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Le conte merveilleux
Le conte de fées est apparu dans les programmes de l’enseignement secondaire à la faveur de deux facteurs survenus à la fin des années soixante : le développement de l’analyse structurale du récit révélé en France par T. Todorov, qui y introduit les formalistes russes et, en particulier V. Propp. Ces théories reprises par des Français comme Greimas, Brémond ou Genette vont connaitre un grand succÈs dans l’enseignement.
À peu prÈs à la mÊme époque, l’analyse littéraire accorde une part grandissante aux approches liées aux sciences humaines et, en particulier, l’ethnologie et la psychanalyse.
En Belgique, ce sont les programmes de l’enseignement rénové, au début des années 70 qui vont, les premiers, intégrer ces notions nouvelles. Le conte merveilleux, le fantastique et le policier seront les genres les plus sollicités pour ces approches auxquelles ils se prÊtent bien.
Il n’est sans doute pas inutile de faire ici quelques rappels qui pourront guider le professeur dans son approche du conte en classe. Certains de ces éléments pourront Être fournis aux élÈves ; d’autres seront à découvrir dans un corpus de textes divers que le professeur pourra leur demander d’observer.
À partir d’un corpus de contes populaires russes, Vladimir Propp isole 7 types de personnages et trente et une fonctions qui permettent de découper le conte en grandes étapes successives et immuables.
C’est à partir des travaux de Propp (Morphologie du conte), que les structuralistes mettent en place le schéma actantiel et le schéma narratif qui se révéleront aussi convenir pour toutes les formes de narration.
Aujourd’hui, le discours narratif est replacé dans un contexte de communication qui prend aussi en considération l’intention de l’auteur, le rôle du contexte, les interprétations possibles du lecteur.
o Objets magiques : miroir parlant, bottes de sept lieues…
o Formules ritualisées : « sésame ouvre-toi », « tire la bobinette et la chevillette cherra »…
o Dons : cracher des perles ou des serpents
o Ruses : feindre d’Être mort
o Épreuves : trier des lentilles
Le mÊme motif n’a pas nécessairement le mÊme sens et des motifs différents peuvent avoir les mÊmes effets.
Les plus importantes : l’éloignement des
parents qui permet la rencontre de l’agresseur, le méfait ou le manque, la
tache difficile ou le combat, la réparation du manque ou du méfait, la
récompense finale.
Voir la liste complÈte des fonctions de Propp : https://www.barbery.net/psy/fiches/propp.htm
Pour Propp 7 personnages avec, chacun, leur sphÈre d’action peuvent intervenir :
o Le Héros (sujet de la quÊte)
o L’Objet de la quÊte (princesse, trésor)
o Le Mandateur (envoie le Héros accomplir la quÊte)
o Le Donateur (aide le Héros de façon souvent surnaturelle)
o L’Auxiliaire (offert par le Donateur, un objet magique)
o L’Agresseur (veut supprimer le Héros)
o Le Faux Héros (échoue dans sa quÊte parallÈle mais essaie d’obtenir la récompense).
Il peut arriver qu’un personnage cumule deux rôles.
Greimas a repris l’idée dans ses six actants : Sujet – objet – destinateur – destinataire – adjuvant – opposant.
Par ailleurs, on notera que les personnages
o appartiennent à une société figée et y occupent une place qui les définit: le roi, le prince
o sont nommés par un surnom caractéristique: Poucet, Blanche-Neige
o peuvent Être des créatures surnaturelles: fées, ogres, animaux qui parlent
o disposent d'objets magiques: baguettes, bottes de sept lieues
o passé indéfini ('Il était une fois')
o cadre spatial imprécis mais certains éléments se retrouvent de maniÈre systématique (chateau, forÊt). Le décor est naÃf, les éléments surnaturels et féeriques y sont considérés comme normaux (c'est une différence fondamentale avec le fantastique).
Pour simplifier les fonctions de Propp, on considÈre généralement que le héros doit accomplir 3 épreuves:
o l'épreuve qualifiante qui lui permet de manifester qu'il est le vrai héros, tandis que le faux héros se disqualifie, c'est à l'issue de cette épreuve qu'il reçoit une aide (par exemple un objet magique),
o l'épreuve principale (la quÊte qui lui a été assignée par le destinateur),
o l'épreuve glorifiante au cours de laquelle il pourra prouver qu'il est bien le triomphateur de l'épreuve principale.
Bremond regroupe les fonctions en séquences narratives caractérisées par une unité d’action : problÈme à résoudre – passage à l’acte – succÈs ou échec, qui permettent de passer d’une situation initiale problématique à une situation finale améliorée ; le mérite entrainant la récompense, le démérite la punition.
Dundes, de son côté, organise les fonctions de Propp par paires en en réduisant le nombre : mise en parallÈle de la situation initiale (méfait/manque) et de la situation finale (suppression du manque) permise par 3 couples : interdiction/transgression – tache à accomplir / tache accomplie – manœuvre de tromperie / victime dupée.
Denise Paulme s’est penchée sur la structure des contes africains ; elle propose une typologie basée sur la structure des contes ; voici les principaux exemples :
o Type ascendant : la situation du héros s’améliore aprÈs une série d’épreuves qu’il affronte avec succÈs (Le Petit Poucet).
o Type descendant : le conte finit plus mal qu’il n’a commencé (histoires de trompeur trompé, Le petit Chaperon rouge).
o Type cyclique : renversement de situation : le héros réussit les épreuves et sa situation s’améliore, le faux-héros échoue et sa situation se dégrade (Roman de Renart).
o Type en sablier : les parcours du héros et du faux-héros s’entrecroisent (Les Fées).
Pierre Slama, dans un article paru dans la NRP de février 1989, propose un classement des contes selon leur structure : cette structure est basée sur des variantes dans:
o la situation initiale (qui est par définition négative et problématique):
· soit le héros (ou ses parents) commet une faute, c'est-à-dire la transgression d'un interdit initial et il y a punition, c'est-à-dire mort symbolique (ex.: La Belle au bois dormant),
· soit il n'y a pas de faute mais une situation problématique subie par le héros (ex.: Peau d'ane),
o l'aventure:
· soit un sauveur intervient pour délivrer le héros (ex.: La Belle au bois dormant),
· soit il s'agit d'une quÊte (ex.: Peau d'ane),
o la situation finale est généralement le mariage royal sauf quand l'age du héros ne le permet pas (Le Petit Poucet) ou qu'il s'agit de personnages particuliers (Les trois petits cochons), ou encore que la fin est tragique (Le Petit Chaperon rouge).
En fonction de ce qui précÈde, l’auteur propose donc les structures suivantes:
o 1Ère structure : 'Faute + sauveur' (ex.: La Belle au bois dormant): il s'agit de la reprise du concept biblique du péché originel qui entraine la punition et le salut grace à l'intervention d'un sauveur. S'ajoute à cela, l'idée que la mort n'est pas une fin.
o 2e structure: 'QuÊte': l'accent est mis sur les mérites personnels du héros; on distinguera 4 formes de quÊte:
·
la quÊte initiatique (ex.: Le Petit Poucet)
De nombreuses civilisations proposent des rites de passage pubertaires; il
s'agit pour l'adolescent d'abandonner le monde de l'enfance,
c'est-à-dire de connaitre une mort symbolique, pour renaitre en tant
qu'adulte, c'est-à-dire apte au mariage. Il est fréquent, dans les
sociétés primitives que les adolescents soient, durant cette phase
d'initiation, isolés dans la 'maison des hommes', c'est-à-dire
un lieu qui échappe aux lois communes de la communauté, d'oÙ ils
reviendront quand ils seront capables de subvenir aux besoins d'une famille (le
plus souvent, tuer un animal pour se nourrir).
Ce passage est fréquemment symbolisé, dans les contes, par une grotte, une
caverne oÙ le héros trouvera refuge (on se souviendra aussi de l'épisode
de la grotte dans Le Parfum de P. Süsskind) ou bien il y affrontera des dangers
(brigands, ogre),
·
la quÊte héroÃque
C'est l'archétype de certains exploits mythologiques (Thésée), du western, du
'space opera'. Le héros appartient à la classe dominante (fils
de roi ou de seigneur), il va accomplir des épreuves, qui sont des duels
à l'épée contre des égaux ou des personnages magiques, monstrueux Son
but est de mériter la princesse, c'est-à-dire de devenir roi selon le
mode archaÃque de transmission du pouvoir. Son opposant est le vieux roi
qui ne veut pas abandonner le trône.
On y voit aussi l'illustration moralisatrice de la lutte du bien contre le mal.
·
la quÊte populaire (ex.: Le chat botté)
Le héros appartient à la classe des dominés; si ses objectifs sont les
mÊmes que ceux du héros de la quÊte héroÃque, son arme est la
ruse. Sa filiation sera le personnage de Renard dans le Roman de Renart, les
fables de La Fontaine ou encore le Panurge de Rabelais.
·
la quÊte féminine (ex.: Cendrillon)
C'est le modÈle des histoires d'amour. L'héroÃne est dominée
(parfois une cadette) et est douée de toutes les 'vertus féminines'
traditionnelles (bonté, beauté, modestie, vertus ménagÈres, abnégation,
obéissance). Son but est de faire un beau mariage; pour y parvenir, elle
affrontera des épreuves qui consisteront à résister aux tentations.
o
3e structure: 'Faute + quÊte' :
(ex.: La Belle et la BÊte)
Il s'agit d'un rachat dont l'origine est tardive, puisque c'est le discours de
l'Église aux XIe et XIIe siÈcles, inspiré par les théories
néo-platoniciennes.
L’étude des contes débute avec les folkloristes du XIXe siÈcle qui décrivent, collectent, classent les contes populaires, les croyances, chansons … Les plus connus d’entre eux sont les frÈres Grimm.
Au début du XXe siÈcle, l’école finnoise puis les autres pays vont travailler à retrouver les variantes à partir d’un mÊme conte type de départ. On pourra ainsi constituer des catalogues.
Dans la deuxiÈme moitié du XIXe siÈcle, des théoriciens vont se préoccuper d’interpréter les contes, de les mettre en relation avec des mythologies, de dégager des motifs universels…
Aujourd’hui, les ethnologues essaient de mettre en évidence les évolutions derriÈre les contenus apparemment universels et intemporels ; pour eux, le conte « s’inscrit dans un processus permanent de (re)création collective qui prend en compte le conteur, l’auditeur, les conditions d’écoute ». Ils rejoignent ainsi les évolutions de la narratologie. On ne les enferme plus désormais dans une fonction unique (ludique, initiatique, pédagogique, psychologique).
Plusieurs psychanalystes ont consacré des études au conte ; c’est le cas de Freud lui-mÊme mais aussi de Jung, par exemple ; ce sont toutefois les travaux de Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées) qui sont les plus connus. Dans cette approche, les contes sont supposés exprimer les conflits de la petite enfance sous forme détournée, en mettant en scÈne des personnages (animaux, enfants, jeunes gens) auxquels les enfants peuvent facilement s’identifier. Pour devenir adultes, ils doivent traverser des épreuves et se libérer de l’emprise des parents ; pour Bettelheim, le conte a une fonction initiatique et existentielle : il permet aux enfants d’assumer les épreuves psychiques et de construire leur personnalité.
Depuis les années 90, des approches cognitives prennent en considération les stratégies mentales sollicitées par le récit. La forme des contes serait en concordance avec une tendance naturelle de l’esprit humain à aborder la réalité sous forme de séquences d’événements. Les violations des rÈgles habituelles des comportements seraient des moyens de mémorisation.
Au cours de cette premiÈre activité, nous allons confronter les élÈves à la notion mÊme de conte merveilleux.
La tache finale consistera, pour eux, à rédiger une synthÈse sur le conte merveilleux ; synthÈse qui répondra aux questions classiques (définition – caractéristiques – histoire – raisons du succÈs), dans l’ordre le plus pertinent aux yeux de l’élÈve, qui sera capable de justifier son choix.
Barbe-Bleue ou le secret du conte
Remontons à une source précise, ponctuelle, trÈs particuliÈre, mais somme toute indiscutable : Charles Perrault, et l'un de ses chefs-d’œuvre, la Barbe Bleue.
Dans la préface de son recueil, Perrault amorce des distinctions tout à fait fondamentales à l'intérieur du genre littéraire des histoires courtes. Il évoque d'abord les fables grecques et latines pour discuter la valeur plus ou moins édifiante de leur « morale ». Puis il fait une place à part aux « nouvelles », c'est-à-dire aux récits de choses qui peuvent Être arrivées, et qui n'ont rien qui « blesse absolument la vraisemblance ». Parmi les récits de son recueil, Grisélidis est ainsi, selon lui, non un conte, mais une nouvelle. Plus loin, il aborde « les contes que nos aÃeux ont inventés pour leurs enfants », soulignant par là l'origine populaire du conte. Ces contes, nous dit-il, contiennent « des instructions cachées Ce sont des semences qu'on jette, qui ne produisent d'abord que des mouvements de joie et de tristesse, mais dont il ne manque pas d'éclore des bonnes inclinations ».
Nous voici donc placé en face de trois types d'histoires courtes : le conte et son « instruction cachée », la nouvelle qui se recommande par sa vraisemblance, et la fable avec sa morale. On peut dire que trois siÈcles de littérature européenne n'ont fait que confirmer, en la radicalisant, l'analyse de Perrault.
Considérons d'abord la nouvelle. Son critÈre — sa fidélité au réel — s'accorde avec la connotation journalistique du mot. Les « nouvelles », cela se lit dans la presse du jour, de préférence sous la rubrique des faits divers. L'auteur de nouvelles — Maupassant, Tchekhov, Sartre — se réclame d'un strict et gris réalisme. Il veut coller à la vérité, et nous en donner une vision dont la tristesse, le désenchantement et la cruauté lui paraissent des gages de fidélité. De son lecteur, il attend cette exclamation : « Tout cela est bien déprimant et bien laid, mais comme c'est vrai ! » En dehors de cette constatation morose, la nouvelle se veut dépourvue de toute signification, moralité ou autre message plus ou moins idéal ou idéologique. Son horizontalité austÈre exclut tout au-delà, toute transcendance.
Tout opposée est la fable. Ici la « moralité » est manifeste, souvent mÊme formulée noir sur blanc. On songe évidemment à La Fontaine : « On a souvent besoin d'un plus petit que soi » — « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute ». L'apologue qui suit ou qui précÈde est étroitement solidaire de cette morale qu'il illustre. La querelle que Rousseau a cherchée à La Fontaine est fort instructive. II l'accuse tout simplement de pervertir la jeunesse en lui enseignant non la morale, nais l'immoralité. Par exemple, la fable le Corbeau et le Renard met en présence un imbécile et un fourbe. Elle nous montre comment le fourbe gruge et ridiculise l'imbécile. Ce sera donc tout naturellement au fourbe que l'enfant voudra ressembler, parce que des deux, c'est celui qui a le rôle le plus prestigieux et le plus avantageux. On peut imaginer une premiÈre réponse de La Fontaine : « Je n'enseigne pas, je constate. Ce n'est pas ma faute si la réalité est triste. » Or cette phrase ne peut Être celle d'un fabuliste, c'est celle d'un auteur de nouvelles. Car si un auteur de nouvelles peut revendiquer à juste titre une attitude de neutralité lucide face à un fait divers affligeant, un auteur de fable se doit de tirer une « morale de son apologue », et ne peut, lui, s'enfermer dans un simple rôle de témoin. On ne peut fabuler sans enseigner. Il faut donc prÊter un autre argument de défense à La Fontaine : « Mes fables n'enseignent pas la morale, mais la sagesse. Or si la morale est un ensemble de préceptes purs et limpides — mais qui demeurent abstraits et comme loin de la vie —, la sagesse intimement associée à la vie de tous les jours est un trÈs impur mélange d'intelligence, de ruse, d'expérience ancienne, de courage lucide et de calculs à court terme, bref un compromis entre l'ame et la dure réalité. » Ce discours, La Fontaine n'aurait pu le tenir, il est vrai, parce que, né un siÈcle avant Kant, il ne connaissait que la sagesse et ne pouvait soupçonner la rigueur diamantine de l'impératif catégorique et Rousseau ne l'aurait pas accepté, parce qu'il fut au contraire le pÈre spirituel de Kant, et contribua comme personne à disqualifier l'antique sagesse encore florissante avec Spinoza.
A mi-chemin de l'opacité brutale de la nouvelle et de la transparence cristalline de la fable, le conte — d'origine à la fois orientale et populaire — se présente comme un milieu translucide, mais non transparent, comme une épaisseur glauque dans laquelle le lecteur voit se dessiner des figures qu'il ne parvient jamais à saisir tout à fait. Ce n'est pas un hasard si le conte fantastique du XIXe siÈcle fait intervenir des fantômes avec prédilection. Le fantôme personnifie assez bien en effet la philosophie du conte, noyée dans la masse de l'affabulation et donc indéchiffrable. Le conte est une nouvelle hantée. Hantée par une signification fantomatique qui nous touche, nous enrichit, mais ne nous éclaire pas, exactement ce que voulait dire Perrault avec ses « semences » ne produisant dans l'immédiat que « des mouvements de joie et de tristesse ». Or le mécanisme mÊme de ces mouvements de joie et de tristesse nous intéresse, et nous sommes curieux de les voir à l'œuvre dans l'exemple précis de la Barbe Bleue.
Ce titre mÊme est à lui seul révélateur. Voilà donc un puissant seigneur, riche et mystérieux, affligé d'une barbe si noire qu'elle tourne au bleu aile-de-corbeau. En vertu d'une « logique » à coup sÛr irrationnelle, sinon absurde, cette horrible histoire ne pouvait en effet s'accommoder d'un héros blond, rose, joufflu et imberbe. C'est que l'homme à la barbe bleu-noir n'est pas un homme ordinaire. C'est une sorte de surhomme. Sa force et sa virilité trouvent dans cette barbe une expression à la fois repoussante et séduisante, surtout pour la jeune fille qu'il prétend épouser. DÈs l'abord, Perrault nous vise ainsi au-dessous de la ceinture, et fait appel en nous à des processus psychologiques affectifs, archétypiques, aussi puissants qu'irrationnels(1).
La jeune fille cÈde finalement et accepte de devenir Mme Barbe-Bleue. Un mois ne s'écoule pas sans que le comportement de l'étrange bonhomme ne devienne tout à fait surprenant. Il annonce à sa femme qu'il a un voyage à faire. Avant de partir, il lui confie toutes les clefs de la maison, non sans attirer son attention sur l'une d'elles qui ouvre un certain cabinet noir. Il lui interdit de s'en servir, faute de quoi « il n'y a rien, lui dit-il, que vous ne deviez attendre de ma colÈre ». Comportement extravagant qui, dans le contexte d'une nouvelle, aurait ruiné toute sa crédibilité. Mais il s'agit d'un conte. Est-ce à dire que là toutes les invraisemblances sont autorisées ? Certes non, mais les rÈgles du jeu sont différentes. Dans le conte, tout est permis à la seule condition que la complicité du lecteur soit acquise à l'auteur. Or le fait est que dans ce comportement de Barbe-Bleue, nous l'acceptons sans objection. Pourquoi cette docilité? En vertu d'un mécanisme analogue à celui qui nous a prévenus d'entrée de jeu qu'il y avait tout à craindre d'un homme à la barbe bleue : un mécanisme archétypique. Car ce comportement extravagant de Barbe-Bleue évoque obscurément en nous celui d'un autre personnage autrement ancien et vénérable — mais peut-Être tout aussi barbu —, celui de Jéhovah quittant le Paradis terrestre aprÈs avoir interdit à Adam et Ève de manger le fruit d'un certain arbre, l'arbre qui confÈre la connaissance du Bien et du Mal. Il y a donc là un phénomÈne de souvenir vague et insaisissable, exactement de réminiscence — laquelle selon Joubert est « comme l'ombre du souvenir ». Nous retrouvons ici notre fantôme.
On connait la suite. Comme Adam et Ève, Mme Barbe-Bleue se dépÊche d'enfreindre l'interdit. Elle ouvre le cabinet, découvre les cadavres putréfiés des six premiÈres femmes de son mari. De saisissement, elle laisse tomber par terre la clef qui se souille de sang, une tache qui accepte bien de disparaitre quand on la frotte, mais pour reparaitre aussitôt à une autre place. (C'est là le seul élément « féerique » du conte qui empÊche Perrault de le qualifier de « nouvelle » comme Grisélidis.) Voilà encore un détail rationnellement inacceptable, et que nous acceptons cependant sans protester, parce qu'il est doué d'une force persuasive mystérieuse et impérative. Pourquoi ? Réminiscence encore, moins univoque sans doute que celle du fruit défendu, oÙ il y a du péché originel, du dépucelage, et aussi un rappel de la petite main ensanglantée de lady Macbeth que « toutes les essences de l'Orient ne pourraient laver ».
Barbe-Bleue revient, découvre la désobéissance de sa femme, la traine par les cheveux avant de l'égorger. Heureusement les deux frÈres sont attendus, mais arriveront-ils à temps? Sa sœur Anne guette leur survenue du haut du donjon. Et c'est alors que retentit la question rituelle, bouleversante, que nous ne pouvons entendre sans frémir car elle trouve un écho jusque dans notre plus tendre enfance : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Plainte douloureuse qui s'élÈve de génération en génération depuis des millénaires, et qui nous touche au cœur parce que nous reconnaissons obscurément la voix de Mme Bovary agonisant d'ennui dans sa pluvieuse campagne normande, celle de Samuel Beckett dans Godot, et parce qu'elle n'est peut-Être que la version enfantine du cri de Jésus avant de mourir sur la croix. La réponse d'Anne n'est pas moins chargée de mystÈre et de sombre poésie : « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie. »
Parvenu au terme de son récit le bon Perrault se livre à une plaisanterie bien instructive. Il fait semblant d'avoir écrit une fable, et en cherche dÈs lors la morale. La morale de cette histoire, c'est que Là, on l'imagine la plume en l'air, pris au piÈge du conte qui nous fait sans cesse soupçonner une signification, mais se refuse toujours à passer aux aveux. La morale de cette histoire ? Eh bien, nous dit Perrault, c'est que la curiosité est un vilain défaut ! Évidemment il se moque de nous, il se moque de lui-mÊme, mais il souligne en mÊme temps la nature mÊme du conte : translucide mais pas transparente!
Archétypes noyés dans l'épaisseur d'une affabulation puérile, grands mythes travestis et brisés qui ne prÊtent pas moins leur puissante magie à une historiette populaire, tel est sans doute le secret du conte, qu'il soit oriental, féerique ou fantastique, et il serait sans doute facile de dégager les mÊmes ressorts dans son avatar contemporain, la science-fiction. S'agit-il d'un mythe tombé en poussiÈre, ou au contraire en voie de formation ? Le conte est-il un vestige archéologique, ou au contraire une nébuleuse oÙ se cherche l'avenir? L'alternative est peut-Être trop tranchée. Il n'est pas sÛr qu'à ce niveau de profondeur le passé et le futur se distinguent aussi clairement l'un de l'autre.
(1) On se souvient néanmoins que les deux plus célÈbres tueurs de femmes des annales du crime français. Landru et Petiot, portaient une barbe noire.
1. Comparez, dans un tableau, les trois formes de récits évoqués par Tournier, à la suite de Perrault.
2. Comment expliquer la formule de Perrault des « semences » ? Peut-on mettre en rapport cette formule avec cette citation de B. Bettelheim : Le conte de fées met carrément l'enfant en présence de toutes les difficultés fondamentales de l'homme (B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Laffont) ? Justifiez votre réponse.
3. Dans un autre essai, Tournier écrit :
Un mythe est une histoire que tout le monde connait déjà. Quand j'écrivais Les Météores je répondais à ceux qui m'interrogeaient sur le sujet de mon prochain roman : c'est l'aventure de deux frÈres jumeaux parfaitement ressemblants. Aussitôt le visage de mon interlocuteur s'éclairait. Des frÈres jumeaux ? Justement, il en connaissait ! Deux frÈres pareils. Quand l'un d'eux s'enrhumait à Londres, l'autre éternuait à Rome. Combien de fois n'ai-je pas entendu ce genre d'anecdote ! Il était bien inutile que j'entre dans les détails de mon projet. On les connaissait déjà, on me les récitait à l'avance. Je me félicitais : c'était la preuve que mon sujet était de nature mythologique. André Gide a dit qu'il n'écrivait pas pour Être lu mais pour Être relu. Il voulait dire par là qu'il entendait Être lu au moins deux fois. J'écris moi aussi pour Être relu, mais, moins exigeant que Gide, je ne demande qu'une seule lecture. Mes livres doivent Être reconnus – relus – dÈs la premiÈre lecture.
(Michel TOURNIER, Le vent Paraclet, Gallimard)
Mettez cette citation en rapport avec le dernier paragraphe du texte.
1. Lisez le conte.
2. Tournier propose une explication pour ce conte ; relevez les principaux éléments de celle-ci :
a. En quoi les personnages sont-ils « archétypaux » ? En quoi véhiculent-ils une série de stéréotypes pour le lecteur ?
b. Comment l’auteur explique-t-il notre adhésion à l’histoire ?
3. Une autre approche :
Pierre Slama (NRP, février 1989) propose de classer les contes selon leur structure : o la situation initiale (qui est par définition négative et problématique): · soit le héros (ou ses parents) commet une faute, c'est-à-dire la transgression d'un interdit initial et il y a punition, · soit il n'y a pas de faute mais une situation problématique. o l'aventure: · soit un sauveur intervient pour délivrer le héros, · soit il s'agit d'une quÊte, o la situation finale est généralement le mariage royal. En fonction de ce qui précÈde, le magazine propose donc les structures suivantes: o 1re structure : 'Faute + sauveur'. o
2e structure: 'QuÊte'. L'accent
est mis sur les mérites personnels du héros. · la quÊte initiatique : il s'agit pour l'adolescent d'abandonner le monde de l'enfance, c'est-à-dire de connaitre une mort symbolique, pour renaitre en tant qu'adulte, c'est-à-dire apte au mariage. · la quÊte héroÃque : le héros appartient à la classe dominante (fils de roi ou de seigneur), il va accomplir des épreuves, qui sont des duels à l'épée contre des égaux ou des personnages magiques, monstrueux Son but est de mériter la princesse, c'est-à-dire de devenir roi selon le mode archaÃque de transmission du pouvoir. · la quÊte populaire : le héros appartient à la classe des dominés; si ses objectifs sont les mÊmes que ceux du héros de la quÊte héroÃque, son arme est la ruse. · la quÊte féminine : c'est le modÈle des histoires d'amour. L'héroÃne est dominée (parfois une cadette) et est douée de toutes les 'vertus féminines' traditionnelles (bonté, beauté, modestie, vertus ménagÈres, abnégation, obéissance). Son but est de faire un beau mariage; pour y parvenir, elle affrontera des épreuves qui consisteront à résister aux tentations. o 3e structure: 'Faute + quÊte' : il s'agit d'un rachat. |
a. Quelle est la structure de La Barbe bleue ? Cette structure s’accorde-t-elle avec l’explication de Tournier ? Justifiez votre réponse en utilisant des citations du conte que vous mettrez en relation avec le texte de Tournier.
b. Le succÈs du texte s’explique par ce que Slama appelle des « éléments de fascination ». Ces éléments sont des indices qui orientent inévitablement la lecture vers une interprétation « archétypale ». Repérez ces éléments et construisez une explication du succÈs du conte.
de Jean-Noël Kapferer, in Revue de sociologie française, Année 1989, Volume 30, Numéro 1, p. 81-89.
Ce texte se trouve en ligne sur le site Persée, MinistÈre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, Direction de l'enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothÈques et de la documentation : https://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1989_num_30_1_2574, pp.87-89 de « Mais il y a bien plus que des stéréotypes… » à la fin.
Mais il y a bien plus que des stéréotypes derriÈre les rumeurs de Mourmelon: celles-ci expriment un archétype. Pour s’en convaincre, un détour par le conte populaire s’impose.
La rumeur elle conte sont trÈs proches car, l’un et l’autre, d’essence populaire. En effet. si une rumeur circule, c’est qu’elle plait à une partie du public qui s’empresse de la reproduire. On l’a signalé précédemment, plusieurs hypothÈses concernant les disparitions de Mourmelon ne sont jamais des devenues rumeurs précisément parce qu’elles étaient impopulaires.
La rumeur, comme le conte, se raconte. Le conte, comme la rumeur, est l’affaire de tous. En effet, ainsi que le rappelle M. Simonsen. Spécialiste du conte populaire français : « Le conte, comme tout genre oral, comprend des éléments rigides. relativement stables, et des éléments fluides, plus mobiles » (1986, p. 90). Chacun participe au conte comme il participe à la rumeur : mais cette participation porte sur les détails, l’argumentation. Le scénario de hase, lui, reste stable, inchangé.
La différence entre les rumeurs et le conte tient a ce que ce dernier est un récit en prose d’événements fictifs transmis oralement. La rumeur, quant à elle, postule toujours qu’il s’agit d’événements réels. Mais cette différence est minime : nombre de rumeurs tenues pour vraies relatent en fait des événements fictifs. Par exemple. Orléans s’embrasa pour une rumeur de traite des blanches alors qu’aucune jeune fille n’avait disparu !
L’analyse de la compréhension des contes populaires a fait des progrÈs considérables sous l’impulsion du Soviétique V. Propp, de l’Américain B. Bettelheim, des Français Saintyves ou Soriano. Or l’analyse structurelle des contes populaires révÈle que plusieurs d’entre eux reproduisent le scénario sous-tendant les rumeurs de Mourmelon et maintes autres rumeurs liées à des disparitions, réelles ou fictives.
Ainsi, dans son étude sur la spécificité du conte populaire français, MichÈle Simonsen écrit : « Alors qu’ailleurs les héros sont en proie aux géants, magiciens. Sorciers, nains, sirÈnes, esprits de toute sorte, en France, ils ont surtout affaire aux ogres (…).Leur caractéristique essentielle est de se nourrir de chair humaine » (1987, p.7) ; De Gargantua0 au conte du Petit Poucet, on retrouve bien Ia présence de l’ogre. Or, les psychanalystes ont tres tôt signalé le symbolisme sexuel des contes merveilleux qui procÈde par sublimation : par exemple, l’acte sexuel est représenté par le fait de manger.
A ce stade, il serait erroné de prétendre que la rumeur reproduit le conte. En réalité, la rumeur comme le conte reproduisent un mÊme archétype, un scenario enfoui et inconscient. MÊme si elle parle de faits concrets ci réels (ici les disparus de Mourmelon), la rumeur puise largement dans l’imaginaire. En cela, elle est trÈs proche du conte populaire dans sa démarche. On ne peut donc se contenter de dire que le légionnaire fou ou le camionneur allemand homosexuel sont l’expression moderne et réaliste de l’ogre des contes populaires. La véritable question devient: quelle est la signification de l’ogre lui-mÊme ?
On doit à l’ethnographe Pierre Saintyves et au folkloriste russe Vladimir Propp d’avoir établi un lien entre coutumes primitives et contes populaires. Pour eux, les personnages des contes populaires sont littéralement le souvenir de personnages cérémoniels dans divers rites populaires plus ou moins effacés. En somme, les contes merveilleux gardent le souvenir de croyances et de rituels primitifs.
Ainsi, dans toutes les tribus primitives, pour devenir adultes, les adolescents doivent subir des rites de passage, une période ou aventure initiatique. Or tous les rites d’initiation comportent trois phases. La premiÈre est celle du rapt, de l’arrachement brutal du néophyte à son environnement familial et du transport dans un enclos. Sacré. La deuxiÈme phase est celle de la mise à mort symbolique (enfermement, évanouissement prolongé, voyage vers le royaume des morts, lutte contre un monstre, torture physiques, mutilation et ou circoncision). La troisiÈme phase est celle de la renaissance du héros, de celui qui a survécu.
Sous cet éclairage ethnographique et ritualiste, on peut rattacher de nombreux motifs des contes populaires aux différentes étapes du rite de passage. L’ogre est un rappel du personnage liturgique, le sorcier, dont le rôle est de terrifier le néophyte. voire de le soumettre à des simulacres de mort et à des épreuves physiques et morales. La forÊt fabuleuse et terrifiante, présente dans maints contes, du Petit Poucet à la Belle au Bois Dormant. est une forÊt initiatique, semée d’épreuves, lieu oÙ s’opÈre la transformation de l’adolescent en homme.
Dans cette perspective, on comprend que les disparitions de jeunes militaires a Mourmelon aient engendré les rumeurs décrites au début de notre analyse. Leur contenu tait prévisible : toute disparition d’adolescent s’apparentant à un rapt. C’est-à-dire à la premiÈre phase des rituels d’initiation, il était normal que celles de Mourmelon réveillent toutes les peurs et angoisses liées à la deuxiÈme phase, la plus dangereuse, celle des épreuves imposées aux néophytes par le sorcier.
De plus, le décor de Mourmelon reproduit structurellement celui de l’initiation. On y parle de jeunes « appelés » : le service militaire signe la fin de l’adolescence et provoque souvent la premiÈre de la mÈre. Cet éloignement est tout naturellement porteur d’angoisses chez celle-ci. Le néophyte est enlevé brutalement à son milieu. Comment va-t-il se sortir de son initiation ?
La forÊt entourant Mourmelon évoque les forÊts initiatiques, le lieu de toutes les épreuves. L’armée et son camp clos sont des symboles de la force instinctive maitrisée, de l’agressivité canalisée. Mais par la contiguÃté du camp et de la forÊt s’opÈre un transfert : la forÊt hébergerait la force instinctive non maitrisée et asociale, l’agressivité libérée et destructrice, la partie refoulée de nos pulsions. C’est pourquoi, dés lors qu’il quitte le camp militaire et se perd dans la forÊt, l’adolescent, néophyte encore fragile, est menacé des pires détournements : homosexualité, sévices et mort. Ce thÈme millénaire et universel resurgit aujourd’hui dramatiquement dans les rumeurs de Mourmelon.
L’auteur évoque les rumeurs qui ont couru à propos de la disparition de jeunes militaires du camp d’entrainement de l’armée à Mourmelon, en France. Cette affaire a été résolue par la suite mais peu importe l’issue, ce qui compte ici, ce sont les mécanismes de l’imaginaire qui se sont mis en place.
1. Comment l’auteur lie-t-il la rumeur et le conte populaire ?
2. Montrez l’importance de la figure de l’ogre en tant qu’archétype.
3. Comment peut-on la rattacher à un conte de type « initiatique » dans le cas précis des disparus de Mourmelon ?
o Sur le site de la BibliothÈque nationale de France : « Ogres et nains, ogresses et diables » : https://expositions.bnf.fr/contes/arret/ingre/indogr.htm
o
une
fiche Télédoc consacrée au téléfilm d’Olivier Dahan, Le petit Poucet
https://www.sceren.fr/accueil.htm
o « L’ogre en littérature », numéro N° 791, du 1er au 15 mars 2000 de Textes et documents pour la classe ; 2 articles en ligne : https://www.sceren.fr/accueil.htm (chercher dans le moteur de recherche)
· « Figure de l'Autre, peur du Moi » : à travers la littérature, le personnage monstrueux de l'ogre est la figure du désordre et de l'énergie vitale. Il nous aide à identifier nos instincts les plus primitifs. Mais l'Histoire montre que l'homme n'est pas toujours capable de maitriser ses pulsions sauvages.
· « De la nature humaine » : pistes de réflexion à travers la mythologie, l'anthropologie, l'histoire, la psychanalyse.
o Lectures
· Conte : Perrault, Le petit Poucet
· Roman : Tournier, Le roi des Aulnes – Fleutiaux, Les métamorphoses de la reine
· Nouvelles : P. Bruckner, Les ogres anonymes – Tournier, La fuite du petit Poucet, in Le coq de bruyÈre.
Numéro 791, du 1er au 15 mars 2000 de Textes et documents pour la classe : https://www.sceren.fr/accueil.htm
Une initiation jubilatoire : les contes, liés à l'enfance, ne sont pas des histoires sans importance : au-delà des mots circulent bien des non-dits que l'enfant saisit, mÊme s'il ne les comprend pas encore clairement. Si les contes sont liés à telle ou telle culture, on voit bien, par le jeu des variantes, que ce qu'ils racontent est universel.
Lisez les documents
proposés : https://expositions.bnf.fr/contes/index.htm
Conte paru dans Le Magasin des enfants en 1757
Outre la version du recueil proposé par le concours, une édition proposée est intéressante, dans la collection « Carrés classiques » chez Nathan (n°3) : la présentation est un peu enfantine mais le volume, outre qu’il n’est pas cher, propose également deux autres contes « oÙ les qualités du cœur l’emportent sur la beauté… » : Riquet à la houppe de Perrault et La Belle aux cheveux d’or de Mme d’Aulnoy, qui pourront Être utilisés pour d’autres exploitations.
Le volume offre aussi un extrait du scénario du film de Cocteau et un carnet d’illustrations dont une photo du film, différente de celle qui se trouve dans le dossier.
1. En vous référant aux propositions de Pierre Slama , définissez la structure de ce conte-ci et justifiez votre réponse.
2. Cherchez les motifs qui apparaissent dans le conte.
3. Montrez que personnages et cadre spatio-temporel sont typiques de l’univers des contes.
Quelle est-elle ? Vous parait-elle recouvrir tous les aspects du conte ? Justifiez votre réponse et complétez éventuellement la morale si vous avez répondu « non ».
Dans Les saisons de l’ame. Des labours aux moissons. L’analyse jungienne des contes de fées, M.-Cl. Dolghin-Loyer explique que la femme est à la recherche de l’“anima”, image masculine liée au pÈre mais pas seulement à lui ; c’est l’histoire de Psyché qui illustre cette quÊte, histoire rapportée par Apulée dans L’Ane d’or. En voici le résumé proposé par l’auteur (vous trouverez également sur Internet la version longue d’Edith Hamilton : https://www.pierdelune.com/psyche.htm).
La beauté de Psyché, femme mortelle, ayant détourné les hommes du culte de Vénus, celle-ci charge son fils Éros de la venger en inspirant à Psyché de l'amour pour un Être monstrueux. Mais Éros tombe amoureux de Psyché et l’épouse, à l’insu de sa mÈre. Psyché rencontre Éros dans des circonstances particuliÈres. Enlevée par lui, elle épouse sans savoir qui il est. Son époux la rencontre la nuit et lui interdit de chercher à voir son visage. Ses sœurs, venues la voir, lui suggÈrent que son mari ne peut-Être qu’un monstre dangereux, ce qui détermine Psyché – Éros étant endormi – à s’approcher de lui munie d'une lampe et d'un poignard ; elle découvre ainsi la beauté et l'identité de son époux. Mais une goutte d'huile chaude tombe de la lampe et réveille Éros qui, voyant son secret découvert, disparait.
Désespérée, Psyché part en quÊte d'Éros et aboutit chez Vénus elle-mÊme qui la charge de taches irréalisables avec l’aide des fourmis, d'un roseau et de la tour d'oÙ elle voulait se jeter. Éros ayant supplié Jupiter, son mariage avec Psyché est reconnu et celle-ci est élevée au rang d’immortelle.
1. Comparez le mythe de Psyché à l’histoire de La Belle et la BÊte : structure, déroulement, personnages, motifs.
2. Les deux textes paraissent-ils avoir la mÊme signification ? Justifiez.
3.
Selon
Mme Dolghin-Loyer, cette histoire signifie, du point de vue féminin, la
découverte de l’amour qui est aussi découverte de la sexualité et de
l’instinct. L’amour se présente sous une forme ambivalente : monstrueuse
et attirante à la fois. C’est l’intégration de la sexualité qui est ici
en cause.
B. Bettelheim, de son côté, à propos de La Belle et la BÊte, écrit
que la BÊte renvoie à « l’idée
que la sexualité est de nature animale et que seul l’amour peut la transformer
en relation humaine. »
Discutez ces interprétations, en vous référant au texte.
Rédigez un article qui proposera une présentation globale des divers éléments que vous avez découverts. Cet article pourrait Être destiné à une rubrique d’un magazine littéraire à destination des jeunes, comme Virgule, par exemple ; voir le magazine : https://www.virgule-mag.com/
Le conte de Mme Leprince de Beaumont a été adapté au cinéma, par Jean Cocteau en 1946, et par les studios Disney en 1991.
En mÊme temps, il [le pÈre de la Belle] entendit un grand bruit, et vit venir à lui une bÊte si horrible, qu’il fut tout prÊt de s’évanouir. » « La Belle ne put s’empÊcher de frémir en voyant cette horrible figure. »
C’est ainsi que l’auteur présente la BÊte ; aucune description détaillée. Voici la BÊte – interprétée par Jean Marais – dans le film. (https://www.forumeyrin.ch/photos/08/La-belle-et-la-be-te.jpg)
Cette image peut-elle correspondre à la BÊte telle qu’elle apparait dans le conte ? Justifier grace à une description des caractÈres bestiaux de l’Être sur la photo et dans le texte.
Dans un pays qui n’est autre que ce vague pays des contes de fées, un riche marchand, ruiné par une tempÊte oÙ se perdirent ses vaisseaux chargés de marchandises, habite avec ses trois filles et son fils. Ce Ludovic est un charmant chenapan et son camarade Avenant l'accompagne toujours danser ses désordres. Les filles sont deux personnes fort méchantes, Félicie et AdélaÃde, qui réduisent à l'esclavage Belle, véritable Cendrillon de la famille.
Dans cette maison de disputes et de cris, Belle sert à table et frotte le parquet des chambres. Avenant l’aime. Il la demande en mariage, mais Belle refuse. Elle veut rester fille et vivre avec son pÈre.
Ce pÈre, bon et faible, vient d'apprendre une grande nouvelle. Un de ses vaisseaux de marchandises est arrivé au port. Les notables qui fuyaient la maison y reviennent. Les sœurs exigent robes et bijoux. Ludovic emprunte à un usurier. Belle, lorsque son pÈre se mette en route vers le port, demande une rose, « car il n'en vient pas ici ».
C'est le point de départ du drame. Cette demande qu'elle fait pour ne point avoir l’air de ne rien demander excite le rire de ses sœurs. Et le marchand s'éloigne, à cheval, sur les routes.
Au port, il apprendra du séquestre que ses créanciers ont été plus rapides que lui et que, de ses marchandises, il ne subsiste pas une. Il ne lui reste mÊme pas de quoi coucher dans une auberge du port. Il lui faudra traverser en pleine nuit, une forÊt profonde. La brume commence.
On devine que le pauvre homme va perdre son chemin. Il le cherche, trainant son cheval par la bride, et aperçoit une lumiÈre. Des branches s’écartent. Il pénÈtre dans une allée. Les branches se referment. Le voilà qui découvre peu à peu un immense chateau vide, hérissé d'énigmes, de candélabres qui s'allument tout seuls et de statues qui semblent vivre. Il s’y endort, repu de fatigue, devant une table peu rassurante, malgré les fruits et le vin. Un rugissement lointain le réveille et un cri de mort poussé par quelque animal. Il se sauve. Il s'égare. Il approche d'un bosquet de roses, il pense à la priÈre de Belle. Une rose est le seul cadeau qu'il soit en mesure de rapporter chez lui. Il en cueille une. C'est alors que l’écho qui lui renvoyait ses « Hé là ! » et ses « Il n’y a personne ? », devient une voix terrible criant : « Hé là ! »
Le marchand se retourne et voit la BÊte. Son apparence est celle d'un grand seigneur dont le visage et les mains sont d'un fauve. Et cette bÊte expose le mystérieux postulat du conte : « Vous avez volé mes roses, vous mourrez. À moins une de vos filles ne consente à mourir à votre place. »
Il est fort probable que cette rose est le premier ressort d'un piÈge oÙ doit venir se prendre Belle, de toute éternité.
Le pÈre rentrera chez lui sur un cheval nommé le Magnifique. Il suffit de lui dire à l'oreille : « Va oÙ je vais, le Magnifique, va, va, va. » Et ce cheval est, sans doute, le second ressort du piÈge.
Les sœurs tempÊteront, Belle proposera de se rendre chez la BÊte, le pÈre refusera, Avenant se révoltera, mais une scÈne atroce brisera les nerfs du vieil homme et Belle profitera du tumulte pour se sauver la nuit, monter le Magnifique, lui murmurer les mots de passe et galoper vers le supplice.
Chez la BÊte, Belle n'aura pas le sort qu’elle attendait. Le piÈge fonctionne à merveille. La BÊte l'entoure de luxe et de bontés. Car cette bÊte féroce est une bonne bÊte. Elle souffre de sa laideur et cette laideur émeut
Petit à petit, Belle y sera sensible, mais son pÈre est malade. Un miroir magique le lui prouve. Elle tombe malade à son tour. La BÊte finit par entrouvrir le piÈge. Belle obtient huit jour afin de se rendre chez son pÈre sous promesse de revenir. Plusieurs objets fées demeurent entre les mains de la BÊte et composent les derniers secrets de sa puissance. Par confiance dans le cœur de Belle il s'en dessaisit : son gant qui la transportera ou elle veut ; une clé d'or qui ouvre le pavillon de Diane oÙ s'entassent ses vraies richesses et auxquelles nul ne doit toucher, ni lui, ni elle, jusqu'à sa mort.
« Je connais votre ame, dit-il à Belle, cette clé me sera le gage de votre retour. »
Chez son pÈre, Belle excite, par ses parures, la jalousie de ses sœurs. Elles s'emploient à la caresser, à la duper par leurs fausses larmes, à l'empÊcher de partir. La chose faite, à la réduire de nouveau en esclavage. Belle a manqué à sa promesse. Elle n'ose plus rejoindre le chateau. Félicie et AdélaÃde lui dérobent la clé d'or. Arrive le Magnifique. C'est tout ce qui reste à la BÊte de sa magie. Le cheval et le miroir qu'il apporte. Sans doute est-ce un appel suprÊme de son pauvre amour.
Ce n'est pas Belle qui enfourchera le Magnifique, mais Ludovic et Avenant. Félicie et AdélaÃde les poussent à tuer la BÊte et à s'emparer de ses richesses. Elles leur remettront la clé d'or.
Belle voit, dans le miroir, la BÊte qui pleure. Chez elle il n'y a que solitude. Elle met le gant. Elle arrive au chateau. OÙ est la BÊte ? Elle l'appelle, elle court, elle la cherche. Elle la trouve qui se meurt au bord de l'eau.
Pendant ce temps Ludovic et Avenant sont arrivés au pavillon de Diane. Ils n'osent se servir de la clé. Ils craignent quelque chausse-trape. Ils grimpent sur le toit du pavillon. Par ses vitres ils voient le trésor, une statue de Diane et de la neige qui tournoie comme dans les boules de verre de notre enfance. Ludovic a peur, Avenant brise les vitres. Il est incrédule : « Du verre, c’est du verre. », s'écrie-t-il. Ludovic le laissera pendre par les mains, il sautera dans la place et se débrouillera ensuite. Au bord de l'eau, Belle se lamente. Elle supplie la BÊte de l'entendre. La BÊte murmure : « Il est trop tard. » Belle est bien prÊt de lui dire : « Je vous aime. »
Au pavillon, Avenant se laisse pendre par l'ouverture des vitres brisées. Alors la statue de Diane se meut, lÈve son arc, vise. La flÈche se plante dans son dos. Ludovic épouvanté voit sa grimace d'agonie et son visage qui devient celui de la BÊte. Il tombe.
À cette minute, la BÊte a dÛ se transformer sous le regard d'amour de Belle. C'est le regard d'amour d'une jeune fille qui devait dénouer le charme. Belle recule d'un bond car c'est un Prince Charmant qui se dresse devant elle, qui la salue et lui explique le prodige.
Ce Prince Charmant ressemble singuliÈrement à Avenant et cette ressemblance trouble Belle. Il semble qu'elle regrette un peu la bonne bÊte, qu'elle redoute un peu cet Avenant inattendu. Mais la fin dans conte de fées est la fin d'un conte de fées. Belle s'apprivoise. Et c'est avec le prince au triple visage qu’elle s'envolera vers un royaume oÙ, dit-il, « Vous serez une grande reine, retrouverez votre pÈre, et vos sœurs porteront la traine de votre robe ».
Texte dans Si les fées m’étaient contées… 140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau (collection Omnibus)
1. Dans ce texte, repérez la voix de l’adaptateur et expliquez quel sens prennent ses interventions.
2. Comparer le texte de Cocteau au conte original et, dans un tableau indiquer les ajouts et les suppressions : motifs, personnages, épisodes.
3. Expliquer ce que ces modifications entrainent du point de vue du sens.
'Rien n’est plus beau que d’écrire un poÈme avec des Êtres, des visages, des mains, des lumiÈres, des objets qu’on place à sa guise.' Jean Cocteau in Journal d’un film : La Belle et la BÊte
Ce film, en noir et blanc, mérite d’Être vu, d’abord en tant qu’adaptation du conte – la plupart des films de Cocteau sont des réécritures d’œuvres littéraires ou de mythes –, mais aussi parce qu’il est significatif de son esthétique de cinéaste et que, par exemple, le motif du miroir est récurrent dans son œuvre.
1. Montrez que le langage du film est avant tout un langage de l’image.
2. Observez la place des dialogues : le texte est-il important ?
3. Observez le décor : est-il en accord avec l’image qu’on se fait du cadre d’un conte merveilleux ? Justifiez en évoquant des détails précis.
4. Le film regorge d’allégories (matérialisation d’une abstraction – idée, sentiment… – sous forme concrÈte – objet, animal, personnage.). Retrouvez-en quelques-unes.
5. De mÊme, hybridations et métamorphoses traversent le film ; relevez-en quelques exemples et définissez leur fonction. Pouvez-vous les mettre en rapport avec l’un ou l’autre passage du texte d’origine ?
6. Cocteau parle « d’écrire un poÈme » à propos de son film.
a) Trouvez-vous celui-ci poétique ? Si oui, qu’est-ce qui contribue à créer cette poésie ?
b) Lisez des poÈmes de l’auteur, cherchez des photos de ses films, consultez le parcours pédagogique de l’exposition du Centre Pompidou à Paris « Jean Cocteau sur le fil du siÈcle » (https://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-cocteau/ENS-cocteau.html) et observez bien cette photo, tirée du film Le Sang d’un poÈte, qui montre le poÈte lui-mÊme. Comment définiriez-vous, dÈs lors la « poésie » selon Cocteau ?
7. La morale sous-jacente du conte est-elle la mÊme que celle du texte de Mme Leprince de Beaumont ou y a-t-il une évolution ? Justifier.
Comparez les deux films :
o Personnages (caractÈre, comportement, aspect, noms)
o Épisodes et événements
o Comparez, en particulier, le traitement du personnage d’Avenant – Gaston.
Comment expliquez-vous les différences ? La morale est-elle la mÊme ?
Recherchez d’autres exemples d’adaptations de contes réalisées par les studios Disney (Cendrillon, Blanche-Neige, Pinocchio…). Sont-elles fidÈles aux contes originels ? Sinon, y a-t-il des constantes qui permettraient de définir les convictions morales, et esthétiques, voire idéologiques du groupe américain ?
Menez un débat sur l’adaptation de la littérature au cinéma. Vous pouvez partir des deux adaptations que vous examinées ici, avant d’élargir le propos à d’autres films que vous avez vus, tirés de livres que vous avez lus.
Quelques aspects du problÈme que vous pouvez évoquer : qu’est-ce qu’une adaptation réussie, un film qui colle exactement au texte ou qui le réinterprÈte ? toutes les œuvres littéraires se prÊtent-elles à l’adaptation ? le langage du cinéma est-il comparable à la littérature ?
Réalisez en groupe un site Internet consacré au conte La Belle et la BÊte ; il s’adressera prioritairement à des élÈves de la fin du primaire et prendra en considération tous les aspects abordés dans ce travail.
Attention aux spécificités de ce travail :
o La présentation et l’écriture tiendront compte du support spécifique choisi (textes courts, illustrations…)
o Comme les destinataires ont entre 10 et 12 ans, il conviendra d’adapter le vocabulaire, l’écriture mais aussi, éventuellement le contenu, pour le rendre accessible.
Cette activité peut, si nécessaire, se réaliser sur papier mais les élÈves devraient Être capables, sans trop de difficulté de passer à la version électronique.
On peut envisager éventuellement d’intégrer ce genre de réalisation dans un projet européen de type «eTwinning» (voir : https://www.enseignement.be/index.php?page=23691&navi=283).
1. Bien que le conte date des LumiÈres, deux de ses thÈmes relÈvent de l’esthétique baroque et on pourra les utiliser comme point de départ ; il s’agit des thÈmes de la métamorphose et du miroir.
2. Le conte français se rattache à l’esthétique classique, bien que Perrault ait été un défenseur des « Modernes » dans la Querelle des Classiques et des Modernes. En revanche, les contes de Grimm et des auteurs du XIXe siÈcle se rattachent au romantisme. On pourra comparer deux versions du mÊme conte pour en dégager les traits caractéristiques.
Les contes parodiques
Dans la tradition orale, il existe tant de variantes d’un mÊme conte que l’on ne pourra jamais retrouver le conte originel, s’il a jamais existé. Si bien que l’on pourrait dire que tous les contes sont des pastiches les uns des autres, ou encore que, si l’on veut pasticher un conte, on produit une variante. Le conte parodique, lui, est un conte d’auteur. Il fait partie d’une œuvre, il en porte les marques caractéristiques, stylistiques en particulier ; il rencontre « l’équation personnelle » d’un écrivain. Pour goÛter tout le sel de la parodie, le lecteur doit connaitre le texte du conte parodié. « Ce n’est pas le texte », s’écrie le loup du « Petit Chaperon rouge » de Roald Dahl (Un Conte peut en cacher un autre). Mais le Petit Chaperon rouge s’en moque : elle abat le loup d’un coup de revolver et se fait de la peau un beau manteau de fourrure. Dans « La Fée du robinet » (La SorciÈre de la rue Mouffetard), Pierre Gripari renverse la morale du conte de Perrault Les Fées : ce n’est pas une récompense de cracher diamants et perles si c’est pour tomber sous la coupe d’un méchant monsieur qui en profite pour vous exploiter ; et, en revanche, ce n’est pas une malédiction de cracher des serpents si l’on rencontre un jeune médecin qui travaille au département des poisons de l’Institut Pasteur.
Le conte parodique détourne, voire inverse, le contenu mais aussi la structure et la morale du conte traditionnel. Toutes les valeurs sont inversées : le loup devient doux chez Marcel Aymé, les diamants écorchent la bouche alors que les serpents glissent sans problÈme dans une parodie des Fées. Une véritable connivence s’établit ainsi entre l’auteur et le lecteur. Le plaisir de la dérision, du clin d’œil, a inspiré de nombreux auteurs jusqu’aux dessinateurs de BD et aux publicitaires.
« Une initiation jubilatoire » de Jean Verrier, in « Les contes », n° 791, du 1er au 15 mars 2000 de Textes et documents pour la classe : https://www.sceren.fr/accueil.htm
Le pastiche se propose d’écrire un texte en imitant les caractéristiques générales d’un auteur ou d’un courant littéraire ; il ne s’agit pas d écrire une nouvelle version d’un conte existant mais une nouvelle histoire en respectant l’esprit de l’auteur ou du mouvement quant au contenu et à l’esthétique formelle.
Si l’on veut se livrer à cet exercice, il importe donc de commencer par repérer ce que sont les caractéristiques en question.
Pour y parvenir, lisez quelques textes de Perrault. Vous en trouverez un ci-dessous mais Cendrillon ou La Belle au bois dormant peuvent également convenir.
Perrault, Les Fées
Il était une fois une veuve qui avait deux filles ; l'ainée lui ressemblait si fort d'humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mÈre. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses qu'on ne pouvait vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son pÈre pour la douceur et l'honnÊteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eÛt su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mÈre était folle de sa fille ainée et en mÊme temps, avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse.
Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allat, deux fois le jour, puiser de l'eau à une grande demi-lieue du logis, et qu'elle en rapportat plein une grande cruche. Un jour qu'elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui la pria de lui donner à boire.
- Oui-dà, ma bonne mÈre, dit cette belle fille.
Et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu'elle bÛt plus aisément.
La bonne femme, ayant bu, lui dit :
- Vous Êtes si belle, si bonne et si honnÊte, que je ne puis m'empÊcher de vous faire un don ; car c'était une fée qui avait pris la forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'oÙ irait l'honnÊteté de cette jeune fille. Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse.
Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mÈre la gronda de revenir si tard de la fontaine.
- Je vous demande pardon, ma mÈre, dit cette pauvre fille, d'avoir tardé si longtemps.
Et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants.
- Que vois-je là ! dit sa mÈre tout étonnée ; je crois qu'il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D'oÙ vient cela, ma fille ? (ce fut la premiÈre fois qu'elle l'appela sa fille).
La pauvre enfant lui raconta naÃvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants.
- Vraiment, dit la mÈre, il faut que j'y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur quand elle parle; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le mÊme don ? Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnÊtement.
- Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine !
- Je veux que vous y alliez, reprit la mÈre, et tout à l'heure.
Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d'argent qui fÛt dans le logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vÊtue, qui vint lui demander à boire. C'était la mÊme fée qui avait apparu à sa sœur, mais qui avait pris l'air et les habits d'une princesse, pour voir jusqu'oÙ irait la malhonnÊteté de cette fille.
- Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ? Justement j'ai apporté un flacon d'argent tout exprÈs pour donner à boire à Madame ! J'en suis d'avis: buvez à mÊme si vous voulez.
- Vous n'Êtes guÈre honnÊte, reprit la fée, sans se mettre en colÈre. Eh bien ! puisque vous Êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud.
D'abord que sa mÈre l'aperçut, elle lui cria:
- Eh bien ma fille !
- Eh bien ! ma mÈre ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipÈres et deux crapauds.
- Ô ciel ! s'écria la mÈre, que vois-je là ? C'est sa sœur qui en est cause : elle me le paiera.
Et aussitôt elle courut pour la battre.
La pauvre enfant s'enfuit et alla se sauver dans la forÊt prochaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra et, la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule et ce qu'elle avait à pleurer.
- Hélas ! Monsieur, c'est ma mÈre qui m'a chassée du logis !
Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, la pria de lui dire d'oÙ cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi en devint amoureux, et considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en mariage à un autre, l'emmena au palais du roi son pÈre, oÙ il l'épousa.
Pour sa sœur, elle se fit tant haÃr, que sa propre mÈre la chassa de chez elle, et la malheureuse, aprÈs avoir bien couru sans trouver personne qui voulÛt la recevoir, alla mourir au coin d'un bois.
MORALITÉ
Les diamants et les pistoles
Peuvent beaucoup sur les esprits
Cependant les douces paroles
Ont encor plus de force, et sont d'un plus grand prix.
AUTRE MORALITE
L'honnÊteté coÛte des soins,
Et veut un peu de complaisance,
Mais tôt ou tard, elle a sa récompense,
Et souvent dans le temps qu'on y pense le moins.
Observez attentivement le texte.
1. Parmi les structures que votre synthÈse théorique vous a permis de découvrir, quelle est celle que l’auteur a adoptée ?
2. Quelle place le surnaturel – voire le terrifiant – occupe-t-il dans le conte ?
3. Les deux morales : comment s’intÈgrent-elles par rapport à l’histoire ? Comparez éventuellement avec les morales des Fables de La Fontaine.
1. Comment le texte est-il découpé ?
2. Quel est le contenu du premier paragraphe ?
3. Comment récit et dialogue alternent-ils ?
4. Les personnages
a) Comment sont-ils nommés ? Quelles anaphores l’auteur utilise-t-il ?
b) Comment sont-ils présentés et/ou décrits ? Observez également ces quelques extraits d’autres contes :
Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu'on eÛt su voir ; sa mÈre en était folle, et sa mÈre-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l'appelait le Petit Chaperon rouge. (Le Petit Chaperon rouge)
… mais par malheur cet homme avait la Barbe bleue. Cela le rendait si laid et si terrible, qu'il n'était ni femme ni fille qui ne s’enfuit de devant lui. (La Barbe-Bleue)
Le mari avait de son côté une jeune fille, mais d’une douceur et d’une bonté sans exemple ; elle tenait cela de sa mÈre, qui était la meilleure personne du monde. (Cendrillon ou la petite pantoufle de verre)
Il était une fois une reine qui accoucha d’un fils, si laid et si mal fait, qu’on douta longtemps s'il avait forme humaine. Une fée qui se trouva à sa naissance assura qu'il ne laisserait pas d'Être aimable, parce qu'il aurait beaucoup d'esprit ; elle ajouta mÊme qu'il pourrait, en vertu du don qu'elle venait de lui faire, donner autant d'esprit qu'il en aurait à la personne qu'il aimerait le mieux. (Riquet à la houppe)
Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune était fort délicat et ne disait mot : prenant pour bÊtise ce qui était une marque de la bonté de son esprit. Il était fort petit, et quand il vint au monde, il n'était guÈre plus gros que le pouce, ce qui fit que l'on l’appela le petit Poucet. (Le Petit Poucet)
5. Observez également les décors suivants : quels détails l’auteur a-t-il retenus ?
…il crÛt dans un quart d’heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d’épines entrelacées les unes dans les autres, que bÊte ni homme n’y aurait pu passer : en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des tours du chateau, encore n’était-ce que de bien loin. (La Belle au bois dormant)
Ils allÈrent dans une forÊt forte épaisse, ou à dix pas de distance on ne se voyait pas l'un l'autre. (Le Petit Poucet)
6. Observez la construction des phrases suivantes du conte ; l’auteur y manifeste-t-il des particularismes d’écriture ?
a) Et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu'elle bÛt plus aisément.
b) La bonne femme, ayant bu, lui dit […]
c) Et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants.
Vous devez, maintenant, avoir repéré quelques traits d’écriture d’un conte de Perrault ; notez-les, il va vous falloir les imiter dans votre texte.
Pour vous exercer, consultez le site de la
BibliothÈque nationale de France et, en particulier, l’atelier
d’écriture consacré au conte. Vous y trouverez un jeu qui vous permettra de
sélectionner les éléments de votre conte : https://expositions.bnf.fr/contes/pedago/atelier/index.htm.
Attention toutefois de ne pas oublier qu’il s’agit de pasticher Perrault.
Vous avez sans doute avantage à vous référer
aux catégories de Pierre Slama
Pensez
à tout : actants, schéma narratif…
Reprenez votre liste de traits du style de Perrault
et efforcez-vous de rédiger votre conte.
Un conseil : ne vous lancez pas dans une histoire trop longue et trop
compliquée, mais faites porter votre attention sur l’imitation de l’auteur.
Pierre Dubois, Les contes de crime (Folio)
Il était une fois un homme gros et triste qui avait bien du mal à passer en troisiÈme. […]
Son soupir se mua soudain en borborygme étranglé lorsqu'il aperçut, traversant légÈrement les bois, le Petit Chaperon rouge qui lui faisait des signes.
« Grand Dieu ! »
Il freina dur et dru et s’alla cogner sur le pare-brise, tout moucheté d’éclatements sanglants de gros cousins et de petits maringouins, tandis que la brunette gamine encapuchonnée et de sa corolle coquelicot se penchait en souriant vers la portiÈre.
« On fait du stop, petite ?
– Oui, monsieur.
– On n'a pas peur du loup ?
– Si, Monsieur.
– Il est bien tard, on est seule et perdue ?
– Non, monsieur, on veut aller porter sa galette et son petit pot de beurre à sa MÈre-Grand qui est malade, là-bas dans la forÊt. »
Hector Hugo, Le Petit Napperon rouge (La Découverte et Syros)
– Et tous vos beaux discours, c'est pour me faire croire que vous n'allez pas me croquer. Je vous vois venir, vous allez me mettre entre deux tranches de pain de mie, avec de la moutarde comme les hamburgers Mac-Do. Mais je vous préviens, je suis allergique à la moutarde, ça me fait éternuer. Alors vous n’allez pas Être déçu du sandwich.
– Mais qui vous parle de vous croquer ? Je suis végétarien.
– Vous Êtes végétarien ? Et comment cela, je vous prie ?
– Oh, c'est une vieille histoire. Le grand-pÈre du grand-pÈre de mon grand-pÈre a eu beaucoup d'ennuis autrefois aprÈs avoir croqué une grand-mÈre. Et, depuis, dans la famille, nous sommes végétariens. C'est trÈs bon pour la santé, vous savez. On a beaucoup moins de cholestérol que les autres, beaucoup moins de maladies cardio-vasculaires. Évidemment c'est un peu plus long pour préparer les repas mais on s'habitue.
Jean Claverie, Le Petit Chaperon rouge (Albin Michel)
Il était une fois une grande ville qui, en grandissant toujours plus, avait fait disparaitre une forÊt.
Là oÙ avait prospéré des arbres immenses s'étendait à perte de vue un cimetiÈre de vieilles voitures sans roues ni glaces, de carcasses d’autocars et de camions à jamais immobiles attendant sous le soleil et la pluie l'écrasement final sous le pilon de M. Wolf, le casseur.
À vrai dire, de la forÊt d'autrefois il restait tout de mÊme un boqueteau d'arbres à l'ombre duquel Mamma Gina, arriÈre arriÈre-petite-fille de bÛcherons, avait l'habitude de garer son petit camion.
Un beau jour, Gina, la reine de la pizza au feu de bois, jugea que sa fille était maintenant assez grande pour aller porter toute seule la pizza quotidienne à sa grand-mÈre malade. Celle-ci habitait à l'autre bout du vaste champ de ferraille de M. Wolf. […]
– Maintenant, tu vas vomir, sinon… !, lui hurla-t-elle en le menaçant.
Le loup, qui de toute façon ne se sentait pas trÈs bien, se fourra les deux pattes dans la gueule la gueule et restitua presque tout : Grand-MÈre et Petit chaperon rouge au coulis de tomates. […] Une fois que toutes trois se furent bien embrassées, Mamma Gina se tourna vers le loup :
– La pizza, tu peux la garder, mais ça fera trente francs.
Le loup disparut à tout jamais du quartier et, à ce que l'on raconte, il ne mange plus que des pizzas. Il aurait mÊme changé de métier.
Pour chacun des exemples, repérez les éléments qui détournent le texte initial. Présentez vos observations sous forme de tableau.
1. Relisez attentivement le conte de Mme Leprince de Beaumont.
2. Réécrivez, de maniÈre tout à fait synthétique, le schéma narratif.
3. Écrivez le schéma narratif de votre conte, en prenant en considération l’intention que vous poursuivez : voulez-vous faire rire, faire réfléchir… .
4. Déterminez avec précision le résultat à obtenir ; voici quelques exemples :
a) Transposer le conte à une autre époque (aujourd’hui, dans un passé plus lointain – la préhistoire, par exemple –, dans le futur…),
b) Transposer le conte dans un autre milieu : dans les banlieues, dans une clinique psychiatrique, dans une maison de retraite…,
c) Choisir des personnages dans le monde animal,
d) Inverser les valeurs défendues par le conte – dans ce cas, vous n’oublierez pas de les récapituler.
5. Préparez un tableau dans lequel vous indiquerez les éléments essentiels : personnages, décors, motifs. Dans la colonne « Mon conte » vous indiquerez le détournement que vous projetez de faire.
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La Belle et la BÊte |
Mon conte |
Personnages (physique, caractÈre) |
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Décors |
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Motifs |
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Attention :
o Il n’est pas obligatoire :
· de conserver tous les éléments du conte
· d’appliquer un détournement à chaque élément
o Il est indispensable d’Être cohérent par rapport au projet que vous avez défini précédemment.
Rédigez votre texte. N’oubliez pas d’adapter la langue à la situation, à votre intention, aux personnages, à l’époque…
Vous pourrez soumettre votre texte au jugement d’une autre classe et demander aux élÈves de le noter en utilisant la grille d’évaluation du concours.
Contes et récits – Sciences humaines, n°148, avril 2004
Les contes de fées, Claudie Bert, Sciences humaines, numéro 128, Juin 2002 et n°148, avril 2004 https://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=2371
Le conte - Nouvelle Revue pédagogique, numéro 1, septembre 1997
Les contes – Textes et documents pour la classe, n°832, du 15 au 31 mars 2002
Marie-Claire Dolghin-Loyer, Les saisons de l’ame. Des labours aux moissons. L’analyse jungienne des contes de fées, Dervy poche, 2009
Nouvelle Revue pédagogique, numéro 6, février 1989
P. Dubois, Les contes de crime, Gallimard, 2000
Si les fées m’étaient contées. 140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau, Omnibus, 2003
Textes complémentaires
Jean Verrier, Les contes, numéro 791, du 1er au 15 mars 2000 de Textes et documents pour la classe https://www.sceren.fr/accueil.htm
o Une initiation jubilatoire : Raconte-moi une histoire (La morale de l’histoire) – Des récits initiatiques – Contes et identité culturelle (Les ingrédients du conte) – Une dimension universelle – la collecte et la transcription des contes (Les contes parodiques) – La structure linguistique des contes (Les types de contes) – Par oÙ commencer ?
o Les mécaniques du conte : Les motifs – les fonctions de Propp – Personnage et sphÈre d’action – Les actants de Greimas – Les séquences narratives – D’autres stratégies narratives
Guy Belzane, De l’art du détournement, in Pastiche et parodie, numéro 788, du 15 au 31 janvier 2000 de Textes et documents pour la classe https://www.sceren.fr/revueTDC/788-41327.htm
Les origines de la parodie (Aristote et la parodie) – Travestissement burlesque et poÈme héroÃ-comique – Parodie et pastiche (Parodie et pastiche au cinéma) – Les hypotextes (Les pastiches de Proust) – Les enjeux du détournement – Le contrat – Les autres arts (Parodie et pastiche aujourd’hui) – Le faux et le plagiat – L’essence du rire
Guy Belzane, Des techniques différentes, in Pastiche et parodie, numéro 788, du 15 au 31 janvier 2000 de Textes et documents pour la classe https://www.sceren.fr/revueTDC/788-41328.htm
Parodie et travestissement – Les procédures parodiques – Pastiche et imitation (Réponse à un acte d’accusation) – les trois étapes du pastiche – des transpositions rabaissantes
Autour des contes… - fiche pédagogique, Télémaque, CDRP académie de Créteil – Centre de ressources littérature de jeunesse https://www.crdp.ac-creteil.fr/telemaque/comite/contes.htm
Autour des contes… - Activités transversales aux deux catégories – Interprétations par l’illustration (A partir des interprétations sans texte – A partir d’autres versions) – Les réécritures diverses (Les détournements, les parodies – Transpositions dans une autre forme littéraire – Transpositions dans le temps ou l’espace – Références, allusions, salades de contes…) – Pour aller plus l
numéro 791, du 1er au 15 mars 2000 de Textes et documents pour la classe https://www.sceren.fr/accueil.htm
Une initiation jubilatoire
JEAN VERRIER
Quel plaisir de raconter des contes et de créer ainsi ce rituel chaleureux et merveilleux qui fait la magie de l’enfance.
Ils remontent à la nuit des temps et sont peuplés de monstres et de fées. Mais ils disent les peurs et les désirs des hommes.
Ils nous racontent. Alors, retrouvons-nous dans la forÊt des contes.
Y a-t-il un age et un pays pour les contes ? Un age, celui de l’enfance, si bien que, lorsqu’on entre au lycée, et mÊme dÈs la classe de troisiÈme, il n’est plus question de lire ou d’étudier des contes (« On n’est plus des enfants ! ») ? Un pays, un de ces pays lointains, dans l’espace comme dans le temps, que l’industrialisation n’a pas pénétrés et oÙ les illettrés sont en majorité ? On parle aussi de « contes de bonne femme », de « contes à dormir debout ». On en connait quelques-uns (ou on croit les connaitre), peu nombreux et toujours les mÊmes : Le Petit Chaperon rouge, Le Petit Poucet, La Petite SirÈne (rien que des histoires de « petits »). On a aussi des souvenirs de dessins animés de Walt Disney : Cendrillon, Blanche-Neige Histoires de fées coiffées d’un chapeau pointu et armées d’une baguette magique : tout cela n’est pas trÈs sérieux et semble mÊme un peu ennuyeux.
Le « sérieux », la vraie littérature, serait plutôt du côté des Contes et nouvelles de Maupassant, des contes philosophiques de Voltaire ou des contes libertins de La Fontaine. Mais parle-t-on alors de la mÊme chose ? S’agit-il du mÊme genre de contes ? Les contes de Perrault ou de Grimm, eux, tout comme les contes et légendes de tel ou tel pays publiés dans une collection spécialisée, mÊme s’ils sont des contes « d’auteur », mÊme s’ils ont été adaptés et fixés, réécrits et pas simplement transcrits, proviennent de traditions orales et populaires dont nous essaierons de suivre les traces. Et ils ne sont pas réservés aux enfants.
Pourtant, bien sÛr, en raison de leur manichéisme, ils sont particuliÈrement bien adaptés aux petits : en général, il y a les bons et les méchants immédiatement repérables, un héros (ou une héroÃne) plein de vertus, auquel l’enfant s’identifie aisément et dont il sait parfaitement que les aventures se terminent bien. Ainsi frémit-il, sans trop d’angoisse, de voir son héros défavorisé et faible au début du conte, puis malmené au cours de multiples épreuves. À la fin, tout sera résolu dans le meilleur des mondes : le triomphe et le bonheur sont l’apanage des ames méritantes.
Mais pourquoi un enfant réclame-t-il chaque soir qu’on lui raconte le mÊme conte que la veille, parfois plusieurs fois de suite ? Et pas question d’en changer un mot ! Une histoire qu’il pourrait se raconter lui-mÊme, qu’il connait presque par cœur. Cependant il faut que ce soit cet adulte qui la lui répÈte. AprÈs avoir parlé comme la grand-mÈre qu’elle est, la conteuse imite la voix du loup, et l’enfant a peur ; mais il sait bien aussi, il le voit, que c’est sa grand-mÈre qui parle et pas le loup. Puis il entendra sa grand-mÈre imiter la voix du loup qui imite la voix de la grand-mÈre : vertige, plaisir. Et la succession des questions : « Que tu as de grandes jambes, de grandes oreilles, de grands yeux, de grandes dents ! ». Frissons d’une peur redoutée et souhaitée, comme lorsqu’on joue à « Promenons-nous dans les bois, loup y es-tu ? que fais-tu ? ». DerriÈre cette peur et ce plaisir, qu’y a-t-il donc encore ?
Il y a, mÊme si l’enfant sait lire, le plaisir ineffable d’une complicité avec l’adulte, d’une présence vivante et chaleureuse, qui sécurisent et permettent le dialogue. Rien ne peut égaler ce rapport privilégié. MÊme les enregistrements sur disques ou cassettes : le conteur est physiquement absent ; souvent plusieurs comédiens se partagent les rôles, au lieu qu’une seule voix prenne en charge les voix de tous les personnages par une suite de variations imitatives.
Le conte serait donc bien lié à l’enfance avec des histoires simples, certains diraient à l’eau de rose. En apparence seulement. Car le monde de l’enfance est complexe. Et bien des choses circulent en contrebande entre l’adulte qui conte et l’enfant.
La morale de l’histoire
De nombreux contes se terminent par une moralité, voire deux chez Perrault qui affirme, dans sa Préface aux Contes en vers, à propos des contes inventés par nos aÃeux pour leurs enfants, que « partout la vertu y est récompensée, et partout le vice y est puni ». Cela ne correspond guÈre à ce qui arrive à son gentil Chaperon rouge qui meurt dévoré par le loup ; mais il s’agit là d’un avertissement aux jeunes filles. Cependant, outre qu’elle s’adresse davantage aux adultes qu’aux enfants, la moralité nous enferme dans une façon de lire, elle réduit le conte à une interprétation qui exclut toutes les autres. Il en est de mÊme pour les rÊves, il ne suffit pas de savoir ce qu’ils sont censés signifier pour en épuiser l’étrangeté.
La moralité mise à part, le conte est-il toujours un récit moral ?
Que penser du Petit Poucet qui, froidement, laisse égorger les filles de l’Ogre, ment à l’Ogresse et la vole ? Et des ruses malhonnÊtes du Chat botté pour faire accéder son maitre à la richesse et au pouvoir ? Qu’importe, ces héros sont sympathiques malgré (ou à cause de ?) leurs fourberies et nous nous réjouissons de leur réussite, sorte de revanche sur l’injustice et la cruauté du monde. Ainsi la morale se trouve-t-elle quelque peu égratignée. Il reste que, pour l’usage des enfants, on enferme trop les contes dans la morale ; certains ont été édulcorés, pour ne pas dire censurés, afin d’éliminer ce qu’ils pouvaient avoir de trivial, et souvent un dénouement positif a été rajouté : dans la plupart de ces versions, le Petit Chaperon rouge est sauvé et le loup durement chatié. En réalité, le conte parle moins de morale que de quÊte du bonheur.
Il utilise un langage symbolique du devenir, de la métamorphose personnelle possible grace aux vertus, aux talents, à l’intelligence de chacun. En ce sens, il est plus initiatique que moral.
En réalité, les contes sont pleins d’histoires épouvantables : enfants abandonnés, livrés à tous les dangers, cruelles maratres, ogres et loups gourmands de chair fraiche, pÈres ou maris bourreaux La violence et la mort y sont omniprésentes. Mais on sait bien que l’enfant préfÈre les histoires effrayantes aux histoires roses. Souvent le conte apparait aux adultes trop cruel ou trop grossier, ou les deux à la fois, pour Être raconté à des petits. Comme cette variante nivernaise du Petit Chaperon rouge oÙ la petite fille, sans le savoir, mange les restes de la grand-mÈre et boit son sang, sur les conseils du loup. « Pue, salope ! », miaule la chatte. On comprend que des parents soient souvent tentés de censurer les contes ou de n’en donner que des versions édulcorées, des versions « pour enfants » comme disent certains éditeurs. À ceux-là, aux mÈres américaines inquiÈtes, le psychanalyste Bruno Bettelheim dit : « MÈres, racontez les contes de la tradition orale à vos enfants, vous les aiderez à grandir, vous leur direz des choses que leur age et votre pudeur vous interdisent de leur dire. »
En effet, selon lui, les contes parlent, sous une forme symbolique, des craintes et désirs inconscients de l’enfant face aux parents (géants parfois inquiétants, ogres, sorciÈres ou fées), face au monde extérieur attirant et terrifiant oÙ il a peur et envie de se retrouver seul et indépendant (comme dans Le Petit Poucet, Frérot et Sœurette, etc.), face à sa propre violence (dans la rivalité fraternelle, dans l’envie d’évincer l’un des parents et mÊme d’Être orphelin, etc.), face à la sexualité (ambiguÃté de la scÈne oÙ le Petit Chaperon rouge se déshabille et se couche auprÈs de sa mÈre-grand qu’on sait Être le loup 1 ; rapports troubles entre pÈre et fille : Peau-d’Ane, La Belle et la BÊte).
Ces choses « interdites », inter-dites parce qu’elles ne peuvent Être dites qu’entre les mots, sous les mots ou à côté des mots, des psychanalystes vont essayer de les désigner, à leur maniÈre, jamais directe, car, contrairement à Bettelheim, ils ne veulent pas réduire le conte à une seule interprétation. Bien sÛr, ce n’est pas pour que les grand-mÈres ou les professeurs les montrent à leur tour aux enfants : ceux-ci ne pourraient ni les voir ni les entendre. Mais cela peut Être utile aux adultes de savoir qu’ils racontent des histoires sous les histoires, et peut-Être de deviner quelles sont ces histoires de contrebande.
On peut faire sentir l’opacité d’un conte en le faisant entrer dans un jeu de variantes, rapprochant, comme le fait Monique Schneider dans Narrativité, le conte du Petit Chaperon rouge et le conte russe des Oies-Cygnes qui volent le petit frÈre de l’héroÃne comme elles l’avaient certainement apporté à sa naissance. La petite fille ira le rechercher en suivant les oies dans la forÊt jusque chez la grand-mÈre ogresse Baba Yaga, à l’instar du Petit Chaperon rouge de Grimm avalé par sa grand-mÈre loup pour sortir ensuite de son ventre comme par une césarienne : au moins les deux fillettes savent-elles maintenant d’oÙ viennent les enfants.
Le conte permet ainsi une approche imagée et réconfortante du monde et des autres puisque, tout en alimentant les fantasmes de l’enfant, il en efface l’aspect culpabilisant et angoissant grace à sa dynamique et à sa conclusion optimistes. Il est un pont entre les adultes et les enfants dont le poÈte libanais Khalil Gibran dit que « leurs ames habitent la maison de demain que vous ne pouvez visiter mÊme dans vos rÊves ». Il n’est pas une visite du passé mais une exploration symbolique du futur.
Mais les contes ne sont pas destinés aux seuls enfants. Il existe des sociétés oÙ certains contes leur sont mÊme interdits : ils sont réservés soit aux femmes, soit aux hommes. Surtout dans les sociétés non industrialisées, oÙ domine encore la transmission orale, oÙ le conte, souvent proche du mythe, est profondément lié à l’histoire et à la culture. Le folkloriste américain Alan Dundes a mieux compris les contes des Indiens hopis de l’Amérique du Nord quand il a eu l’idée de les comparer à leurs danses, car une danse aussi peut raconter une histoire, Être en quelque sorte une variante d’un conte, ou l’inverse. Et Lévi-Strauss a mis en rapport des contes et des mythes des Indiens d’Amérique du Sud avec la façon dont, dans la société qui les produit, on se marie, on se nourrit, on dispose les habitations du village.
Par ailleurs, le mÊme Alan Dundes a soulevé un problÈme à la fois idéologique et narratologique quand, dans son livre American Folklore in the New World (1977), il a critiqué les travaux de son maitre Robert Dorson qui avait transcrit et publié 244 contes, recueillis auprÈs de Noirs nés aux États-Unis, dans un livre de poche à trÈs large diffusion, American Negro Folktales (1967). Dorson prétendait que, mÊme dans les plantations du Sud, il n’avait pas trouvé plus d’un conte sur dix qui soit d’origine africaine. L’enjeu idéologique est de taille : pour Dorson, il s’agit de prouver qu’il existe un folklore purement américain, libéré de toute trace africaine chez les Noirs comme de toute trace européenne chez les Blancs. Dundes s’appuie sur des arguments narratologiques pour contester ce point de vue. Pour lui, il s’agit de savoir oÙ sont les vraies différences et les vraies ressemblances, et il fait remarquer, par exemple, que Brother Rabbit (FrÈre Lapin) a beau rouler dans une Cadillac et ranger son beurre dans un réfrigérateur, ses histoires sont bien celles de LiÈvre dans la savane africaine. Le débat n’est pas clos puisque, en mai 1993, à Saint-Malo, on s’interrogeait encore avec Derek Walcott, prix Nobel de littérature, et Raphaël Confiant, son voisin des Antilles, sur la place qu’il faut faire à l’Afrique dans la littérature caraÃbe.
Dans le catalogue des contes populaires de France auquel ont travaillé Paul Delarue et Marie-Louise TenÈze, on trouve des contes du Pays basque. Ils ont été collectés sur le territoire français, certes. Mais la plupart l’ont été par un Anglais, le révérend Wentworth Webster, au XIXe siÈcle, qui les a d’abord traduits du basque en anglais. Son recueil Basque Legends figure pourtant bien dans la liste des « Recueils de contes français ». Qu’est-ce que ces contes basques ont gardé de leur spécificité culturelle à travers leur passage dans deux autres langues ? Ainsi les contes présentent-ils un double aspect : ils permettent aux minorités culturelles d’affirmer leur identité et ils sont aussi, par le jeu des variantes, un facteur d’ouverture culturelle et d’intégration sociale dans une communauté plus large.
Un travail sur les contes permet aujourd’hui, dans certains établissements scolaires, d’aider à l’intégration des enfants de travailleurs immigrés et de leurs familles. Par exemple, au Centre de formation et d’information pour la scolarisation des enfants de migrants (Cefisem) de Lyon, Nadine Decourt a conduit une expérience avec des conteuses maghrébines auprÈs desquelles elle a recueilli des variantes du conte La Vache des orphelins (Frérot et Sœurette des contes de Grimm). Depuis la grand-mÈre kabyle vivant en France jusqu’à sa petite-fille, élÈve de collÈge, en passant par la mÈre et l’enquÊtrice, le conte a circulé, avec les accrocs du travail de la mémoire et de la traduction, de l’oral à l’écrit de la maison au collÈge oÙ l’on a fabriqué de nouvelles variantes examinées avec minutie et rigueur. Les conteuses (et les conteurs), de la grand-mÈre à l’élÈve, ne sont pas des objets d’étude mais les acteurs de leur intégration sociale.
Les ingrédients du conte
Formules initiales et finales rituelles situant bien le récit dans la fiction la plus irréelle qui soit, renforcée par l’imprécision du lieu, de l’époque, de la durée.
Récit atemporel. Le temps y obéit à ses propres rÈgles : il se fige (une princesse dort pendant cent ans), s’accélÈre (un palais se construit en une seule nuit).
Personnages indéterminés. Ils n’ont pas de prénom (sauf rares exceptions comme Aurore et Jour, les enfants de la Belle au bois dormant), encore moins de nom de famille. Ils sont plutôt désignés par des surnoms qui les caractérisent une fois pour toutes : Peau-d’Ane, la Barbe bleue, le Petit Chaperon rouge, Blanche-Neige. Mais, la plupart du temps, il s’agit d’une jeune fille, d’un petit tailleur, du fils du roi, etc. Le portrait est réduit à un ou deux éléments significatifs. Tout cela laisse à chacun la liberté d’imaginer et de s’identifier à son héros.
Situation difficile : famine, stérilité, abandon, etc.
Trois séries d’épreuves à subir : qualifiante, principale, glorifiante (voir p. 13). Certains les passent toutes avec succÈs. Le Petit Chaperon rouge de Perrault ne réussit que la premiÈre mais c’est une exception.
Épisodes à répétition. Souvent au nombre de trois (par trois fois, la reine essaie de tuer Blanche-Neige ; par trois fois, Peau-d’Ane se fait confectionner une robe), ces épisodes sont une maniÈre d’accrocher l’auditoire, de faire rebondir le suspense ; ils acquiÈrent une valeur incantatoire, surtout quand ils se doublent de la répétition d’une formule comme « Sept d’un coup » dans Le Vaillant Petit Tailleur, « Tire la chevillette et la bobinette cherra » dans Le Petit Chaperon rouge.
Intervention du merveilleux. Formules magiques : « Sésame, ouvre-toi » ; objets magiques : bottes de sept lieues, lampe, anneau ; personnages magiques : fées, sorciÈres, ogres, géants ; lieux magiques : fontaines, chateaux.
Le conte populaire, issu de ou adapté à une société donnée, contribue, par son schéma narratif, à renforcer la cohésion sociale. Le héros, au début, se trouve toujours défavorisé, en position marginale, malgré lui. Mais il finit le plus souvent, grace à ses vertus, ses efforts, grace à des moyens extérieurs pouvant relever du merveilleux, par réintégrer la société et rentrer dans ses droits. Dénouement absolument pas crédible en réalité et auquel ne croit pas le public, mÊme naÃf. L’intérÊt est ailleurs. On sait bien qu’on ne transformera ni la société ni la loi ni le pouvoir.
Mais la solution utopique proposée par les contes agit comme une soupape de sécurité ; elle fait rÊver, sans trop d’illusions, à des lendemains qui chantent d’oÙ le mal serait banni ; et elle permet peut-Être de rentrer dans le rang et de mieux supporter le monde tel qu’il est. Le conte expose les contradictions et les conflits auxquels tout le monde est confronté ; il peut critiquer les injustices, les abus d’autorité, mais, en général, il ne remet pas fondamentalement en cause les normes sociales en vigueur. Il reflÈte la société telle qu’elle est avec ses drames, ses injustices, telle qu’elle se souhaite avec des héros idéalisés et le triomphe de la vertu, telle qu’elle se redoute avec les puissances du mal. Si chaque société imprime sa marque dans la variante qu’elle produit (en Corse, par exemple, les nains de Blanche-Neige sont des « bandits » réfugiés dans le maquis), on peut trouver, dans la structure des contes les plus répandus, des conduites plus universelles. Ainsi, dans de nombreuses variantes de La Belle et la BÊte ou des Fées, une jeune fille est conduite par son pÈre dans une forÊt d’oÙ elle revient « dame », comme aujourd’hui encore, au moins dans de nombreux pays occidentaux, la mariée entre à l’église, au temple ou à la mairie au bras de son pÈre et en ressort « dame » au bras de son mari. Les trois types d’épreuves (qualifiante, principale, glorifiante), que les chercheurs Maranda et Greimas ont identifiés dans de nombreux contes, peuvent facilement se retrouver dans la vie courante : les examens, les cérémonies d’initiation (parfois les deux réunis comme dans le baccalauréat en France) peuvent passer pour des épreuves qualifiantes. Celui qui satisfait à ces épreuves reçoit un diplôme, une « peau d’ane », sorte d’auxiliaire magique dont il se demande parfois quelle sera l’utilité. Cela lui servira à accomplir des « taches difficiles », à se lancer dans des « combats » (épreuve principale) auxquels sa qualification lui a permis d’accéder. Encore faudra-t-il que son mérite lui soit reconnu contre les prétentions mensongÈres de certains rivaux, prompts à recueillir pour eux les lauriers de la gloire. Il lui faudra fournir de nouvelles preuves : c’est l’épreuve glorifiante. On retrouve là le modÈle narratif d’un des contes les plus répandus : Le Tueur de dragons.
« Il n’y a que des variantes. » C’est ce que dit Lévi-Strauss à propos des mythes, mais on peut en dire autant des contes. Inutile de chercher qui a commencé, et oÙ. On ne le saura probablement jamais, comme il est vain de chercher l’auteur de ces histoires drôles qui circulent un peu partout (histoires belges racontées aux Pays-Bas qui sont les histoires hollandaises racontées en Belgique, ou histoires polonaises racontées en Russie qui sont les histoires russes racontées en Pologne). Il est plus utile de collecter, le plus exactement possible, le plus grand nombre possible de variantes en notant bien les conditions de la collecte et les principales caractéristiques du conteur. On peut mÊme fabriquer des variantes, toujours en définissant le plus clairement possible les rÈgles de fabrication. Des écrivains (Pierre Gripari, Michel Tournier, Pierrette Pleutiaux, Roald Dahl, etc.) font ainsi des contes parodiques. La transmission des contes ne va pas sans incidents de parcours : transmission rime avec transformation. D’abord par le passage de l’oral à l’écrit, puis d’une langue à l’autre et d’un pays à l’autre : le liÈvre rusé de la savane et sa dupe l’hyÈne disparaissent quand leurs contes entrent dans la forÊt équatoriale. Mais le conte demeure : l’araignée et la tortue ont pris le relais (à moins que le voyage se soit fait en sens inverse, du sud vers le nord).
Il est vain aujourd’hui de prétendre remonter jusqu’à la source orale des contes. Rares sont les sociétés oÙ la transmission orale n’a pas rencontré l’écrit. Des écrivains comme Charles Perrault ou les frÈres Grimm entendirent des contes racontés par de merveilleux conteurs ou conteuses mais qui ne savaient pas écrire. Ils les fixÈrent par écrit pour les lire et les faire lire aux savants. Au XIXe siÈcle, des folkloristes, des linguistes, des ethnologues en collectÈrent un peu partout dans le monde.
Il arriva que certains de ces contes venus de la transmission orale soient illustrés sur des panneaux ou des sortes de bandes dessinées comme les images d’Épinal, que les colporteurs montraient et commentaient aux illettrés des villages, avec les vies des saints, les cantiques et les chansons populaires. Parfois un érudit de la ville venait recueillir des contes de la bouche d’un vieux conteur ou d’une vieille conteuse (de ces gens dont on dit que, lorsqu’ils meurent, c’est une bibliothÈque qui disparait) : qui sait si le conte raconté par la vieille conteuse, et qui lui avait peut-Être été transmis par sa propre mÈre, ne venait pas de ces images d’Épinal qui reprenaient Perrault, lequel avait puisé dans la tradition orale ?
Certains collecteurs, par souci de fidélité à la source orale, ont tenu à transcrire au plus prÈs. Pourtant comment rendre les gestes, les regards, les hésitations, les silences du conteur qui en disent souvent autant que les paroles ? Et pour quel résultat ? Utiles aux spécialistes, ces transcriptions sont souvent difficiles à lire. Des écrivains, comme Henri Pourrat ou les frÈres Grimm, disent que, pour Être fidÈle à la tradition orale et populaire du conte, il faut vraiment les écrire et ne pas se contenter de les transcrire, car ce qui est écrit n’a pas le mÊme sens que ce qui est dit. Mais alors les « savants » leur reprochent de se faire plaisir et de trahir leurs « informateurs ». À qui donner raison ? Pour répondre à cette question, toujours vive, il faut juger sur piÈces.
Aujourd’hui, le magnétophone et le Caméscope pourraient permettre de mieux conserver les contes de transmission orale. Manquera toujours la présence du public qui fait équipe avec le conteur et influe sur lui par ses réactions, son attention ou son inattention. Et conserve-t-on les contes comme on conserve les livres ? La plus grande fidélité aux contes de tradition orale ne consisterait-elle pas plutôt à leur donner les meilleures conditions de circulation et de transformation pour qu’ils restent vivants ?
Les contes parodiques
Dans la tradition orale, il existe tant de variantes d’un mÊme conte que l’on ne pourra jamais retrouver le conte originel, s’il a jamais existé. Si bien que l’on pourrait dire que tous les contes sont des pastiches les uns des autres, ou encore que, si l’on veut pasticher un conte, on produit une variante. Le conte parodique, lui, est un conte d’auteur. Il fait partie d’une œuvre, il en porte les marques caractéristiques, stylistiques en particulier ; il rencontre « l’équation personnelle » d’un écrivain.
Pour goÛter tout le sel de la parodie, le lecteur doit connaitre le texte du conte parodié. « Ce n’est pas le texte », s’écrie le loup du « Petit Chaperon rouge » de Roald Dahl (Un Conte peut en cacher un autre). Mais le Petit Chaperon rouge s’en moque : elle abat le loup d’un coup de revolver et se fait de la peau un beau manteau de fourrure. Dans « La Fée du robinet » (La SorciÈre de la rue Mouffetard), Pierre Gripari renverse la morale du conte de Perrault Les Fées : ce n’est pas une récompense de cracher diamants et perles si c’est pour tomber sous la coupe d’un méchant monsieur qui en profite pour vous exploiter ; et, en revanche, ce n’est pas une malédiction de cracher des serpents si l’on rencontre un jeune médecin qui travaille au département des poisons de l’Institut Pasteur.
Le conte parodique détourne, voire inverse, le contenu mais aussi la structure et la morale du conte traditionnel. Toutes les valeurs sont inversées : le loup devient doux chez Marcel Aymé, les diamants écorchent la bouche alors que les serpents glissent sans problÈme dans une parodie des Fées. Une véritable connivence s’établit ainsi entre l’auteur et le lecteur. Le plaisir de la dérision, du clin d’œil, a inspiré de nombreux auteurs jusqu’aux dessinateurs de BD et aux publicitaires.
Parce qu’ils se présentent en groupes de variantes, les contes, comme
les mythes, mais aussi comme les recueils de nouvelles, se prÊtent
à des études structurales (voir RepÈres). Il suffit de poser
cette hypothÈse de travail que le sens d’un conte, tel qu’un auditeur ou
un lecteur peut le construire dans son écoute ou sa lecture, n’est pas fait de
la somme de sens des phrases qui le composent. On peut transmettre un conte
sans que le récepteur en comprenne tous les mots. Et, réciproquement, on peut
comprendre le sens de tous les mots qui le composent sans réussir à
construire un sens global. Enfin il arrive que, en changeant un seul élément du
conte, on en change la signification globale. Par exemple dans cette variante
poitevine du Petit Chaperon rouge, collectée par GeneviÈve Massignon en
1958, oÙ la fillette est remplacée par un « petit gars » qui
va porter des boudins à grand-mÈre.
Les travaux de Propp sur la morphologie du conte merveilleux, relayés par ceux
de Greimas sur la sémantique structurale et les modÈles actanciels comme
par ceux de Bremond sur la logique du récit, sans oublier les travaux
d’anthropologie structurale de Lévi-Strauss, sont tous issus de la comparaison
attentive et rigoureuse de contes et de mythes. Ils ont permis de renouveler
considérablement la façon dont, par exemple, on envisage les rapports entre la
syntaxe et la sémantique, la grammaire et le vocabulaire (voir le fameux
article de Lévi-Strauss, « La structure et la forme », sur La
Morphologie du conte de Propp). Dans le domaine littéraire, ils ont remis en
question la définition du personnage romanesque, ce « vivant sans
entrailles » comme le désigne Valéry. On s’est aperçu que, sous la logique
apparente des rapports psychologiques entre ces personnages, la logique
narrative tissait des rapports beaucoup plus importants entre des objets, des
Êtres ou des paysages, tout comme dans les contes oÙ les personnages
n’ont pas d’épaisseur psychologique. De mÊme, les travaux de Propp sur
les contes pour définir la plus petite unité narrative (la
« fonction ») et la « séquence narrative » (d’un méfait
à la réparation de ce méfait) ont permis de s’interroger sur les notions
d’intrigue, de dénouement, de cohérence textuelle, etc. Comme Propp avait
comparé cent contes du folklore russe pour en dégager le modÈle du conte
merveilleux, Tzvetan Todorov a comparé les cent nouvelles du Décaméron de
Boccace pour en dégager une « grammaire du récit ». Au total, ce sont
les travaux sur les contes qui, avec ceux de Gérard Genette sur l’œuvre de
Proust, ont fait naitre la narratologie dans les années 1970 en France.
Les types de contes
La collecte systématique, à partir du XIXe siÈcle, a permis de réunir de nombreux contes populaires qui, malgré leur diversité, présentent de grandes ressemblances d’un pays à l’autre, voire d’un continent à l’autre. D’oÙ la notion de contes types, définie, au début du XXe siÈcle, par le Finnois Annti Aarne qui a commencé à les classer. Un Américain, Stith Thompson, a complété son travail. L’ouvrage a paru sous le titre The Types of the Folktale et a connu plusieurs éditions successives (1927, 1961, 1973, etc.). La classification Aarne-Thompson (AT), devenue internationale, distingue, de maniÈre relativement arbitraire, trois grandes catégories dans les deux mille contes types répertoriés : les contes d’animaux, c’est-à-dire ceux qui mettent en scÈne exclusivement des animaux (1 à 299), les contes proprement dits, subdivisés en contes merveilleux, en contes religieux, en contes réalistes, en contes d’ogres stupides (300 à 1 199), les contes facétieux et les contes à formules, oÙ une phrase est répétée d’un bout à l’autre par le personnage principal et qui souvent n’ont pas de fin (1 200 à 2 340).
Certains de ces chiffres ne sont accompagnés
d’aucun titre, la place restant libre pour insérer d’autres contes pas encore
collectés. On trouve enfin dans cette classification la rubrique des contes non
répertoriés.
Comme les titres des contes varient d’un pays à l’autre, chaque type de
conte reçoit un numéro (par exemple, Le Petit Chaperon rouge est identifié par
tous les folkloristes comme le « AT 333 » : ce n’est pas
trÈs poétique mais c’est indispensable). Paul Delarue et, à sa
suite, Marie-Louise TenÈze se réfÈrent à cette
classification pour constituer le catalogue des versions du Conte populaire
français.
Les contes, c’est comme la forÊt : plus on s’y enfonce, plus on s’y perd. On s’y perd pour s’y retrouver (parfois chez un ogre) et, comme on n’a jamais fini de se trouver, on n’a jamais fini de se perdre. Autrement dit, il ne faut pas croire que, en écoutant, en lisant, en disant, en écrivant beaucoup de contes (ce qui, bien sÛr, est le meilleur des commencements), en étudiant beaucoup d’ouvrages savants, on va pouvoir mieux les classer, mieux les maitriser et que tout va devenir plus clair. Au contraire. Plus on explique un conte, plus ça se complique. Une des leçons que l’on peut tirer, c’est qu’expliquer un texte n’est pas le rendre plus clair et plus léger, mais plus opaque et plus grave.
1 Voir Le loup dans la littérature, TDC n° 659.
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Les mécaniques du conte
JEAN VERRIER
Claude Bremond compare le conte au jeu de Meccano. La structure et le fonctionnement des contes relÈvent de ce jeu de construction : chaque conteur apporte sa variante en combinant à l’infini des éléments au nombre relativement limité. Petit inventaire des principaux outils d’analyse.
Ce sont des éléments qu’on retrouve dans de nombreux contes, des points de repÈre qui, à eux seuls, ne font pas forcément l’histoire. Il peut s’agir d’objets magiques comme un miroir parlant ou des bottes ; de formules comme « Sésame, ouvre-toi » ; de dons comme cracher des perles ou des serpents ; de ruses comme feindre d’Être mort ; d’épreuves comme trier un énorme tas de lentilles.
Mais il est arbitraire et hasardeux de vouloir classer les contes par motifs. Si l’on compare, par exemple, les contes de « miroir », on s’aperçoit que cet objet n’y joue pas forcément le mÊme rôle : il n’y a pas grand-chose de commun entre le miroir de Blanche-Neige et celui de La Belle et la BÊte. D’autre part, des motifs différents peuvent avoir les mÊmes effets : un tapis, mais aussi des bottes, une bague, un gant permettent un déplacement rapide, voire instantané.
S’il est intéressant de comparer les motifs, on ne saurait s’en contenter comme instrument d’analyse.
Le folkloriste russe critique la classification Aarne-Thompson des contes par sujets. Avant de classer, il faut définir ce que l’on classe, chercher l’unité de mesure du conte. On s’aperçoit alors qu’il peut y avoir plusieurs contes successifs dans ce que l’on appelait « un conte ». Par exemple, dans les contes des Mille et Une Nuits, on trouve de nombreuses histoires enchassées les unes dans les autres, au point qu’il arrive qu’on ne sache plus dans laquelle on se trouve : ce vertige est un des charmes du conte. L’unité de mesure, c’est la fonction, c’est-à-dire l’action d’un personnage définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue (par exemple, un mariage en cours de conte n’a pas la fonction de récompense qu’il prend en fin de conte). Et Propp définit le conte merveilleux comme une succession de 31 fonctions. Les plus importantes, celles qu’on retrouve dans le plus grand nombre de contes, sont l’éloignement des parents (dans Le Petit Poucet, Le Petit Chaperon rouge, etc.) qui va Être l’occasion de la rencontre d’un agresseur ; le méfait ou le manque (d’époux, d’enfant, de richesse, etc.) ; la tache difficile (trier un énorme tas de lentilles, voler trois poils de la barbe du diable, etc.) ou le combat (contre un dragon par exemple) ; la réparation du manque ou du méfait, et la récompense finale (richesses, mariage, etc.).
La fonction ne tient pas compte des motivations psychologiques, conscientes ou inconscientes, de celui qui agit, ni mÊme de sa nature : ce peut Être un Être humain ou un animal mais aussi bien un arbre, un poÊle ou une riviÈre. On peut alors regrouper logiquement plusieurs fonctions dans une mÊme sphÈre d’action (le roi envoie le héros en mission et le récompense quand il revient aprÈs la victoire ; mais, si le roi meurt pendant le combat, c’est son successeur qui récompense le héros : on ne quitte pas pour autant la sphÈre d’action du roi). Selon Propp, le conte merveilleux fait intervenir sept personnages ayant chacun sa sphÈre d’action : le Héros (sujet de la quÊte), l’Objet de la quÊte (princesse, trésor), le Mandateur (qui envoie le Héros en quÊte), le Donateur (qui aide le Héros de façon souvent surnaturelle), l’Auxiliaire (offert par le Donateur, un objet magique la plupart du temps), l’Agresseur (qui veut supprimer le Héros) et le Faux Héros (qui échoue dans la quÊte qu’il mÈne parallÈlement mais essaie d’obtenir la récompense). Mais il arrive qu’un personnage cumule deux rôles : le Héros peut Être son propre Mandateur comme Peau-d’Ane ; souvent l’Agresseur et le Faux Héros se confondent.
Greimas a repris l’idée des sphÈres d’action pour résumer un conte en un tableau de six sphÈres d’action ou « actants ». C’est le modÈle actanciel. Par exemple, un roi (« destinateur ») offre sa fille (« objet ») à celui (« destinataire ») qui saura la délivrer d’un dragon (agresseur, « opposant »). Dans sa quÊte, le chevalier (« sujet ») est aidé par sa bravoure et par ceux qu’il a éventuellement rencontrés en chemin et auxquels il a rendu service (« adjuvant »). Ses défauts, ses faiblesses font partie, avec l’agresseur, de l’actant « opposant ». Ces notions et ce modÈle ont modifié l’idée que l’on se faisait du personnage en littérature.
Bremond regroupe les fonctions en séquences narratives, caractérisées chacune par une unité d’action selon le schéma ternaire suivant : problÈme à résoudre/passage à l’acte/succÈs ou échec. Ces séquences acheminent petit à petit le conte de la situation initiale (dégradation) à la situation finale (amélioration) avec, dans la plupart des cas, le processus mérite/récompense, démérite/chatiment.
Dundes réduit le nombre des fonctions de Propp et les organise par paires. Ainsi met-il en parallÈle les situations initiale et finale avec la paire méfait ou manque/suppression du manque. Il dégage trois couples pouvant entrainer la suppression du manque : interdiction/transgression (La Barbe bleue, La Belle et la BÊte), tache à accomplir/tache accomplie (sauver la princesse), manœuvre de tromperie/victime dupée (le loup contrefait la voix de la petite fille pour tromper la grand-mÈre).
Denise Paulme, qui a travaillé sur la morphologie des contes africains, propose une typologie qui rend compte de la diversité des structures des contes. En voici les principaux.
Le type ascendant : la situation du héros s’améliore aprÈs une série d’épreuves qu’il affronte, seul ou avec des adjuvants, avec succÈs. Ainsi le Petit Poucet qui, abandonné pour cause de misÈre, va enrichir sa famille.
Le type descendant : le conte finit plus mal qu’il n’avait commencé. C’est le cas du Petit Chaperon rouge de Perrault qui périt dans la gueule du loup, alors que la situation initiale était heureuse. C’est le cas de toutes les histoires de trompeur trompé.
Le type cyclique : oÙ situation initiale et situation finale sont équivalentes sans réelle amélioration. Sauf chez Perrault, le Petit Chaperon rouge échappe finalement au loup et retrouve sa famille. De mÊme, dans Les Souhaits ridicules, le bÛcheron et sa femme ne changent pas d’état et retournent à la case départ.
Le type en miroir : construit sur un procédé de renversement de situation. Le héros et le faux héros subissent successivement les mÊmes épreuves. Le premier réussit et sa situation s’améliore (parcours ascendant), l’autre échoue et sa situation se dégrade (parcours descendant). Ces parcours sont symétriques.
Le type en sablier : on y retrouve encore le héros et le faux héros mais leurs parcours s’entrecroisent au lieu de se succéder, d’oÙ le nom de sablier. La typologie de Denise Paulme nous amÈne à différencier ce que l’on confond souvent sous l’appellation de contes en miroir. Pour elle, dans le conte en miroir, les personnages ont des chances égales au départ : le loup et le renard, dans le Roman de Renart, sont autant susceptibles l’un que l’autre de se procurer à manger mais le loup échoue toujours, victime de sa sottise. Dans les contes en sablier, le vrai héros est défavorisé au début par rapport à l’autre mais, à la fin, les choses s’inversent complÈtement. C’est ce qu’on trouve, par exemple, dans Les Fées, dans Ali Baba et les quarante voleurs.
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