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L’évolution de la théorie dans le domaine de la stratégie

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L’évolution de la théorie dans le domaine de la stratégie

Ou peut dire que la théorie dans le domaine date de la création du premier cours de «Business Policy» à la Harvard Business School. Au cours de cette longue période, l’analyse stratégique a remplacé les récits des hommes d’affaires ayant réussi, tandis que des principes scientifiques et rationnels d’administration des entreprises prenaient le pas sur l’intuition et le bon sens. Mais a-t-on emprunté la bonne route?



Au début des années ‘80, les idées simples font un retour en force. Concevoir un bon produit, trouver le créneau intéressant et s’y tenir, redonner au client sa prédominance, voilà ce qui séduit de nouveau.

Les observations faites aujourd’hui sur les firmes américaines les plus performantes aiment à souligner l’importance attachée à l’expérience, la connaissance intime du terrain, bien plus qu’elles ne correspondent pas a la sophistication croissante des outils: au cœur du succès de Delta Air Lines, il y aurait cette simple décision de transformer périodiquement les cadres en bagagistes et le credo stratégique de Helwelett-Packard se résumerait à nous faire passer de l’ère de l’administrateur à l’errance du gestionnaire.

Trop peu nuancé pour être satisfaisant, ce mouvement de balancier entre deux représentations également caricaturales de l’évolution de la pensée stratégique – le progrès linéaire et le cycle de la mode – doit faire la place à un examen des grands courants qui ont irrigué l’analyse stratégique au cours des vingt-cinq dernières années sans parvenir encore à confluer.

Portées et limites d’une histoire de la pensée stratégique

La tentation est forte, malgré les limites du découpage chronologique, de présenter une évolution en quatre temps, de la pensée stratégique:

A.     l’école de Harvard,

B.     la période de la planification stratégique,

C.     l’ère de la gestion stratégique et enfin

D.     la récente disgrâce des modèles.

A.     L’école de Harvard

Tous les auteurs s’accordent à reconnaître la Business School de Harvard comme le point de départ conceptuel de la démarche stratégique moderne. Le traité de politique générale de Learned, Cristensen, Andrews et Guth (1965) constitue une remarquable synthèse de l’analyse stratégique classique dont le principe de base consiste à articuler heureusement les forces et faiblesses de l’entreprise aux opportunités et menaces de l’environnement. Cette confrontation de l’entreprise et de son environnement s’effectue en tenant compte du système de valeurs des dirigeants qui fixent les grands objectifs de l’organisation.

Le tableau suivant  résume la séquence logique des étapes de l’analyse stratégique connue, d’après les initiales de ses auteurs, comme le modèle L.C.A.G.

B.     La planification stratégique

Les cabinets de consultants en stratégie ouvrent une seconde période centrée sur l’affinement des outils de la planification stratégique, définie comme «le processus (et l’ensemble des procédures, méthodes et outils) plus ou moins formalisé selon les phases, grâce auquel l’entreprise étudie, formule et explicite sa stratégie». Cette période définie comme celle «du portefeuille et du rite» est marquée par le développement des matrices analytiques dont indéniable qualité pédagogique explique l’accueil favorable que leur ont réservé les grandes entreprises américaines puis européennes et même japonaises. Ces matrices répondaient surtout aux besoins de l’entreprise multi-produits préoccupée par l‘allocation judicieuse de ses ressources entre différentes activités.

C. La gestion stratégique

Le passage de la planification stratégique à la gestion stratégique (Ansoff, Declerck, Hayes, 1976) peut sembler aux yeux des profanes n’être qu’une variation sémiologique d’une discipline qui n’est pas avare. En fait, il consacre une prise en compte améliorée des différentes composantes de l’environnement et de phénomènes liés à l’organisation interne de la firme. Il reflète en outre la nécessité d’articuler plus précisément la formulation de la stratégie et sa mise en œuvre; ressentie avec d’autant plus d’acuité le fossé semble se creuser entre «système de planification» et la «réalité de l’organisation». Au delà des problèmes d’ajustement entre le court et le long terme, la coexistence entre une démarche de nature politique et un processus qui se veut rationnel fait en effet question. Cet élargissement du champ stratégique est contemporain d’un approfondissement des outils au terme duquel les modèles traditionnels font peau neuve et intègre de nouvelles préoccupations: la technologie, les ressources humaines pour ne prendre que deux domaines significatifs,

Sous la double impulsion des modifications rapides de l’environnement et d’un retour en force des spécialistes de la théorie des organisations dans la stratégie d’entreprise, le besoin d’adapter des outils à vocation universelle aux spécificités de chaque entreprise prend corps et contraste fortement avec le caractère étroitement déterministe des analyses de portefeuilles. Fonder l’analyse stratégique sur les qualités intrinsèques d’un secteur a de quoi séduire, mais comporte un effet paradoxal.

D. La stratégie en disgrâce ?

Le courant radical qui se développe depuis le début des années 80 aux Etats-Unis este pluraliste dans ses manifestations mais relativement homogène quant à ses fondements critiques. Ces derniers résultent de deux mouvements convergents: l’un inspiré par les milieux d’affaires, l’autre alimenté par certains universitaires américains.

Le scepticisme, et parfois la désillusion à l’égard de la planification stratégique, ont envahi les états majors d’entreprises célèbres et pionnières dans l’utilisation des modèles de portefeuille: General Electric, Texas Instrument ou encore Xerox.

Les responsables de certaines entreprises comparent avec inquiétude le temps et l’argent consacrés à planifier et les résultats obtenus. Ils constatent avec amertume que la planification stratégique accroît, paradoxalement, la vulnérabilité de l’entreprise aux assauts des concurrents utilisant des méthodes de gestion moins orthodoxes (Hunsicker, 1980).

Certains auteurs mettent en avant la baisse de la productivité des entreprises américaines et l’observation des méthodes de gestion japonaise pour dénoncer l’hyper rationalisme de l’analyse stratégique moderne. Les experts américains les plus radicaux vont même jusqu’à affirmer que le fétichisme pour la stratégie constitue une particularité culturelle (du système de gestion américain) au même titre que la bonne chère pour les Français.

Si le rapide repérage historique permet de dégager, en fonction des périodes, les grands courants de l’analyse stratégique, il se révèle cependant insuffisant pour établir un bilan de ce qui n’est pas encore une théorie du management stratégique.

En fait, une approche trop linéaire ne ferait qu’accréditer l’idée, selon nous partiellement erronée, que la stratégie moderne aurait atteint sa phase de déclin aux Etats Unis et sa phase de maturité en Europe, notamment en France.

L’analogie avec le cycle vital du produit n’est pas pertinente, car elle ne reflète pas l’enrichissement mutuel des différents modèles stratégiques. Les recherches abondantes sur les portefeuilles d’activités, loin de s’exclure les unes les autres, se complètent plutôt. A l’idée d’exclusion: un courant se substitue à un autre, nous préférons la notion de sédimentation: un modèle nouveau bénéficie de la critique faite aux modèles antérieurs.


Lorsqu’il n’existe qu’un nombre limité de moyens d’obtenir un avantage concurrentiel significatif et que l’importance de cet avantage est sensible, les stratégies de domination par les coûts conservent toute leur portée; la part de marché détenue et la rentabilité sont alors étroitement liées.

Les activités en impasse se caractérisent par le fait qu’aucun concurrent ne se trouve en mesure d’acquérir un avantage distinctif lui permettant d’obtenir une rentabilité satisfaisante, car les compétences et les ressources nécessaires à la réalisation des performances économiques minimales sont largement accessibles. La part de marché détenue n’a donc pratiquement aucune influence sur le taux de rentabilité.

Les stratégies de spécialisation correspondant aux environnements offrent à l’entreprise de multiples manières de se constituer des positions protégées. Mais la faible intensité de la concurrence ne vaut que dans la mesure où le territoire de chaque entreprise n’empiète pas sur le monopole des autres «compétiteurs» et la part du marché détenue est loin d’agir toujours positivement sur la rentabilité de l’activité.

Orientations et formes de l’analyse stratégique dans les années 80

Retenir l’effet de sédimentation comme constituant majeur de l’analyse stratégique permet, sans doute, d’éviter l’approche simplificatrice qui consisterait à montrer que la période actuelle consacre un retour aux sources de la stratégie. Quels sont donc les axes de restructuration de la pensée stratégique actuelle? Il semble que l’on puisse dégager trois tendances fondamentales:

la mise en évidence des limites des modèles de portefeuille de la première génération qui ont emprunté leurs fondements conceptuels à deux disciplines majeures: le marketing et la finance;

l’influence de l’économie industrielle dans la détermination des options stratégiques qui conduit à mieux insérer la stratégie de la firme dans son environnement sectoriel;

l’émergence de la notion de «champ stratégique» qui prend en considération non seulement les économies d’échelle mais aussi les économies de champ («economics of scope»).


A. L’analyse de Porter

Parmi toutes les analyses stratégiques proposées ces dix dernières années, celle de M. Porter est certainement la plus riche du point de vue conceptuel mais, la plus classique et la plus fidèle au modèle pionnier de l’école de Harvard des années 60.

Son apport conceptuel réside dans le rapprochement entre l’économie industrielle et l’analyse stratégique des entreprises (Porter, 1982). Cette symbiose entre deux disciplines à vocation initiale fort différente a permis de mettre en évidence le rôle du contexte sectoriel dans la stratégie de l’entreprise. En ce sens, l’analyse de Porter se distingue des modèles de portefeuille relativement monolithiques en soulignant le caractère contingent de la stratégie.

Si les fondements micro-économiques en sont évidents, il importe de noter l’inspiration classique de la démarche. A partir du modèle de Learned, Christensen, Andrews et Guth, et du fait même de sa richesse, le canevas proposé par Porter laisse une grande part d’appréciation à l’analyse, rompt avec le caractère mécaniciste du modèle traditionnel et, loin de conduire à la «décision stratégique optimale», autorise plusieurs politiques d’entreprises.

Porter propose une analyse de la dynamique sectorielle, des stratégies génériques propres au secteur et des mouvements stratégiques intersectoriels. Il montre que la dynamique concurrentielle peut s’exercer à l’intérieur du secteur par évitement des menaces (entrants potentiels et produits substituables) et/ou négociation avec les partenaires extérieurs (clients et fournisseurs). Les stratégies génériques sont présentées dans le tableau suivant:

B. La théorie du «Champ stratégique» et les économies de champ

La tendance actuelle de la pensée stratégique est de considérer que le choix du domaine (produit/marché) dans lequel la firme doit s’engager est indissociable d’une analyse rigoureuse des ressources internes que le choix nécessite de mobiliser. La notion de champ stratégique a été proposée par W. Levis dans son livre «Strategic Planning Associate», et le concept des économies de champ (economics of Scope) a été développé par des économistes de Carnegie Melon University. Ces dernières ont évidencié qu’il est moins coûteux de combiner deux (ou plusieurs) activités à l’intérieur d’une firme que de les produire séparément. Alors que les économies d’échelle ne sont réalisables qu’au travers de la croissance, c’est le principe de coordination qui est à l’origine des économies de champ. (Panzard, Willing, 1981).



a)L’intégration des ressources dans les choix stratégiques

L’industrie pétrolière a largement intégré ce courant de la pensée stratégique dans les récentes années et la matrice stratégique développée par Shell constitue une application exemplaire de la théorie des économies de champ. Cette matrice se fonde sur deux éléments fondamentaux: les centres d’affaires et les ressources stratégiques. Un centre d’affaires est simplement une collection de produits relativement homogènes par nature. La principale différence entre SBU (Strategic Bussiness Units) et centres d’affaires, réside dans le fait que les divers centres d’affaires sont susceptibles d’entrer en concurrence, à la fois sur les marchés qu’ils desservent et dans l’acquisition des ressources nécessaires à leur activité quelle qu’en soit la nature, alors que les modèles de portefeuille traditionnels envisagent essentiellement la dimension financière de cette allocation. C’est néanmoins la contribution du centre d’affaires au cash flow net qui continue d’orienter l’arbitrage entre les différents prétendants aux ressources stratégiques.

Le diagnostic stratégique

A.     Le diagnostic interne, les forces et les faiblesses

Le premier élément à prendre en compte est la situation financière de l’entreprise. C’est dans les documents de synthèse, bilan, compte de résultat et annexes que se trouvent les renseignements les plus importants. Un élément particulier doit être mis en évidence. C’est la manière dont se constitue et se répartit la valeur ajoutée. Par ailleurs, une batterie de rations doit permettre de suivre la situation financière de l’entreprise.

Il est en outre nécessaire d’effectuer le diagnostic des produits de l’entreprise tant sur le plan de leur technologie doivent être évalués. Des outils comme ceux de la comptabilité analytique permettent de cerner coûts et marges. L’organisation de l’entreprise, c’est-à-dire la manière dont elle utilise son personnel et le potentiel de ce personnel doivent être évalué. C’est ainsi qu’une entreprise de confection qui reposait sur l’emploi d’une main-d’œuvre immigrée et qui désire passer à la technologie laser ne le peut sans remettre en cause tout son existant. C’est ainsi qu’une investigation précise doit permettre de mesurer le potentiel de chacune des composantes de l’organisation (recherche, production, achats, commercialisation, finance…)

C’est l’ensemble de cette démarche qui doit conduire à un diagnostic interne fiable qui mettra en évidence:

les dysfonctionnements qui représentent autant de voies d’améliorations possibles, la rigueur interne étant souvent source de performance beaucoup plus que les décisions spectaculaires destinées à bouleverser la position de l’entreprise dans son environnement;

la recherche des synergies c’est-à-dire, les façons de valoriser au mieux le potentiel de l’entreprise.

B. La connaissance du métier de l’entreprise

L’ensemble de savoir-faire, des atouts, de potentiels, constitue ce que certains appellent: «le métier de l’entreprise». Un examen systématique des paramètres du métier, comme ceux qui figurent ci-dessous, permet de déterminer les axes stratégiques pour lesquels l’entreprise est le mieux dotée.

Les paramètres du «métier»de l’entreprise sont :

- L’activité: extraction, fabrication, installation, négoce, service.

- La production: en grande série, petite série ou sur devis.

- Le personnel: haut niveau, très qualifié, peu qualifié.

- Le type de gestion: très élaborée, moyennement développée, rudimentaire, habituellement géré.

- Le type d’investissement habituellement géré.

- L’intensité capitalistique.

- L’investissement en recherche.

- Le type de marchés: grand public, industries, collectivités, État.

- Le type de distributeurs: concessionnaires, grossistes, détaillants, grandes surfaces, filiales de ventes.

- Le genre de produits: matières premières, composants, demi-produits, produits industriels, produits de consommation.

- Le type de ventes: avec ou sans répartition, vente ou non de pièces détachées, avec ou sans garantie.

- Le circuit de décision d’achat: un à plusieurs décideurs, un à plusieurs prescripteurs.

- Le déploiement commercial : régional, national, continental, international.

- La structure industrielle : usine unique, plusieurs usines nationales, plusieurs usines internationales.

C.L’adaptation de la stratégie aux compétences            

Toute entreprise a évidemment intérêt à orienter ses choix vers les axes stratégiques pour lesquels elle dispose des meilleures aptitudes.



Le choix de la stratégie   tab. 2

Options Stratégiques

Compétences requises

Stratégie

offensive

- ressources étendues dans la fonction études;


- très bon professionnalisme de la fonction financière;

- qualité l’organisation générale;

- aptitude au management d’équipes importantes;

- très bon professionnalisme de la fonction marketing.

Stratégie

défensive

- compétence élevée dans la fonction sociale;


- grande habileté financière;

- grande fluidité dans les circuits de décision;

- compétence commerciale importante.

Stratégie de

différenciation

- marketing très performant


- créativité pratique supérieure à celle des concurrents;

- excellente qualité de l’organisation générale;

- fonctions Études et Méthodes au moins aussi puissantes que celles des concurrents.

Stratégie

d’entente

- un très bon système d’informations sur l’extérieur;


- de bonnes liaisons internes;

- une qualité de produits et de service voisine de celle des concurrents, mais pas nécessairement supérieure. On pourra admettre, en revanche, une force de vente de niveau moyen.



D. Le diagnostic externe: menaces-opportunités

Tous les acteurs tournent autour de l’entreprise méritent d’être pris en compte. C’est l’objet de la constatation de départ effectuée par M. Porter. Les entrants potentiels, les producteurs de substituts (directs ou indirects), les fournisseurs, les clients sont autant d’acteurs à suivre avec attention dans le cadre d’une veille stratégique.

Cela consiste à organiser un système de collecte et d’interprétation des informations économiques et technologiques susceptibles d’influencer la stratégie de l’entreprise, tant au niveau de son exécution qu’à celui de sa formation. Par exemple, une technologie qui évolue chez un fournisseur est le signal d’un bouleversement technologique à prévoir chez soi, ou le risque de voir ce fournisseur se muer peu à peu en concurrent. Les menaces peuvent également provenir d’une évolution de l’environnement.

Des tendances telles que:

- l’évolution de la concurrence internationale avec l’apparition de concurrents comme les nouveaux pays industrialisés;

- l’internationalisation des technologies et des marchés;

- l’incertitude croissante des marchés avec l’évolution rapide des styles de vie;

- les exigences croissantes des consommateurs en matière de qualité et de services annexes aux produits;

- les novelles technologies comme la robotique, la bureautique…

sont autant des menaces pour l’existent et d’opportunités pour l’avenir.




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