline, publiait un livre d’une violence forcenée, « Voyage au bout de la nuit », qui connut un succÈs retentissant. En une langue argotique et souvent orduriÈre, le héros, Bardamu, dont les aventures bouffonnes ou terribles, cruelles toujours, ressemblent à des scÈnes de cauchemar, y fustige la société moderne, avec ses guerres, ses entreprises coloniales, ses impostures innombrables. Certains pages relÈvent un tempérament du pamphlétaire d’autres, animées par une verve noire, peuplées de visions atroces, semblent appartenir à une épopée du désespoir.”

AprÈs l’expérience de la guerre, Céline fait une critique de la société, de la vie de cette époque-là dont il exprime le désarroi avec une grande force. Aussi, il semble prendre à témoin son lecteur en le faisant vivre avec ses personnages. Il emploie, comme affirme Pascal Fouché „ une langue hybride dont le parler parisien ne parvient pas tout à fait à faire oublier la culture plutôt classique. Bouleversant l’ordre des mots et l’agencement de la syntaxe, avec un rythme et un phrasé toujours renouvelés, il accÈde à un étonnant lyrisme.”

Dans une interview avec Paul Vialar, l’auteur du „ Voyage ” déclare qu’il désire faire de son premier roman „ une cathédrale gothique ” qui puisse parler de „ la vérité du siÈcle ” : „ Ce qui m’intéresse par dessus-tout, c’est d’écrire, de dire ce que j’ai à dire, avec passion ; je ne pourrai pas le faire autrement. J’ai mis des années à rédiger « Voyage au bout de la nuit.» Je veux qu’il soit comme une cathédrale gothique. On y verra des bons et des méchants, pÊle-mÊle tout d’abord, et puis tout s’ordonnera, si j’en ai la force comme dans une cathédrale.”

1.2 Présentation générale des romans de Céline

AprÈs le succÈs du „ Voyage ”, Céline écrit „ Mort à crédit.Il raconte une enfance, celle de Ferdinand, à qui il prÊte son deuxiÈme prénom sans lui donner de nom de famille. Le lecteur suit la petite enfance du héros, passage Choiseul oÙ sa mÈre tient une boutique, son voyage linguistique en Angleterre, sa mise en apprentissage, puis sa rencontre avec Courtial des Pereires, personnage pas comme les autres avec qui il vit des aventures.

„ Mort à crédit est un roman clef dans l’œuvre de son auteur non seulement parce qu’il „ retrace une période de sa vie déterminante pour son avenir, mais aussi parce qu’il marque une étape fondamentale dans son écriture ” remarque Pascal Fouché. Il ajoute que, Céline est „ au sommet de son art ” pour son deuxiÈme roman : L’apparition de la fragmentation des phrases, la forme trÈs libre de la syntaxe, le récit discontinu, et l’emploi d’une langue réellement populaire serviront de modÈle pour la suite de sa bibliographie entreprise dans son roman dont la majeure partie a disparu, Casse- pipe.”

Dans „ Guignol’s Band Céline remet en scÈne Ferdinand dans les bas quartiers de Londres pendant la PremiÈre Guerre mondiale. Bien qu’il évolue dans un milieu interlope, c’est presque un paradis qu’il décrit tout d’ abord : il trouve une nouvelle famille qui lui relÈve d’autres valeurs que celles qui lui avaient été enseignées. Tout est réuni, en fait, pour conduire à une catastrophe. En une seule journée les bombes et la mort détruisent la paix. Ferdinand qui a violenté sa petite amie Virginie est recherché pour meurtre par la police et poursuivi par son ancien protecteur.

Souvent qualifié de „ roman intermédiaire ”, „ Guignol’s Band ” est celui dans lequel „ la verve de Céline atteint son paroxysme comme souligne le critique Pascal Fouché : „ Sa langue qui profite de l’acquis de tous ces écrits antérieurs, est une synthÈse entre sa veine satirique et son art de conteur.”

Dans Féerie pour une autre fois , Céline aborde une forme de récit qui tient à l’autobiographie. Le roman est écrit en grande partie alors qu’il sera en exil au Danemark. Sous prétexte de fouiller son passé, Céline met à nouveau en scÈne son univers et ses proches. Il décrit notamment la vie à Paris à la fin de l’occupation et le séjour qu’il fit au Danemark. „ C’est une chronique de ses blessures, une suite de témoignages vécus dans un désordre qu’il organise autour de son délire ” dit Pascal Fouché.

1.3 Présentation générale des pamphlets de Céline

AprÈs son retour en France, Céline écrit aussi des pamphlets ; il découvre l’Union soviétique en aoÛt 1936. L’une des causes de son engagement dans cette autre forme d’écriture c’est l’incompréhension de son œuvre et le climat politique troublé. Sous le titre de „ Mea culpa il dénonce tout le systÈme bourgeois qui repose sur l’exploitation des plus faibles et l’échec du communisme qu’il attribue à „ la vacherie ” de la nature humaine, aux bas instincts naturels de l’homme. C’est un plaidoyer anticommuniste que ses amis de gauche ne lui pardonneront pas.

AprÈs un séjour à New York en février, il rédige un deuxiÈme pamphlet Bagatelles pour un massacre.” Céline dresse cette fois-ci, un état de la décadence française dont les causes sont notamment le cinéma et l’alcoolisme. En ce sens Pascal Fouché affirme : „ Au lieu de se préoccuper de la montée du nazisme, il dénonce le péril soviétique et accuse les francs-maçons et les Juifs d’entrainer le pays vers le mÊme régime. Léon Blum devient le symbole, le juif, qui mÈne la France à un désastre dont Céline ne veut pas. Le Juif, comme le communisme, il en fait des boucs émissaires.”

„ L’école des cadavres ” place l’écrivain en dehors de la politique : il est rejeté par la gauche et indésirable à droite étant non-conformiste. Céline voit la seule façon d’éviter la

guerre qui se profile déjà dans une alliance avec l’Allemagne et contre les Anglais. Cette fois-ci il est plus violent, il est emporté dans un délire obsessionnel qu’il ne peut calmer, comme remarque Pascal Fouché : „ Avec l’École des cadavres, Céline poursuit ses virulentes élucubrations, dépassant définitivement les bornes. Tout le monde est logé à la mÊme enseigne et c’est en vain que l’on attendra un « quelque remord de sa part ».”

Dans „ Les Beaux Draps ”, Céline tourne en dérision la déroute de l’armée française. Il y dessine un avenir noir pour la France de l’aprÈs guerre, une sorte de communisme oÙ la petite bourgeoisie rÈgne. Il ne s’engage dans aucun parti et provoque souvent les Allemands en leur prédisant une défaite bien que celle-ci lui fasse peur pour son propre avenir. D’ailleurs, Ory Pascal et Jean-François Sirinelli voient en Céline „ un tempérament individualiste ” qui „ refuse d’entrer dans un engrenage d’un engagement officiel ou officieux.” Il y a, cependant les œuvres utilisés par la propagande. Céline est „ un bon exemple en ce cas ”, affirme Ory Pascal.

La publication du pamphlet : „ Les Beaux Draps ” met en évidence des accents xénophobes, antisémites et totalitaires ainsi que la fréquentation des réunions de l’institut d’études des questions juives : „ Céline est un claire exemple de ce type de situation : il publie en 1941 un troisiÈme pamphlet, « Les Beaux Draps », dans la lignée des deux précédentes, eux-mÊmes réédités et parfois augmentés, « Bagatelles pour un massacre » (1937) et « l’École des cadavres » (1939), oÙ le sursaut pacifiste s’était trouvé emporté par une grande vague xénophobe, antisémite et totalitaire, alimentée par les « sources d’information » du Service national (Weltdienst) allemand. Accessoirement, on le voit fréquenter les réunions de l’Institut d’étude des questions juives (IEQJ) ou protester contre l’absence de ses œuvres à la grande exposition antisémite.”

Son séjour en Allemagne à la fin de la guerre est relaté dans „ D’un chateau à l’autre” le premier volet d’une trilogie. Alors que „ Voyage ” évoquait la premiÈre guerre, cette fois-ci c’est la seconde qui sert à Céline de trame historique. De juin 1944 à mars 1945, avec sa femme et leur chat Bébert, ils vivent une aventure hors du commun. Dans ce premier volume, il évoque son séjour à Sigmaringen dont le chateau a abrité le maréchal Pétain en fuite à la fin de la guerre. La petite ville est envahie par les réfugiés de sorte qu’il y a une cohabitation avec la population locale et le gouvernement de Vichy. Céline se sert du vécu dont il a été témoin ; il présente une Allemagne défaite en proie aux bombardements, à l’horreur d’une fin de guerre avec ses atrocités, ses décombres et ses exodes. C’est un monde de peur et de lacheté ou chacun essaie de survivre.

Les trois étapes qui précÈdent son arrivée à Sigmaringen sont relatées dans „ Nord.” À Baden- Baden, dans un palace qui semble hors du temps, il attend l’autorisation de se rendre à Berlin ; dans la capitale du Reich, au milieu des ruines, il tient la chronique de la défaite annoncée. À Zornhof, les habitants portent des noms réels qu’il faudra modifier aprÈs, à la suite d’un procÈs. Céline subit sa situation de réfugié mais se sert de son statut de témoin pour le raconter à sa maniÈre. Il se sert d’événements vécus qu’il amplifie pour leur donner une dimension romanesque.

Le voyage du narrateur de Zornhof à Sigmaringen puis jusqu'à la frontiÈre du Danemark est présenté dans „ Rigodon.” Le mot „ rigodon ” a deux sens : une danse et un „ coup au bout ”, double sens qui met ensemble la danse et la guerre. La traversée d’un pays dévasté est l’occasion de descriptions apocalyptiques. Dans ces deux voyages, il transpose les événements qui ont marqué la fin de la guerre en Allemagne : l’exode des populations et les bombardements qui ponctuent les aventures du héros.

AprÈs avoir achevé „ Rigodon ” le 1er juillet 1961, Céline succombe à une rupture d’anévrisme : „ Je divague, je vais vous perdre, mais c’est l’instinct que je ne sais pas si je finirai jamais ce livre ” écrit Céline quelques pages avant la fin de son dernier roman comme s’il sentait sa mort proche.

2. Le contexte historique et idéologique du „ Voyage ”

1.1 Le pacte avec la politique

„ Le livre français qui compta le plus pour nous cette année, ce fut « Voyage au bout de la nuit » de Céline. Nous en savions par cœur des tas de passages. Son anarchisme nous semblait proche du nôtre. Il s’attaquait à la guerre, au colonialisme, à la médiocrité, aux lieux communs, à la société, dans un style, sur un ton, qui nous enchantaient”, affirme Simone de Beauvoir dans „ La force des choses.” En effet, la parution du „ Voyage ” a lieu dans „ un moment de crise de conscience, d’effervescence de l’idéologie et d’engagement des « intelligentsias », au début de « L’esprit des années 30 »”, comme précisent A-C et J-P Damour. C’est une rupture avec la décennie précédente, car dÈs la fin de 1930, la France connait la crise.

Entre le début de 1929 et la fin de 1930 le budget du pays devient déficitaire et l’empire colonial est atteint par la chute. Sur le plan politique, R. Poincaré, se retrait et cela amÈne le déclin de toute une génération politique. Les successeurs, Tardieu et Laval ne jouissent pas de la mÊme confiance ni du mÊme prestige que leurs prédécesseurs.

Benda Julien parle dans „ La trahison des clercs ” d’une mutation profonde qui a eu lieu à la fin du XIXe siÈcle : les clercs adoptent les passions politiques. Jusqu’à nos jours, affirme Benda Julien, la plupart des clercs ne s’intéressaient pas aux passions politiques, ou bien ils les traitaient d’une maniÈre critique. MÊme quand il s’agissait des passions assumées (Rousseau, Maistre, Chateaubriand, Lamartine, Michelet), on daignait le contingent, ils avaient une vision abstraite et on ne pouvait parler dans ce cas de passion.

Mais, à présent, pour Mommsen, Treitschke, Ostwald, BrunetiÈre, BarrÈs, Maurras, Kipling, la passion change en parti pris. Le besoin d’action, la fuite pour un résultat immédiat, la préoccupation pour atteindre un but proposé, l’excÈs, la haine sont présents à la fin du XIXe siÈcle. Le clerc de nos jours, dit Benda Julien, désire mettre en pratique son esprit de citoyen. Il descend dans l’agora à la place du laїque pour parler à la foule. De plus, il dédaigne celui qui s’isole dans ces activités artistiques pour ne pas prendre part à la vie publique.

Un autre aspect du patriotisme du clerc qu’on retrouve aussi dans „ Voyage ” est la xénophobie. La haine de l’individu envers „ l’homme du dehors ” (l’étranger) le dédain pour tout ce qui „ n’est pas de lui.” Ce sont les Allemagnes qui ont initié l’adhésion du clerc au fanatisme patriotique. Par exemple, Lessing, Schlegel, Görres adoraient tout ce qui était allemand et ils méprisaient tout ce qui ne l’était pas. La France a pris l’exemple de l’Allemagne dans ce cas.

Le patriotisme des clercs exige que la forme d’esprit personnelle soit liée à une autre nationale qui est louée. Depuis une cinquiÈme d’années, les savants expriment, affirme Benda Julien, leur pensée au nom de la science française ou de celle allemande. On remarque le désir tout à fait nouveau des clercs pour que la forme d’esprit d’un artiste porte la signature de la nationalité ou de la race. Si, il y a une décennie les clercs luttaient pour affirmer leur individualité, maintenant on en abdique au nom de la collectivité. La conscience du moi individuel s’approfondit grace à la conscience du moi national.

Ce sont les conditions politiques, internes et externes qui ont imposé à la fin du XIXe siÈcle „ l’attitude réaliste ” aux clercs de la France. Ce qui est trÈs grave, souligne Benda Julien, c’est le fait que le clerc ne regrette pas le „ fanatisme colonial ” ; il ne se rend pas compte que c’est lui qui diminue leur valeur nationale, qui menace leur civilisation. Les réactions des clercs manquent en ce sens. Ils considÈrent que leur entÊtement nationaliste est bénéfique pour leur civilisation, qu’il embellit le monde. Il ne s’agit pas d’un moment néfaste, continue le critique, mais plutôt d’un renversement des repÈres morales de ceux qui instruisent le monde.

Les moralistes non seulement adoptent des passions politiques, mais ils les introduisent dans leurs activités. Elles se mÊlent à la création artistique, à la recherche scientifique ou philosophique. On n’avait jamais vu, soutient Benda Julien tant de travaux qui „ reflÈtent l’intelligence désintéressée, qui soient sous le signe de la politique.”

De plus, ils ont rejeté toute la tradition en acceptant de faire le jeu des laÃques. Si, il y a une douzaine d’années les clercs rejetaient le réel à la faveur de la transcendance, à présent le contingent est vu comme la valeur morale suprÊme de l’existence.

À la fin du XIXe siÈcle, on exalte le particulier et on désapprouve l’universel. De nos jours, affirme Benda Julien, les précurseurs d’Erasmus, de Montaigne et de Voltaire ont considéré l’humanitarisme comme un „ déclin moral ” ou comme un „ déclin intellectuel” parce qu’il implique „ un manque totale du sens pratique.”

En outre, on loue le particulier et on dédaigne le spirituel. À présent, les hommes aiment jouir des avantages matériels mais aussi connaitre les moyens de les obtenir. En échange, les biens spirituels, les valeurs non-pratiques ou désintéressées sont mis à côté.

Il y a une douzaine d’années, la moralité d’un acte se rapportait à son caractÈre désintéressé, le bien représentait une option de la ration humaine, sa volonté était morale seulement si sa loi était en dehors de son objet. À présent, l’acte à l’aide duquel on défend son existence contre un milieu qui le conteste est un acte moral. La moralité d’un acte surgit de son accommodation à un but, de sorte que détenir le pouvoir politique est vu comme une action permise du point de vue de la morale.

1.2 Les principes adoptés par les moralistes

À la fin du XIXe siÈcle les clercs ont mÊme exposé quelques principes : ils conseillaient à l’avantage concret, à l’état d’esprit qui le produit ; ils louaient la vie militaire en méprisant la vie civile et la morale qui en surgit. D’ailleurs, la doctrine qu’on avait répandue il y a un demi-siÈcle en Europe faisait l’apologie de la „ guerre purificatrice.” On mettait l’accent sur la vénération du guerrier, „ archétype de beauté morale ”, sur la violence vue comme „ suprÊme moralité ”, ou bien sur des conflits qui finissaient en duel. Respecter l’entente est „ l’arme des faibles ” et la soif de justice est „ pour les esclaves.”

L’activité pratique est par conséquent idéalisée. Le louange du moraliste moderne ne porte pas envers l’esprit militaire, affirme Benda Julien, mais sur l’instinct de la guerre, en dehors de toute discipline ou sacrifice, comme c’est le cas des „ deux millions de fous héroÃques ” du „ Voyage ” qui se sont embarqués dans „cette croisade apocalyptique.”

La morale est à l’origine allemande et elle représente „ la faillite de la pensée gréco-romaine.” En France, souligne Benda Julien, avant le XIXe siÈcle, il n’y a pas eu aucun moraliste qui glorifie „ les joies de la victoire et de la cruauté.” Ni chez Cicéro, ni chez SénÈque ou chez Tacite, l’instinct de pillage n’est pas vu comme moralité suprÊme. En échange, on remarque l’apologie des instincts guerriers des moralistes. Nietzsche loue dans „ Réflexions sur la violence ” l’existence guerriÈre manquant de finalité politique. Le clerc soutient le fait que la guerre est morale en soi et qu’on peut se disputer en dehors de toute utilité. Ce sont les écritures de BarrÈs qui soutiennent cette thÈse.

Les moralistes français de la vieille génération voyaient la guerre comme „ une triste nécessité ” mÊme quand ils devaient lutter (Vauvenargues, Vigny) ; leurs successeurs parlaient d’une „ noble inutilité ” en dehors du plan pratique. Par conséquent, à présent la guerre a une valeur morale. Il y a une vingtiÈme d’années, on affirmait que le bien ne réside que dans l’ame.

Outre ces principes, les clercs ont émis aussi des théories : l’exaltation du courage, de l’honneur, de la dureté, le dédain face à l’amour des gens, le culte du succÈs, principes qu’on retrouve tout au long du „ Voyage ”. La premiÈre de ces théories se rapporte à la capacité de l’homme d’affronter la mort qui devient une valeur suprÊme pour les clercs. Cette idée est partagée par Nietzsche, Péguy, BarrÈs, mais elle est tout à fait neuve pour les religieux qui considéraient le courage comme une deuxiÈme valeur. Ils étaient les adhérents de la théorie de Platon qui soutenait que les premiÈres vertus étaient la sagesse et la mesure suivies du courage. De nos jours, affirme Benda Julien, s’est produit un renversement de valeurs de sorte que le courage est au premier plan.

L’exaltation de l’honneur signifie, selon Benda Julien, „ la totalité des impulsions de l’homme de courir le risque au nom de sa propre gloire sans aucun intérÊt pratique.” Ces élans ont été toujours glorifiés par ceux qui ont déterminés les clercs à remporter la victoire (par exemple, le respect dont l’institution du duel a beaucoup joui, malgré les sévÈres punitions).

Benda Julien ne déplore pas la prÊche du culte de l’horreur et du courage par les moralistes, mais la prÊche des clercs qui oublient de remplir leur mission : ils ne dissolvent pas l’orgueil, mais ils encouragent ces impulsions. La docilité, le manque du dégoÛt, l’enthousiasme, la joie dont les clercs assument les éloges sont à condamner et pas le fait de les assumer. „ Les clercs sont devenus aussi laÃques que les laÃques ”, souligne le critique.

L’exaltation de la dureté et le dédain face à l’amour des gens : la compassion, l’entente, la générosité ont été aussi soutenus par les clercs et on les retrouve aussi dans „Voyage ”. Ceux-ci ont été des „ moralistes du réalisme ” qui ne se sont pas contentés de rappeler au monde que l’apreté est nécessaire à „ la réalisation.” Par contre, ils ont affirmé „ la moralité de l’apreté et la bassesse de la pitié.” Ce principe constitue la base de l’œuvre de Nietzsche qu’on rencontre dans „ La généalogie de la morale.”

En prÊchant le manque d’humanité, les religieux prétendent partager la doctrine de Spinoza et sa citation célÈbre : „ La pitié est inutile pour une ame raisonnable.” Elle est discréditée ici pas pour le manque d’humanité, mais pour l’humanité raisonnable. En ce sens, les clercs ont parlé mÊme d’un „ romantisme de l’apreté ” ou d’un „ romantisme du mépris.”

De plus, il y a aussi un „ culte pour la cruauté ” qui a été promu d’une maniÈre indirecte au XIXe siÈcle. Nietzsche soutenait que „toute culture supérieure est née de la cruauté ”dans son ouvrage „ Du Sang, de la violence et de la mort.”

Une autre théorie développée par les clercs se rapporte au culte du succÈs ; l’intention qui se concrétise a une valeur morale et l’autre échouée est méprisée. Le moraliste moderne loue le guerrier en défaveur de l’homme de justice. On prÊche le culte de l’activité pratique en ignorant la vie désintéressée. Si, jadis, la philosophie enseignait dire à l’homme : „ Je pense, donc je suis ”, aujourd’hui il lui enseigne dire : „ J’agis, donc je suis ”, „ Je pense, donc je ne suis pas.” L’activité intellectuelle est bonne seulement si elle est pratique, seulement si elle a un but concret. L’intelligence qui manque de but est digne de mépris semble dire le moraliste.

La trahison des clercs, affirme Benda Julien, peut Être résumée comme „ l’attitude de ceux qui, au lieu de tenir serré le réalisme populaire, consciemment et de toute leur force ont incité ce réalisme.”

1.3 La crise économique, sociale et coloniale

Sur le plan économique, on constate la faillite du commerce extérieur par la baisse des prix sur les marchés internationaux, la chute des exportations. Les faillites des banques se multiplient elles aussi. L’industrie dans son ensemble voit sa production chuter.

La crise sociale se manifeste par un taux de chômage élevé. D’une façon générale, la crise atteint particuliÈrement les catégories sociales rencontrées par Bardamu à Rancy : les enfants, les petits rentiers, les employés, les femmes, les victimes. Elle atteint les plus pauvres dans „ Nord ” : „ J’ai mÊme aperçu des confrÈres qui allaient faire leurs visites à pied, c’est tout dire, d’un petit air amusé par la promenade, mais en vérité bien vexés et uniquement pour ne pas sortir leurs autos par économie.”

Entre 1920 et 1930, le centre des grandes villes s’est dépeuplé au profit des agglomérations de la proche banlieue. La transformation est bien surprise par Bardamu lorsqu’il fait la description de Vigny-sur-Seine : „ Vigny-sur-Seine se présente entre deux écluses, entre deux coteaux dépouillés de verdure, c’est un village qui mue dans sa banlieue. Paris va le prendre… Le miracle est en train de s’accomplir. La derniÈre boule de jardin a disparu avec l’arrivée de Laval aux affaires et les femmes de ménage ont augmenté leurs prix de vingt centimes de l’heure pendant les vacances. Le curé dit merde quand on veut et donne des conseilles de Bourse à ceux qui sont bien sages. La Seine a tué ses poissons et s’américanise entre une rangée double de verseurs-tracteurs-pousseurs qui lui forment au ras des rives un terrible ratelier de pourritures et de ferrailles. ”

Outre la crise économique et sociale on assiste, dans les années 30 à une crise coloniale qui n’est pas ressentie à cette époque-là. Le mythe de la puissance de l’empire était alors présent ; c’est de l’empire que viennent les meilleurs soldats ; c’est en ces termes que Bardamu essaie de calmer la colÈre du capitaine Frémizon : …„ ils s’apprÊtent ces braves, ces incomparables braves à reprendre, avec quel courage, la garde sacrée de notre immortel empire colonial ! Poursuivis-je. Là oÙ les plus magnifiques soldats de notre race se sont couverts d’une gloire éternelle.”

La crise touche, par conséquent l’empire colonial. On n’a pas cherché à élever le niveau de vie de la population locale, mais on se contentait d’y avoir une bureaucratie qui protégeait le commerce colonial : „ Dans cette colonie de Bambola-Bragamance, au-dessus de tout le monde, triomphait le Gouverneur. Ses militaires et ses fonctionnaires osaient à peine respirer quand il daignait abaisser ses regards jusqu'à leurs personnes. Bien au-dessus encore de ses notables les commerçants installés semblaient voler et prospérer plus facilement qu’en Europe.”

Céline dénonce le colonialisme lors du voyage de Bardamu en Afrique. Il le qualifie de « mal de la mÊme sorte que la guerre ». Il en condamne donc le principe, l’exploitation sur place des colons, dresse un portait caricatural des occidentaux là-bas.

La crise venant, la jeunesse intellectuelle écrit des articles, des essais oÙ on remet en cause le capitalisme, le responsable de la crise et de la démocratie. On conteste les avantages de la victoire de 1918 et le déclin de la France. Paris est alors le centre d’une activité effervescente que ce soit dans le domaine de la mode ou dans celui des spectacles et de la littérature. Dans ce contexte, la presse joue un rôle important, car elle représente un principal moyen d’information. M.Henrouille retraité ne cache pas sa satisfaction de „s’offrir ” le journal chaque jour.

On lit spécialement les feuilles qui répandent les théories extrémistes et les journaux de „ faits divers.” De plus, on satisfait le goÛt du publique populaire par un spectacle complet, comique avec les chansonniers : Fréhel, Jean Sablon, Maurice Chevalier, Lucienne Boyer, etc.

Le cinéma, trÈs bon marché, il est fréquenté par toutes les clases sociales ; il met en scÈne les soucis des tempes modernes. DÈs 1930, apparait aussi le cinéma parlant et l’enthousiasme des gens accroit. La fÊte foraine représente un autre moyen de divertissement des gens de la banlieue. Le „ Voyage ” témoigne de sa popularité.

Dans une interview avec Charles Chassé, Céline avoue l’importance du cinéma lorsqu’il a écrit son premier roman : „ Je crois que je ne dois rien à aucun écrivain. Ce qui m’a influencé, c’est le cinéma. Le music-hall aussi et puis les journaux, les journaux illustrés principalement. Au fond, mon livre c’est, en bien des endroits, une sorte de reportage comme on en trouve dans les magazines.”

3. Formes littéraires employées dans le roman

1.1 Le récit de voyage et le roman d’aventures

Pour ce qui est de la littérature, le paysage littéraire des années 30 mÊle des formes romanesques héritiÈres du XIX e siÈcle à des ouvrages qui veulent renouveler le roman. Le „ Voyage ” use des formes romanesques de son époque qui servent de modÈles pour l’écrivain.

Le roman de la guerre se développe dÈs 1916. Les récits de souvenirs (Maurice Genevoix „ Sous Verdun ” 1916, les „ Eparges ” 1923), les romans („ Le feu d’Henry Barbusse ” 1916, les deux volumes des „ Hommes de bonne volonté ” de Jules Romains et du côté allemand „ À l’ouest, rien de nouveau ” d’Erich Maria Remarque) ont au centre l’image de l’homme perdu dans un cataclysme dont il est l’artisan. On y retrouve des scÈnes récurrentes d’un ouvrage à l’autre : l’engagement, le baptÊme du feu, l’attaque, la garde de nuit, le combat singulier, la mort des copains, etc.

Il y a aussi des problématiques qui seront développés plus tard : le sentiment d’absurdité, le comportement animal de l’homme en présence de l’absurdité qui débouche sur l’acte gratuit, la présence de quelques valeurs : le courage, la fraternité, le plaisir charnel, l’amitié, comme remarque J-P Damour.

En 1930, lorsqu’il parait le „ Voyage ”, Céline réutilise des schémas narratifs préexistants en usant de la parodie. Les valeurs humanistes comme : la vie, le courage, la fraternité affirmées par les écrivains sont tournées en dérision par le romancier.

Le récit de voyage et le roman d’aventures exotiques sont les formes les plus imitées et les plus parodiées par Céline. De grands écrivains s’y essaient, car, à cette époque-là elles ont connu un essor considérable. L’Afrique et l’Asie ont attiré l’attention des romanciers. Joseph Conrad dans „ Au cœur des ténÈbres ” (1902) avait présenté une vision du Congo, un lieu réel exploité par le colonialisme. André Gide, à son tour, avait dénoncé dans son livre „ Voyage au Congo ” (1927) et le „ Retour du Tahar ” (1928) l’exploitation de l’Afrique noire. Certains éditeurs (Flammarion et Grasset) ont des collections de livres à bon marché qui éditent des romans d’aventures exotiques. En ce sens, „ l’Atlantide ” de Pierre Benoit (1919) peut Être considéré comme un modÈle pour Céline. On y retrouve une véritable mythologie de l’Afrique : cruautés, cannibales, tribus noires, fanatisme de l’Islam, blancs rongés d’alcoolisme et de malaria.

Par l’intermédiaire du „ Voyage ” on désire, affirme André Malraux dans „ La voix royale ” „ trouver sur un sol étranger l’évasion, on veut rompre avec une civilisation qui a prouvé qu’elle ne savait pas éviter la barbarie, on pense échapper à la monotonie d’une vie réglée, domestiquée qui élimine risque et imprévu ; les marginaux et ceux qui sont issus de catégories sociales malmenées par la société moderne et par la crise y voient un moyen de se réaliser, voire de faire fortune.”

Le roman change de perspective maintenant. On ne présente pas la vie sociale telle qu’elle est, mais on illustre les angoisses propres de l’écrivain. C’est la raison pour laquelle le roman proustien est un exemple de style pour Céline : „ Proust, mi-revenant lui-mÊme, s’est perdu avec une extraordinaire ténacité dans l’infinie, la diluante futilité des rites et démarches qui s’entortillent autour des gens du monde, des gens de vide, fantômes de désirs, partouzards indécis.”

En 1938, apparaitra la „ Nausée ” de Jean Paul Sartre et l’œuvre de Kierkegaard est redécouverte ; les romanciers russes, DostoÃevski en particulier ainsi que le roman „ Le loup des Steppes ” d’Hermann Hesse contribuent à la naissance du récit d’introspection philosophique à la premiÈre personne : le roman existentialiste.

Grosso modo, l’époque oÙ apparait le „ Voyage ” se caractérise par la critique des valeurs du positivisme. Le monde parfait rÊvé par la Science du XIXe siÈcle aboutit à la monstruosité comme remarque J-P Damour dans „ Louis-Ferdinand Céline. Voyage au bout de la nuit.”

1.2 La genÈse du roman : œuvres antérieures

Outre ces influences provenant des écrivains étrangers, il y a aussi des œuvres antérieures au „ Voyage ” qui appartiennent cette fois-ci à l’écrivain mÊme. A-C et J-P Damour dressent une liste avec les textes publiés par Céline avant d’écrire le roman. Cette liste contient des notes prises en novembre décembre 1913 qui seront plus tard „ Les Cahiers du cuirassier Destouches ” ; on y retrouve, dit le critique, „le dégoÛt et le sentiment d’absurdité de Céline par rapport au monde militaire.” Il y a puis une nouvelle d’inspiration satirique „ Des Vagues ”, nouvelle qu’il écrit lors de son voyage en Afrique (1918) ; c’est toute une situation vécue qui y est transposée.

Parmi les influences, on compte des œuvres scientifiques, et notamment sa thÈse de doctorat en médecine „ La vie et l’œuvre de Philippe Ignace Semmelweis ” (mai, 1924). L’écrivain confesse que c’est cet ouvrage qui l’a inspiré à écrire le roman. Il semble mÊme avoir un goÛt pour la philosophie lorsqu’il affirme : „ Dans l’Histoire des temps, la vie n’est qu’une ivresse, la vérité c’est la Mort.”

La piÈce de théatre „ L’Église ” représente le point de départ du „ Voyage”. L’action est située en Afrique, aux États-Unis et dans le milieu de la SDN. Elle est une satire des responsables juifs de l’organisation. Aux actes IV et V, Bardamu exerce la médecine à Barbagny, une commune de la banlieue de Paris. Le héros, tout comme dans le „ Voyage ” est vu comme un paria sans aucun idéal qui refuse s’intégrer dans la société et qui est entouré des gens qui lui ressemblent.

Le critique parle aussi des ressemblances entre la piÈce de théatre et le roman : à la mort de Bébert que Bardamu ne peut pas soigner correspond, dans „ l’Église ” la scÈne de l’enfant qu’il ne peut pas mettre au monde. Mais, dans la piÈce de théatre la guerre n’est pas présente. Le langage populaire de la piÈce est utilisé seulement par certains personnages, les gens de la banlieue.

Pour ce qui est de la rédaction du „ Voyage ”, Céline n’a pas fourni aux lecteurs des indications précises sur le moment oÙ il a commencé à écrire. On estime, soutient la critique littéraire que c’est l’année 1929 lorsque l’écrivain habitait Clichy et il était médecin au dispensaire municipal. Il se confronte à cette époque-là aux déceptions littéraires et professionnelles.

Les conditions matérielles le déterminent à écrire ni à heures fixes, ni dans des lieux précis, comme il affirme dans un entretien avec Robert Poulet : „ Une heure par ci, une demi-heure par là, en fin de journée… J’écris comme je peux, oÙ je peux … Pendant toute ma vie j’ai volé des heures à ceux qui m’employaient.”

Le titre du Voyage semble avoir été emprunté à une chanson des Gardes suisses de 1793 : „ Notre vie est un voyage / Dans l’hiver et dans la nuit / Nous cherchons notre passage / Sous le ciel oÙ rien ne luit.”

4. Les sources du roman

1.1 L’expérience personnelle de Céline

Les sources du roman se rapportent à l’expérience personnelle de Céline, aux sources littéraires et aux sources philosophiques. Il y a des ressemblances bien évidentes entre l’itinéraire de l’écrivain et „ le voyage ” de Bardamu : la guerre de 1914-1918, le séjour en Afrique, en Amérique (lorsqu’il avait été chargé de mission auprÈs de la Société des Nations), la pratique de la médecine dans la banlieue de Paris.

Influence de l’expérience médicale de Céline dans le roman se rapporte aux plusieurs points : elle commence en 1918, lors d’une mission de propagande pour la protection contre la tuberculose, maladie qu’il rencontrera principalement lors de sa carriÈre de médecin à Clichy. En 1919, il reprend ses études de médecine pour Être officier de santé, il termine en deux ans et demi, des études censées en prendre quatre. Il effectuera son premier stage en gynécologie et obstétrique qui occupera une place non négligeable dans le roman. En 1923, il fréquent l’Institut Pasteur (Institut Bioduret dans le roman) que Céline qualifie de „ petite cuisine à microbes”, ou encore de „ boites à ordures chaudes.”

Il soutient finalement sa thÈse en 1924 sur Ignace Philippe Semmelweis : „ La vie et l’œuvre de Philippe Ignace Semmelweis.” Céline rencontre le directeur de la section HygiÈne de la Société des nations, à GenÈve. Il fera pour celle-ci des missions en Afrique en 1926, et à Detroit. En 1927, Céline s’installe finalement à Clichy. Il affichera sur sa plaque „ Docteur Louis Destouches, médecine générale, maladies des enfants.” Il écrira également de nombreux réquisitoires pour la Société de Médecine de Paris, tels que „ À propos du service sanitaire des usines Ford ”, ou encore „ La santé publique en France.”

Dans les propos recueillis par Madeleine Léger, Céline confesse qu’il n’est pas doué pour la littérature, qu’il écrit seulement ce qui „ me passait par la tÊte ”, puisque l’expérience médicale de la banlieue compte le plus pour lui : „ Je ne suis pas un écrivain. Je suis tout ce qu’on voudra excepté un écrivain. Je n’ai pas la prétention d’apporter un message. Non, non et NON. Je vous assure que je ne suis pas dans le coup, dans aucun coup. Je n’ai eu aucune influence sur la généalogique de la « Drôle de guerre.» J’ai inventé un style, c’est tout ce qu’on peut me reprocher…Je suis un technicien, un styliste, un point c’est tout… Au diable mes livres et mes tirages. Il m’est arrivé d’écrire ce qui me passait par la tÊte, mais je ne veux Être qu’un simple médecin de banlieue.” De mÊme, dans une interview avec André Brissaud, le romancier avoue n’avoir pas de vocation littéraire, puisque „ ma seule vocation c’est la médecine ” : „ Je ne relis jamais mes livres, ils ne m’intéressent pas. De mÊme, je ne lis pas les articles qu’on écrit sur moi ou sur mes livres. J’ai un don pour la littérature, mais pas de vocation pour elle. Ma seule vocation c’est la médecine, pas la littérature.”

Lors des „ Entretiens avec le professeur Y ”, le narrateur raconte que la naissance de son écriture a eu lieu à la suite d’une „ révélation ” comparable à celle de Pascal qui, écrit Céline, „ne voyait plus qu’un gouffre ! ” Chez Céline l’abime ne relÈve pas l’au-delà, mais l’autre-là. Philippe Bonnefis parle en ce sens : „ il y a deux outres en français, l’outre qui vient d’ultra (et qui veut dire au-delà en latin), l’outre qui vient d’uter (et qui veut dire ventre en grec). Le bout de la nuit se situe donc du seuil de « l’outre–là», dans un lieu intemporel.”

D’autres ont nommé ce voyage en „ outre-là ”, un voyage vers „ l’inconnu ”, vers „ ailleurs ”ou vers „ l’inconscient.” Freud qui a exploré ces sombres contrées, est un „ inspirateur ” selon les mots de Céline de cette recherche orphique. En effet, la poétique du docteur Destouches garde quelques traces de l’influence de la psychanalyse qui s’appelait aussi „ traitement cathartique ” ; le but de l’écriture est de retrouver l’émotion originelle. („ Au commencement c’était l’émotion”) et de faire passer celle-ci dans l’écriture.

Le gouffre du métro des „ Entretiens ” constitue la matiÈre de l’œuvre. À la source de l’écriture, il y a donc „ un effroi ”, un sentiment du gouffre et de ce gouffre émotif sort le „ métro style” affirme David Décarie dans „ Métaphorai. Poétique des genres et des figures chez Céline. ”

1.2 Les sources littéraires et philosophiques

Outre ces sources provenant de l’expérience personnelle de Céline, il y a aussi des sources littéraires et philosophiques. Tout au long de son œuvre, on découvre des traces de ces lectures, mais il s’oppose à ses modÈles, il ne les imite pas. Céline a mÊme dressé une liste de ses „ sources ” qui seront pour lui des points de départ : H. Barbusse, E. Dabit, P. Morand, L. Daudet et Ramuz.

Les sources philosophiques sont représentées par des théories de la psychanalyse reconnues par l’auteur lui-mÊme. Il s’agit de „ Don Juan et son double ” d’Otto Rank et „ l’Avenir d’une illusion ” de S. Freud. La psychanalyse de Freud voit la mort comme un retour à un état antérieur à la vie : „ la fin vers laquelle tend toute vie est la mort.”

De plus, dans les „ Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort ”, Freud analyse les conséquences sur l’inconscient de la guerre que le monde vit : „ Nous supprimons personnellement et à toute heure du jour tous ceux qui nous ont offensés ou lésés… À en juger par nos désirs, nos souhaits inconscients, nous ne sommes qu’une bande d’assassins. TrÈs souvent, Céline a pris les considérations au pied de la lettre : « Envie chez l’homme latente de tuer et d’Être tué.»”

Dans le „ Mémoire pour le cours des hautes études ” (1932), Freud prouve que la „ grande majorité des malades aiment leurs maladies”, idée récurrente dans les romans de Céline. De plus, le thÈme du Double présent dans la mythologie et la littérature rapporté aux héros Bardamu et Robinson est lui aussi emprunté d’Otto Rank.

5. La vision du monde de Céline

1.1 La psychose guerriÈre de son temps

Lors d`un discours public, le seul de sa carriÈre littéraire à Médan, en 1933, Louis Ferdinand-Céline rend un hommage à Zola. En définissant l`oeuvre de l`écrivain naturaliste, il dépeigne l`époque oÙ elle fut écrite et cela l`amÈne à parler de la société oÙ il vit, de la   „ psychose guerriÈre ” et du „ fanatisme absolu ” des individus :

„ Nôtre civilisation semble bien coincée dans une incurable psychose guerriÈre. Nous ne vivons plus que pour ce genre de redites destructrices. Quand nous observons de quels préjugés rancis, de quelles fariboles pourries peut se repaitre le fanatisme absolu de millions d`individus prétendus évolués, instruits dans les meilleures écoles d`Europe, nous sommes autorisés, certes, à nous demander si l`instinct de mort chez l`Homme, dans ces sociétés, ne domine pas déjà définitivement l`instinct de vie. Allemands, Français, Chinois, Valaques… Dictatures ou pas! Rien que des prétextes à jouer à la mort.”

Il parle mÊme d`un „ sadisme ” de son temps qui surgit, semble-t-il, d`un désir effréné, inconnu de l`homme pour jouer à sa propre mort et non pas d`un but de conquÊte : „ Mais le goÛt des guerres et des massacres ne saurait avoir pour origine essentielle l`appétit de conquÊte, de pouvoir et de bénéfices des classes dirigeantes. On a tout dit, exposé, dans ce dossier, sans dégoÛter personne. Le sadisme unanime actuel procÈde, avant tout d`un désir de néant profondément installé dans l`Homme et surtout dans la masse des hommes, une sorte d`impatience amoureuse, à peu prÈs irrésistible, unanime, pour la mort.”

La mort est vue comme une forme suicidaire, l`instinct de l`individu est propre à sa structure organique et il ne peut pas s`échapper à la mort : „ Dans le jeu de l`Homme, l`instinct de mort, l`instinct silencieux est décidément bien placé, peut-Être à côté de l`égoÃsme. Il tient la place du zéro dans la roulette. Le Casino gagne toujours. La mort aussi. La loi des grands nombres travaille pour elle. C’est une loi sans défaut. Il faudrait Être doué d`une maniÈre bien bizarre pour parler d`autre chose que de mort en des temps oÙ sur terre, sur les eaux, dans les airs, au présent, dans l`avenir, il n`est question que de cela.”

Pour que le monde devient meilleur, il faudrait qu`on chasse la méchanceté des gens, il faudrait que l`instinct de destruction disparaisse. Autrement, affirme Céline dans son discours, il ne nous reste qu`attendre la fin : „ Quand nous serons devenus moraux tout à fait au sens oÙ nos civilisations l`entendent et le désirent et bientôt l`exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l` instinct de destruction. C`est lui qu`on cultive dÈs l`école et qu`on entretient tout au long de ce qu`on intitule encore: la vie. Neuf lignes de crimes, une d`ennui. Nous périrons tous en choeur, avec plaisir en somme, dans un monde que nous aurons mis cinquante siÈcles à barbeler de contraintes et d`angoisses.”

Sa vision sur le monde est restée la mÊme, la société étant toujours „ un monde pourri” qui ne l`intéressait pas, comme remarque Jacques Darribehaude lors d`une rencontre peu avant sa mort en 1962 : „ AprÈs un demi-siÈcle, son horreur de la société et des conditions d`exploitation de la Belle Époque, restait intacte, mais il s`y mÊlait un respect profond pour la laborieuse honnÊteté, la modestie patiente, humble et discrÈte, des petites gens d`alors, et que sa mÈre représentait parfaitement à ses yeux. Il ne prétendait pas que le monde à venir serait meilleur ou pire, simplement ce monde-là ne le concernait plus, ne l`intéressait plus. À la fin de sa vie, assez curieusement, il rendait hommage à Proust, bien loin de lui sans doute, mais fossoyeur génial, tout comme lui, d`un monde pourri.”

Dans une lettre à Hindous renvoyée à Copenhague‚ le 2 septembre 1947, Céline explique son rejet de ce monde‚ la cause pour laquelle il en prend distance : „ Votre analyse de voyage me semble excellente. Ce qui me fait enrager voyez-vous c`est l`insensibilité des hommes - la maladie du monde c`est l`insensibilité - Pour sortir de cette hantise je m`y prends comme je peux - PriÈre de brutes, sermons de brutes…La tripe mÈne le monde - Là ou moins Rabelais est net…”

1.2 La mort comme sentiment tragique de la vie

La mort semble Être un thÈme récurent dans l`univers célinien soit dans la guerre, soit dans les assassinats comme remarque Michel Beaujour dans son essai, „ La quÊte du délire ” : „ Dans l`œuvre de Céline, chacun poursuit la mort des autres. Parfois en gros, comme c`est l`habitude à la guerre, plus souvent en détail, par l`assassinat direct et indirect. Faire mourir, laissez mourir : la méchanceté, la cupidité, la bÊtise ajoutent leurs effets à ceux de la physiologie. Céline nous montre un monde sans autre projet cohérent que la mort. Un monde oÙ le médecin Destouches n`est pas à l`aise.”

Partout, dans le „ Voyage ” il y a des tableaux de guerre suivis de l`agression des individus qui se manifeste surtout contre Bardamu : „ Le Voyage commence lui aussi, sur les champs de bataille oÙ la folie nourrit la guerre, et finit dans un asile d’aliénés. Nous n’y trouvons nulle part un tableau des douceurs de la paix. Toute la vie est ratée. Le quotidien aussi bien que l’insolite ; et pour l’ame sensible qu’est le héros Bardamu, la guerre n’est qu’un prélude à l’agression permanente des hommes et du monde contre lui, condamné à mort.”

Bardamu ne peut pas échapper à la mort de sorte qu’il devient complice d’elle, en l’acceptant et en se soumettant à ses lois, comme affirme Michel Beaujour :  ﴿ Céline est saisi par le vertige du temps et de la mort. Incapable d’échapper à sa condition d’homme soumis à la mort, il se fait son serviteur. Mais refusant d’avouer une complicité qui lui fait horreur, il la projette sur le monde. Complice honteux, il lui faut affirmer la complicité de l’univers matériel et humain avec la mort, tandis qu’il fuit toujours dans un délire qui lui donne le change et le justifie à ses propres yeux.”

L’accent du „ Voyage au bout de la nuit ” se met sur „ la mort à venir ” comme remarque Henri Godard, une mort autour de laquelle l’univers imaginaire du roman se constitue : „ L’univers de Voyage au bout de la nuit est de ceux qui sont tout entiers unifiés par l’imaginaire. Un principe organisateur y donne sens aux réactions d’attirance ou de répulsion que suscitent en chacun les différents aspects du monde sensible. Un sens exceptionnel de la mort à venir, qui la rend à tout instant d’ores et déjà présente, se projette sur le monde et l’ordonne en se traduisant en termes de matiÈre et de forme, d’inertie et de mouvement, d’autres oppositions encore qui font série avec celles-ci. Je porte l’invention de l’histoire en donnant leur loi interne aux mouvements qui la composent.”

C’est un sentiment tragique de la vie, „ une interrogation angoissée sur la vie et sur l’homme ”, qui fait que le roman s’approche de l’expérience ordinaire des gens et qu’il soit apprécié par le public :

„ La résultante ultime du jeu de ces forces qui régissent représentation et invention est un sentiment tragique de la vie, ici et là condensé en formules. Ce sentiment n’est pas neuf en lui-mÊme, mais il se renouvelle ici de tout ce que le XX-e siÈcle lui a apporté par son histoire et par les conceptions qui lui sont propres. Pourtant, malgré les formules sans réplique dans lesquelles il s’exprime, il est moins, ici comme ailleurs, une affirmation qu’une interrogation angoissée sur la vie et sur l’homme. C’est à cela qu’il doit son pouvoir sur le lecteur, car cette interrogation est en puissance celle de tous, mÊme si tous ne lui accordent pas la mÊme place dans leur vie. Elle ancre le roman qui lui donne forme au plus profond de l’expérience commune.”

1.3 Le patriotisme de Céline versus celui de Ferdinand

La guerre franco-allemande avec toutes ses atrocités représente pour Céline une expérience décisive qu’il connait en qualité de cuirassier pour quatre mois et qui laissera des traces pour toujours :

„ De toutes les horreurs qui le composent, la plus atroce, la plus significative, celle qui par la suite sera l’étalon des autres et révélera leur sens, c’est la guerre. Le 2 aoÛt 1914, des millions de Français et d’Allemands sont partis allÈgrement, chacun de leur côté, pour se tirer les uns sur les autres et s’exposer aux balles les uns des autres. Céline, qui faisait partie de la masse en qualité de cuirassier engagé deux ans plus tôt, n’en aura jamais fini de s’étonner de cette entrée en guerre et de méditer sur ce qu’il aura vu au front. Il n’y aura passé que quatre mois, ceux de la guerre de mouvement, avant d’en Être sauvé par des blessures. Mais, jusqu'à sa mort, cette expérience restera pour lui l’ultime référence.”

Dans la genÈse du Voyage, Céline se décide de faire son livre avec un tableau de guerre et de faire en mÊme temps un récit à la premiÈre personne, comme affirme Henri Godard : „ Avant d’écrire son roman, Céline avait d’abord raconté sous forme d’une piÈce de théatre intitulée l’Église les aventures de Bardamu en Afrique, à New York, ailleurs encore, et pour finir dans la banlieue parisienne. Dans la genÈse de Voyage, le moment décisif est celui oÙ il a l’intuition de ce que pourrait Être la mÊme histoire, si d’une part il en faisait un récit à la premiÈre personne, et si d’autre part il la faisait commencer avec ce qui pour lui a en effet été le début de tout: la guerre.”

Le patriotisme de Céline, la guerre oÙ il s’engage avec courage et fierté le distingue de son personnage Bardamu qui est son opposé comme remarque Marcel Aimé :

„ Cet homme, qui avait mieux que personne mesuré l’horreur, la stupidité de la guerre et le danger permanent que constituent les nationalismes surchauffés, gardait en lui, vivace et susceptible, un patriotisme d’image d’Épinal, celui que lui avait inculqué l’école communale et qu’entretenait à la maison la lecture des grands quotidiens. Cette guerre mondiale qu’il jugeait aberrante, haÃssable, il était fier de l’avoir faite avec bravoure et distinction et il n’avait jamais cessé non plus d’Être fier des graves blessures reçues au service de son pays. Que nous voilà loin de Bardamu!”

De ce point de vue, l’engagement de Bardamu dans la premiÈre guerre mondiale semble Être paradoxale : le refus des horreurs du massacre du début contraste avec l’enthousiasme de l’engagement comme remarque Henri Godard : „ Lui qui vient de dénoncer le bourrage de crane patriotique, une impulsion incontrôlable lui fait emboiter le pas à un régiment de cavalerie. Tout ce qui viendra ensuite prendra son relief sur le fond de ce mouvement originel : la scÈne du colonel qui s’expose au milieu de la route, la distribution de la viande dans un pré, les errances dans la nuit à la lueur des villages qui brÛlent, les inoubliables figures du général des Entrayes, du commandant Pinçon et d’autres.

Céline n’a jamais compris l’enthousiasme des millions de gens qui sont entrés dans la guerre en aoÛt 1914 pour se sacrifier leurs vies. Il les a condamnés pour leur décision ainsi qu’il a condamné le gouvernement français pour avoir promu le patriotisme : „ Céline a été à ce point traumatisé par l’enthousiasme avec lequel des millions d’hommes destinés à y mourir sont entrés dans la guerre en aoÛt 1914, que l’événement est devenu pour lui la pierre de touche de tout jugement. L’aptitude à lire et l’instruction peuvent contribuer à faire accepter la guerre : cela suffit pour qu’il les condamne.”

Une fois arrivé sur le front, Bardamu se confronte avec la menace que représente pour lui la guerre, une épée de DamoclÈs suspendue au-dessous de sa tÊte de laquelle il ne peut pas échapper : „ Mais, aux images de mort que pouvait avoir un garçon de vingt ans et aux constructions mentales qui avaient pu s’élaborer autour d’elles, la guerre superposait la menace à tout instant, pour soi, d’une mort immédiate, brutale et sanglante, et la vision quotidienne de corps semblables au sien dans lesquels cette mort était chose faite ou en train de se faire.”

Les tableaux de la guerre : le chevalier décapité et la boucherie du régiment représentent des „ paradigmes de la mort ” selon Henri Godard qui considÈre la guerre comme „ une expérience matricielle dont Céline est sorti définitivement marqué ”.

La médecine ne fait que rapprocher l’écrivain de la mort et pas de soulager la souffrance. En effet, la médecine lui a beaucoup servi pour voire le vie telle qu’elle est, pleine de misÈre et de souffrance, comme affirme Céline lui-mÊme dans une interview à Jacques Darribehaude : „ Ah, oui, ah, oui. J’ai passé trente-cinq ans, alors, ça compte tout de mÊme un peu…J’ai beaucoup cavalé, dans ma jeunesse…on montait beaucoup les étages, on voyait beaucoup de gens…oui, ça oui…mais ça m’a aidé beaucoup, en toutes choses…ça, je dois dire que…beaucoup de choses…oui, ça énormément, ça m’a servi beaucoup.”



Politica de confidentialitate | Termeni si conditii de utilizare



DISTRIBUIE DOCUMENTUL

Comentarii


Vizualizari: 1033
Importanta: rank

Comenteaza documentul:

Te rugam sa te autentifici sau sa iti faci cont pentru a putea comenta

Creaza cont nou

Termeni si conditii de utilizare | Contact
© SCRIGROUP 2024 . All rights reserved