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La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Magie et superstition dans l’obsession
La surévaluation de l'intellect fait que les obsédés développent leur intellect de façon remarquable. Cependant, cette haute intelligence a des traits archadques et est pleine de magie et de superstition. Leur Moi présente un clivage : une partie est logique, l'autre superstitieuse. Le mécanisme de défense qu'est l'isolation, permet la possibilité d'un tel clivage.
La superstition des obsédés permit a Freud de montrer « les similitudes des vies mentales des primitifs et des névrosés ». Cette superstition est basée sur un narcissisme augmenté, lié avec un rétablissement régressif de la plus ou moins originelle omnipotence infantile. Les jeux obsessifs ayant pour objet cette omnipotence sont animés de sentiments contradictoires de dépendance et d'équivalents inconscients du « meurtre du pcre ».
Un patient tirait beaucoup de plaisir a jouer avec un petit bouquet de papier, changeant quelque peu de forme lorsqu'on l'agitait, comme un kaléidoscope. L'analyse montra qu'il jouait a « Dieu », créant magiquement des nouveaux mots. Un autre patient, dont le cérémonial se réalisait au moyen de son couvre-lit, avait l'habitude d'imaginer, étant enfant, etre Dieu créant le monde. L'analyse montra que « créer le monde » voulait dire « créer des enfants » et qu'il jouait ainsi inconsciemment le rôle du pcre ayant des rapports sexuels avec sa mcre. Cette « création du monde - rapports sexuels » était perçue cependant comme un acte anal, et la prétendue omnipotence était un produit de la surestimation infantile des fonctions excrétoires.
Un autre patient, dont l'analyse avait aiguisé le sens de l'auto-observation, se surprit a penser combien il était étrange qu'il dut ouvrir une porte pour y passer. Il s'attendait réellement a ce que son souhait suffit pour que la porte s'ouvrit d'elle-meme. Le rejet de cette idée par les niveaux supérieurs du Moi différencie une telle croyance d'un délire de grandeur.
La névrose obsessionnelle est-elle une « religion privée » ?
La plupart des religions patriarcales oscillent entre la soumission a une figure paternelle et la rébellion contre elle (soumission et rébellion étant sexualisées) chaque Dieu promettant, comme un Surmoi compulsif, la protection contre la soumission ; il existe bien des similitudes entre le tableau manifeste du cérémonial compulsif et du rituel religieux, similitudes dues a la ressemblance des conflits sous-jacents.
C'est pourquoi Freud a appelé la névrose obsessionnelle une religion privée ; de meme, le cérémonial des obsédés a été appelé rituel en raison de sa similitude aux rites religieux. Cependant, il existe également des différences d'origine entre les rites compulsifs et religieux, dont la discussion dépasse le cadre de ce chapitre.
La symptomatologie de l'obsession est pleine de superstitions magiques tels que les oracles compulsifs ou les sacrifices. Ces patients consultent les oracles, font des Paris avec Dieu, craignent l'effet magique des mots des autres, agissent comme s'ils croyaient aux fantômes, aux démons et spécialement a un destin trcs malicieux, et sont également, en meme temps, des personnes intelligentes complctement conscientes de l'absurdité de ces idées.
Consulter un oracle signifie, en principe, soit forcer la permission ou le pardon pour une action prohibée ordinairement, soit tenter de déplacer sur Dieu la responsabilité de choses dont on se sent coupable. L'oracle est demandé comme une permission divine pouvant agir comme un contrepoids a la conscience.
Le problcme de l’étiologie différentielle
Le conflit de base de la névrose obsessionnelle est le meme que celui de l'hystérie : la défense contre les tendances répréhensibles du complexe d’œdipe. La prédominance de l'angoisse dans l'hystérie, pas plus que celle des sentiments de culpabilité dans l'obsession, ne constitue une différence de principe, puisque les sentiments de culpabilité sont présents dans l'hystérie et l'angoisse dans l'obsession.
La régression sadique-anale est pathognomonique de l'obsession et détermine la formation des symptômes. Cette régression peut dépendre d'un des trois facteurs suivants, ou de leur combinaison:
les résidus de la phase sadique-anale du développement de la libido;
l'organisation phallique; et
3) la défense du Moi.
Ce qui reste de la phase sadique-anale originelle constitue probablement le facteur crucial. En général, plus la fixation a une phase est forte, plus facile est la régression. Sous l'influence de l'angoisse de castration, les personnes ayant une forte fixation a la phase sadique-anale régresseront a cette phase. Et les fixations peuvent etre causées
par des facteurs constitutionnels ; l'hérédité dans la névrose obsessionnelle montre que l'augmentation constitutionnelle de l'érogénéité anale a son importance;
par des satisfactions exagérées ;
par des frustrations exagérées ;
par une alternance de satisfactions exagérées et de frustrations (plus les satisfactions ont été grandes, plus les frustrations postérieures seront traumatisantes) ;
une concurrence de satisfactions instinctuelles avec des satisfactions de sécurité, c'est-r-dire avec la négation ou avec la réassurance de l'angoisse spécifique.
Les pulsions érotiques anales concordent, pendant l'enfance, avec l'éducation a la propreté; la façon dont cette éducation est faite peut déterminer la fixation anale. L'éducation peut etre trop précoce, trop tardive, trop sévcre, trop libidineuse. Si elle est faite trop tôt, le résultat typique est le refoulement de l'érotisme anal, caractérisé par une soumission et une obéissance superficielle et une profonde tendance a la rébellion.
Si elle est faite trop tard, on peut s'attendre a la rébellion et a l'obstination; la sévérité est cause de fixation par la frustration provoquée; un comportement libidineux de la mcre provoque la fixation par satisfaction; cependant, cette satisfaction est toujours limitée, la mcre excite l'enfant mais prohibe la satisfaction de l'excitation. Les laxatifs peuvent augmenter la tendance a la dépendance; les lavements créent une excitation énorme accompagnée d'angoisse.
2. La faiblesse de l'organisation phallique peut provoquer la régression; il est facile d'abandonner quelque chose de peu d'importance. Mais qu'est-ce qu'une organisation phallique faible ? Cette condition codncide probablement cliniquement avec la précédente, plus les fixations prégénitales sont fortes, plus faible est l'organisation phallique. La régression parait etre également facilitée par une menace de castration survenue sur l'enfant de façon traumatique, c'est-r-dire par le brusque affaiblissement de la position phallique.
3. Le Moi spécialement apte a recourir a l'utilisation de la régression comme moyen de défense est fort sous un aspect et faible sous un autre. La fonction critique du Moi et le besoin de préparation a la pensée peuvent s'etre développés particulicrement tôt, alors que la pensée est encore orientée de façon magique ; mais cette meme nécessité pour le Moi défensif de commencer a fonctionner si tôt, fait que les méthodes employées sont archadques et prématurées.
Le Moi des obsédés peut etre suffisamment fort pour renforcer ses protestations contre les instincts a une date trcs précoce, mais il est encore trop faible pour employer des méthodes plus mures. En contraste, beaucoup de personnes enclines aux reveries et qui développent plus tard des conversions, montrent une inhibition relative de leurs fonctions intellectuelles.
On peut se demander si toutes les névroses obsessionnelles sont réellement basées sur une régression. N'est-il pas possible que des troubles du développement durant la phase sadique-anale aient pu prévenir le développement d'un complexe d’œdipe phallique? Des cas de cette espcce surviennent. Ils ne représentent cependant pas la névrose obsessionnelle typique. La grande importance du complexe d’œdipe, de l'angoisse de castration et de la masturbation dans la névrose obsessionnelle typique est bien établie.
Les troubles du développement durant la phase sadique-anale, produisent plutôt des personnalités avec peu de symptômes compulsifs, mais avec un caractcre similaire a celui des obsédés, mélangé a des traits infantiles généraux.
Evolution de la névrose obsessionnelle
La névrose obsessionnelle chez l'adulte se présente sous deux formes : les formes rares aiguës et les formes communes chroniques. Les cas aigus sont provoqués par des causes extérieures. Ces circonstances extérieures ne sont pas différentes de celles qui provoquent toute autre névrose ; ce sont des remobilisations de conflits sexuels infantiles refoulés ; des troubles d'un équilibre jusque-lr maintenu entre les forces refoulés et les forces refoulantes des augmentations soit absolues ou relatives de la force des impulsions refoulées ou des angoisses opposées.
Pour provoquer une névrose obsessionnelle, ces faits doivent atteindre une personne prédisposée depuis l'enfance, c’est-r-dire une personne ayant effectué une régression au stade sadique-anal dans l'enfance.
Cette régression peut, il est vrai, n'avoir embrassé qu'une faible partie de la libido, de façon telle que la génitalité ait pu etre suffisamment préservée pour permettre a la puberté de se développer sans difficultés insurmontables ; néanmoins, les défenses infantiles ont pu a un moment donné, choisir le chemin de la régression sinon il ne pourrait etre possible qu'un désappointement dans la vie postérieure avec un nouveau flamboiement du complexe d’œdipe, puisse créer une régression au niveau sadique-anal.
Le type chronique est beaucoup plus fréquent. Des névroses obsessionnelles de cette espcce continuent plus ou moins sans interruption depuis l'adolescence, quoique certaines circonstances extérieures particulicres puissent provoquer, de temps en temps des exacerbations.
Les rituels compulsifs, succédant a de légers symptômes compulsifs contemporains du complexe d’œdipe, apparaissent de façon plus définitive pendant la période de latence quand se développent les facultés intellectuelles. La sexualité qui émerge a la puberté suit un cours analogue a celui poursuivi par la sexualité infantile et une autre régression au niveau sadique-anal se produit.
Le Surmoi, avec qui les désirs sadiques-anaux rentrent en conflit, est lui-meme incapable d'échapper a la régression. Il devient sadique et s'exaspcre contre les exigences instinctuelles anales et sadiques, de la meme façon qu'il le faisait auparavant contre les exigences génitales. Il s'exaspcre également implacablement contre les restes phalliques du complexe d’œdipe, qui ont persisté de concert avec les pulsions sadiques-anales.
« Ainsi le conflit, dans la névrose obsessionnelle, est rendu plus aigu pour deux raisons: la défense est devenue plus intolérante, la chose a interdire plus insupportable et tout cela sous l'influence d'un facteur, la régression de la libido» (Freud).
La lutte continuelle sur deux fronts et les ajustements que le Moi fait aux symptômes (conflits défensifs secondaires, contre-compulsions, formations réactionnelles nouvelles, tendances des symptômes a se développer de la défense vers la satisfaction) compliquent le développement postérieur. Les formations réactionnelles peuvent donner naissance a des gains narcissiques secondaires, tels que l'orgueil d'etre particulicrement bon, noble, ou intelligent, et peuvent éveiller de sérieuses résistances au traitement analytique des obsédés.
Comme dans les phobies, il existe parmi les obsessions des cas stationnaires alors que d'autres évoluent progressivement. Dans ces derniers cas, ou bien il se produit des phases d'équilibre, avec une production ouverte d'angoisse et de dépression (ce qui peut etre favorable pour l'analyse), ou alors il se produit une augmentation continuelle des symptômes compulsifs vers l'état final redouté de paralysie complcte de la volonté consciente.
Un simple exemple de cette évolution dans la symptomatologie: un patient évitait obsessivement le nombre 3 pour sa signification sexuelle et castratrice. Il avait l'habitude de faire chaque chose 4 fois, pour etre sur de ne pas la faire 3. Un peu plus tard, il eut l'impression que 4 était bien prés de 3, aussi par sécurité il employa le 5. Mais 5 est un chiffre impair, mauvais par conséquent, et il fut remplacé par 6. 6 était 2 fois 3, 7 était impair, alors ce fut 8. Et 8 resta le chiffre favori pendant des années.
Il n'est pas facile de dire ce qui peut déterminer l'évolution de la maladie soit vers un plafond, soit vers une progression continue.
Une complication pouvant se produire meme dans les cas légers, est la rupture d'équilibre susmentionnée, maintenue jusque-lr par des sacrifices propitiatoires, ou d'autres limitations compulsives du Moi.
Des événements bouleversants, imprévus par les systcmes du patient, peuvent faire éclater une rigidité compulsive. L'opposé d'une névrose traumatique est la cure traumatique d'un caractcre compulsif
Une telle occurrence montre les connexions entre le symptôme compulsif et l'état originel névrotique actuel ou d'angoisse l'angoisse est dissimulée secondairement par le développement du symptôme obsessif ou compulsif. Les rituels compulsifs qui remplacent les phobies précédentes démontrent encore plus clairement cet escamotage de l'anxiété. Il est cependant vrai que l'angoisse est toujours plus ou moins teintée de sentiments de culpabilité.
L'angoisse et les sentiments de culpabilité qui ont été couverts par les symptômes compulsifs font leur réapparition quand ces symptômes ont été analysés. Fréquemment, les patients étant habitués a dissimuler leur affect et a ne pas les reconnaitre, ils apparaissent sous forme d'équivalents physiques ou de névroses actuelles.
Un phénomcne fondamental : la régression au stade sadique-anal
En résumé, c'est le concept de régression au niveau sadique-anal de l'organisation libidinale qui explique les différences de la formation des symptômes de la névrose obsessionnelle avec ceux de l'hystérie. La confusion apparente résultant de la persistance de tendances phalliques associées au complexe d’œdipe, tendances se révélant simultanément de nature sadique-anale, s'explique par le processus suivi par les mécanismes de défense : le complexe d’œdipe est remplacé par le sadisme anal qui, a son tour, est combattu.
Bien des différences sont dues au fait que, dans l'hystérie, le refoulement seul est utilisé comme mécanisme de défense, alors que, dans la névrose obsessionnelle, les formations réactionnelles, l'annulation, l'isolation et le superinvestissement libidinal du monde des concepts et des mots (cas spécial d'isolation) jouent leur rôle; l'utilisation de tels mécanismes est due au fait que ce sont des impulsions anales et non génitales qui doivent etre refoulées.
L'utilisation de mécanismes de défense dissemblables explique également la différence du champ conscient des deux espcces de névrose. L'assaut tardif de l'obsession est en relation avec le facteur de régression. L'introjection des parents, entre temps, dans le Surmoi, explique a son tour les différences dans l'intériorisation, dans la prédominance du Surmoi, et dans la prédominance relative des punitions et des symptômes expiatoires sur les symptômes de satisfaction.
En outre, la régression est également responsable de la sévérité particulicre du Surmoi, ce dernier n'ayant pu échapper a la poussée régressive vers le sadisme. Le fait qu'r côté de la production de symptômes la maladie affecte la personnalité totale du patient a un point bien plus avancé que dans l'hystérie peut etre aussi mis en relation avec le phénomcne fondamental de régression.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Des rituels dont les malades ne comprennent pas le sens
Un développement similaire se rencontre souvent a propos des « équivalents masturbatoires». Des compulsions du genre tappement cérémonial de mouvements musculaires, rituels du toucher de certains objets, sont dirigés en premier lieu contre la masturbation. mais peu vent s'etre transformés secondairement en équivalents masturbatoires le patient est parfois averti de façon vague de cette connexion et doit alors se punir de ce comportement dégoutant. D'autres fois le patient ne soupçonne pas la signification du symptôme.
Les rituels compulsifs sont en général des équivalents caricaturaux de la masturbation. Quelquefois, un symptôme apparemment sans rap port avec la masturbation révcle ce rapport a' l'analyse. Une patiente était obligée de compter jusqu 'a' cinq ou six chaque fois qu'elle tournait un robinet ou meme quand elle passait devant un robinet. Elle était complctement dominée par l'envie d'un pénis, aussi pouvait-on s'attendre a ce qu'un symptôme en rapport avec un robinet d'eau fut aussi en rapport avec son envie d'un pénis.
Elle se rappela, en fait, qu'une fois un de ses doigts s 'étant infecté, sa mcre l'avait effrayée, lui disant qu'il faudrait lui couper. Aussi le rituel peut etre interprété comme suit: la vue du robinet (ou du pénis) forçait la patiente a se convaincre qu'elle n'avait pas quatre, mais cinq et meme six doigts. Plus tard, il apparut que ce rituel avait un rapport étroit avec la masturbation. Elle avait eu l'habitude de se masturber avec un doigt et de laisser couler l'urine le long de ce doigt, comme s'il était un pénis.
Souvent, le complexe d’œdipe peut etre le centre des impulsions refoulées ; cela apparait quelquefois meme lors d'un examen superficiel, ce qui, du fait du refoulement, serait impossible dans l'hystérie.
Un patient, malheureusement pas analysé, se plaignait de deux types d'impulsions obsessives. Chaque fois qu'il voyait une femme, il était obliger de penser : « Je pourrais tuer cette femme »; et chaque fois qu'il voyait des couteaux ou des ciseaux : « Je pourrais me couper le pénis. » La premicre de ces deux impulsions avait été exprimée a l'origine : « Je pourrais tuer ma mcre »; son extension aux autres femmes était déjr une déformation par généralisation.
Le patient vivait une vie solitaire, et son unique issue sexuelle consistait en des reves dans lesquels il se voyait étranglant ou tuant des femmes. Ainsi, son impulsion a tuer des femmes était une expression détournée de ses désirs incestueux. En éliminant cette déformation, on peut établir que ce patient souffrait de deux impulsions: attaquer sexuellement sa mcre et se couper le pénis. Ces impulsions peuvent etre comprises en tant que symptômes biphasiques: la premicre moitié présente la gratification du souhait oedipien, la deuxicme la punition redoutée.
Des symptômes inintelligibles deviennent intelligibles lorsque leur histoire est étudiée. La forme originelle dans laquelle ils apparurent est plus prcs de la signification inconsciente. Un symptôme peut etre une allusion a un événement du passé du patient ; cette allusion ne peut pas etre comprise aussi longtemps que le contexte entier n’est pas connu.
Avant d'aller au lit, un patient était obligé de passer un long moment a ouvrir et a fermer sa fenetre. Ce symptôme était d'abord apparu quand, adolescent, lui et son compagnon de chambre se battirent pour savoir si la fenetre serait ouverte ou non. Ainsi, cette compulsion signifiait: « Lequel de nous gagnera ? Lequel de nous est le plus fort ? »
Avec cette formule comme point de départ il devint clair, en dernicre analyse, que le problcme de ce patient était mobilisé par la tentation homosexuelle survenue du fait du partage de cette chambre avec son ami. La question réelle était de savoir s'il devait rentrer en compétition avec les hommes ou se résigner a subir leur loi d'une façon soumise et féministe. La névrose obsessionnelle de ce patient prenait racine dans ces faits.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
La régression dans la névrose obsessionnelle
L'exemple d'une expression ouverte de souhaits œdipiens, dans laquelle le patient ressentait les deux impulsions de tuer les femmes et de se couper le pénis, est typique de la façon par laquelle les désirs incestueux sont déformés dans la névrose obsessionnelle. Le patient parle de « tuer » sa mcre quand il veut dire en fait « avoir des rapports sexuels» avec elle. Les reves sexuels du patient étaient d'une nature sadique évidente. Il n'y avait pas ainsi seulement un attachement infantile a la mcre, mais également une déformation spécifique de type sadique de cet attachement.
Des tendances ouvertes ou dissimulées a la cruauté, ou des formations réactionnelles contre elle, sont des composantes constantes de l'obsession. On y trouve, avec une constance égale, des impulsions érotiques anales et les défenses dirigées contre ces impulsions. Cette association constante de traits de cruauté et d'érotisme anal chez les obsédés, sur laquelle Jones attira le premier l'attention, fut ce qui convainquit Freud de la parenté étroite de ces deux types de phénomcne, et de l'existence d'un stade d'organisation sadique-anal » de la libido.
Les idées refoulées, dans l'hystérie, restent inaltérées dans l'inconscient et continuent a exercer, de lr leur influence ; ce fait existe également dans l'obsession dans la mesure ou le complexe d’œdipe est a la base du symptôme compulsif, mais il apparait en outre dans cette affection de trcs fortes tendances sadiques-anales tirant leur origine du stade précédent de développement libidinal, tendances régulicrement efficientes et combattues.
L'orientation sadique-anale de l'obsédé peut, en rcgle générale, etre aisément reconnue dans le tableau clinique, une fois l'attention attirée sur ce point. Les obsédés sont, en général, en butte a des conflits entre l'agressivité et la soumission, la cruauté et la gentillesse, la saleté et la propreté, l'ordre et le désordre. Ces conflits peuvent s'exprimer dans l'apparence extérieure et dans le comportement manifeste, alors qu'il est invariablement répondu aux questions concernant la vie sexuelle : « Aussi loin qu'on peut voir, tout est en ordre.» Les fonctions physiologiques semblent etre en ordre, étant isolées de leur contenu psychologique; la décharge physiologique de l'activité sexuelle du patient n'est pas une décharge adéquate a sa tension sexuelle, réellement exprimée dans ses idées sur la cruauté et la saleté.
Quelquefois, l'orientation sadique-anale se révcle sous la forme de formations réactionnelles, telles que, par exemple, une bonté surcompensée, un sens exagéré de la justice ou de la propreté, une incapacité a la moindre agression, une méticulosité pour tout ce qui est en relation avec l'argent. Un mélange de formations réactionnelles et d'impulsions directes sadiques-anales peuvent donner une apparence contradictoire au comportement du patient.
Le patient est simultané ment ordonné et désordonné, propre et sale, bon et cruel. Un patient, non analysé, se plaignit a la premicre entrevue de présenter ce syndrome compulsif: il était obligé de regarder constamment derricre lui, craignant continuellement d'avoir omis quelque chose d'important. Les idées suivantes étaient prédominantes: il pouvait avoir oublié une picce de monnaie dans un coin, blessé un insecte en marchant dessus ou un insecte tombé sur le dos pouvait avoir besoin d'aide.
Le patient craignait tout autant de toucher les objets de peur de les détruire. Il n'avait aucune vocation, ses compulsions empechant le moindre travail, mais il avait une passion: nettoyer les maisons. Il aimait rendre visite a ses voisins et nettoyer leur maison, juste pour s amuser. Un autre symptôme fut encore décrit par ce patient: il était toujours préoccupé par l'état de ses vetements.
Il déclara également que la sexualité ne jouait qu'un faible rôle dans sa vie; il avait des relations sexuelles deux ou trois fois par an, exclusivement avec des filles auxquelles il ne portait aucun intéret. Plus tard, il mentionna qu'étant enfant il trouvait sa mcre dégoutante et était effrayé a l'idée de la toucher. Ceci n'était nullement justifié, sa mcre étant une jolie et agréable personne. Ce tableau clinique montrait l'orientation sadique-anale de la sexualité de ce patient, la peur incestueuse étant a' la base de cette déformation.
La pierre angulaire de l’obsession : une régression au stade sadique-anal
L'orientation sadique-anale des obsédés devient naturellement en analyse encore plus claire. Tous les obsédés, a établi Freud, ont des rituels scatologiques secrets, qui sont en partie des jeux érotiques anaux et en partie des réactions contre ces jeux. W. C. Menninger a réuni les types les plus fréquents de rituels scatologiques. Les patients sont toujours en garde contre leurs tendances inconscientes anales mélangées a l'hostilité, par exemple contre la pulsion a jouer a des jeux sales avec leurs camarades.
Ainsi, Freud a établi que l'organisation instinctuelle des obsédés ressemble a celle des enfants dans la phase sadique-anale de leur développement. Cela semble contredire l'observation typique que les obsédés sont engagés dans une lutte défensive contre le complexe d’œdipe, dont la crise maximale n'est pas atteinte avant la période phallique.
Une autre contradiction apparente réside dans le fait qu’en dépit du sadisme anal, beaucoup de compulsions sont étroitement en relation avec la masturbation. L'explication de ces apparentes contradictions se trouve dans le concept de régression. On a l'impression que les impulsions sadiques anales croissent aux dépens du complexe d’œdipe originellement phallique. Les impulsions génitales oedipiennes décroissent en force pendant que les impulsions sadiques-anales augmentent. Le patient tentant de refouler le complexe d’œdipe, régresse en partie au niveau sadique-anal.
Cependant, l'obsédé n'est pas coprophile. Etant donné que ses impulsions sadiques-anales sont également intolérables, ou parce qu'en régressant jusqu'r elles l’élément offensif du complexe d’œdipe ne s’est pas complctement éliminé, le patient doit combattre a leur tour les impulsions sadiques-anales. L'interpolation de la régression fait de l'obsession une névrose plus compliquée que l'hystérie.
La théorie de Freud disant que la régression au stade sadique-anal forme la pierre angulaire de l'obsession peut expliquer bien des faits qui autrement, seraient contradictoires. Il est maintenant compréhensible que les impulsions refoulées dans l'obsession soient composées de tendances oedipiennes phalliques et d'impulsions masturbatoires d'une part et qu'elles soient, néanmoins, de nature sadique-anale d'autre part. La défense a été, en premier, dirigée contre le complexe d’œdipe phallique et l'a supplanté par le sadisme anal ; puis la défense a continué contre les impulsions anales.
Eviter l’angoisse « anale » de castration
L'analyse peut montrer, occasionnellement, un réel processus de régression pouvant ainsi prouver que l'obsession s’installe aprcs lui. Une fille souffrait de la peur obsessive qu'un serpent sorte de la toilette et lui rentre dans l'anus. En analyse il apparut que cette peur s’était d'abord présentée sous une autre forme: elle craignait que ce serpent fat dans son lit. Pour la protéger de l'anxiété phallique, une régression s'était opérée; la localisation de la peur fut transportée du lit a la toilette, des organes génitaux a l'anus.
Un garçon, pendant sa période de latence, fut pris d'une angoisse immense chaque fois qu'il était en érection. Il déclara qu'il avait peur de blesser son pénis. Il prit l'habitude de se masturber chaque fois qu'il avait une érection, dans le but de la faire cesser. Cette façon d'agir créa de nouvelles angoisses. Plus tard, il présenta le besoin urgent et fréquent d'uriner et de déféquer. Puis, aprcs cela, se développa une névrose obsessionnelle intense. Il est évident qu'au début les impulsions génitales s'imposaient d'elles-memes en dépit de la crainte menaçante de castration, puis elles furent remplacées par des désirs prégénitaux; la névrose obsessionnelle n’apparut qu'aprcs la régressions au stade anal.
Une preuve plus indirecte mais presque expérimentale de la régression sadique-anale dans l'obsession est fournie par les cas rares dans lesquels l'hystérie, aprcs renonciation de la génitalité, est remplacée par une névrose obsessionnelle. Freud observa ce processus chez une femme qui, a cause de circonstances extérieures, cessa d'accorder la moindre valeur a sa vie génitale. On peut fréquemment observer un processus similaire aprcs la ménopause, la régression étant provoquée alors par des facteurs organiques.
L'opération de régression peut etre également prouvée dans les cas ou son but défensif échoue. Quoique transférant son intéret au domaine anal, le patient, dans de tels cas, ne réussit pas a éviter la peur de castration. Il développe, a la place, ce qu'on pourrait appeler une crainte anale de castration. Un tel patient peut arriver a ne pouvoir déféquer autrement qu'en petites quantités informes, essayant ainsi de « perdre un organe». Le matériel traité par Freud sous le titre de l'équation symbolique fcces = pénis doit son origine, en partie, a cette régression.
Quelques-unes des craintes typiques en rapport avec les w.-c. chez les enfants et les obsédés, telles que crainte de tomber dans les toilettes ou d'etre mangé par quelque monstre sorti de la', ou encore la crainte rationalisée d'y etre infecté apparaissent, en analyse, comme des angoisses de castration. Un enfant, dont les craintes diverses pouvaient se ramener a la crainte de voir disparaitre ses excréments, exprimait ainsi sa peur de voir son pénis disparaitre en meme temps, de la meme façon.
Comme dans les peurs orales, le fait que les craintes anales couvrent des angoisses de castration ne contredit pas la nature autonome des craintes prégénitales. Cette déformation de l'angoisse de castration est régressive, formée par la remobilisation de vieilles angoisses prégénitales sur la perte des maticres. Il est souvent trcs difficile de déterminer quelle fraction d'angoisse anale représente l'anxiété prégénitale originelle; il est d'ailleurs possible qu'elle participe a l'angoisse de castration dcs le début (les expériences prégénitales du sevrage, de la séparation des maticres fécales, sont des avant-coureurs archadques de la crainte de castration).
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Erotisme anal et bisexualité
C'est toujours une source récurrente de surprise de voir apparaitre en analyse, aprcs la découverte d'un monde sadique-anal datant des premicres années de la vie, un matériel réprimé encore plus vieux, d'orientation purement phallique, qui avait été disloqué par l'angoisse de castration. Il est important de ne pas se tromper en prenant ce matériel nouvellement apparu en référence avec des impulsions sadiques-anales, pour un ensemble de souvenirs datant du stade anal.
Trcs souvent, il n'est pas d'origine, mais de nature régressive. Il vient aprcs la phase phallique du complexe d’œdipe et l'organisation prégénitale originelle date encore d'avant. Le matériel clinique dans lequel les idées et le mode de comportement appropriés au niveau génital se trouvent entremelés avec un matériel sadique-anal est abondant. Certains obsédés, par exemple, ne perçoivent la sexualité que sur un mode anal, comme une affaire de salle de bains; d'autres considcrent ce sujet comme une affaire financicre pouvant s'exprimer par des fantasmes de prostitution ou comme une maticre de propriété.
Un homme peut s'attacher surtout, pendant les relations sexuelles, a retenir l'éjaculation aussi longtemps que possible, quelquefois avec l'idée de faire durer le plaisir, d'autres fois avec l'idée de préserver le semen ; cette façon d'agir peut quelquefois etre rationalisée, le patient pensant augmenter ainsi la jouissance de sa partenaire ; l'analyse montre qu'il fait, avec son semen, ce qu'il avait fait - auparavant avec ses fcces. Toujours dans d'autres cas, la déformation sadique de la vie sexuelle enticre est plus visible que la déformation anale.
Pour certains obsédés, les relations sexuelles ont la signification d'un combat dans lequel un vainqueur castre une victime. Ne pas etre la victime peut représenter tout l'intéret sexuel du patient male de cette espcce (il semble d'ailleurs qu'il ne réussit jamais complctement a atteindre ce but) ; des patientes peuvent avoir le désir ardent de voir et de toucher des organes génitaux males ; dans ce souhait est contenu le désir dissimulé de les détruire.
L'effet immédiat de la régression est double :
le sadisme se combine avec l'hostilité oedipienne ressentie contre le parent du meme sexe et impose de nouvelles taches défensives au Moi ;
l'érotisme anal émergeant change le but sexuel et, de cette façon, le comportement de la personne. L'érotisme anal est toujours, comme il l'a été établi, de nature bisexuelle, l'anus pouvant etre un organe actif dans sa fonction d'expulser et un organe creux, pouvant etre stimulé par un objet pénétrant.
Des hésitations entre l'attitude masculine originelle, maintenant renforcée et exagérée par la composante sadique-anale et l'attitude féminine représentée par la composante passive de l'érotisme anal forment un conflit des plus typiques dans l'inconscient de l'obsédé male. L'attitude oedipienne phallique est inhibée par l'idée que sa satisfaction entrainerait la perte du pénis. La régression impose une attitude féminine, sans détruire complctement l'attitude masculine originelle.
L'importance accordée simultanément, dans l'éducation moderne, a l'indépendance et a la soumission, augmente le conflit entre les désirs passif-féminin et actif-masculin dans l'obsession. Une activité superficielle peut s'établir en réaction contre une plus profonde passivité, et vice versa. Une passivité réelle peut, de nombreuses façons, passer pour de l'activité.
Un compromis normal de cette espcce est l'amour d'identification du garçon a son pcre; en étant temporairement féminin envers lui, il obtient une promesse de participation future a sa masculinité. Cette «psychologie de l'élcve' passif en vers le maitre, dans le but de devenir plus tard maitre lui-meme, est ouverte a quelques déformations pathologiques.
Le but des désirs féminins des obsédés n'est évidemment pas d'etre castré, mais exprime plutôt le souhait de retenir quelque chose inséré dans le corps. L'idée que ce désir n'est pas en lui-meme une protection de tout repos contre la castration, et que bien au contraire cette dernicre peut etre une condition préalable a sa satisfaction, provoque une angoisse intense et fournit en retour le motif a une défense plus serrée.
C'était la situation de « l'Homme aux Loups» refoulant son complexe d’œdipe inverti par peur de la castration. Sa peur d'etre mangé par le loup exprimait a la fois ses désirs féminins envers son pcre et l'angoisse de castration en rapport avec ces désirs. De cette façon, toute satisfaction sexuelle peut devenir si liée avec d'angoissantes idées de castration qu'elles deviennent inconcevables l'une sans l'autre.
Le patient se comporte souvent comme s'il recherchait inconsciemment la castration, ce qu'il cherche réellement est quelque chose apportant une fin a l'angoisse prohibant son plaisir. La « castration » vraiment recherchée est soit une castration symbolique, un moindre mal pret a etre supporté par le patient afin d'éviter la castration complcte, soit une anticipation active de ce qu'il voudrait vivre passivement. Aprcs une manifestation symbolisant la castration, le patient, fréquemment, entreprend la démonstration contraire au moyen d'un rituel. De meme que la bisexualité, l'ambivalence est une caractéristique de l'augmentation de l'érotisme anal.
Une ambivalence marquée envers les relations objectales est typique des stades du développement prégénital libidinal, et elle reparait avec l'abandon de l’organisation génitale. Pour autant que la fixation anale soit une pré condition de la régression anale, les deux qualités associées avec cette dernicre, l'ambivalence et la bisexualité, peuvent etre considérées comme préconditions de la régression. Mais pour autant que la régression intensifie et rende persistante l'orientation sadique-anale, la bisexualité et l'ambivalence, attributs de cette orientation, sont des résultats de la régression.
Dans l'hystérie de conversion avec symptomatologie intestinale, la régression est limitée au choix de l'organe affecté, utilisé a exprimer des fantasmes génitaux. Il en est autrement dans l'obsession. Lr, une régression complcte au monde des désirs et des attitudes anaux prend place et change complctement le comportement. Fréquemment meme, l'orientation olfactive caractéristique des enfants au stade anal et perdue chez les adultes normaux, réapparait chez les obsédés. Souvent la régression ramcne plus ou moins des traits narcissiques, la bisexualité augmentée permettant des fantasmes d'union sexuelle avec soi-meme. Il existe des états de transition entre les névroses obsessionnelles et les psychoses maniaco-dépressives et les schizophrénies.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Des systcmes compulsifs destinés a surmonter l’angoisse
L’ordre, mesure de protection contre les dangereuses exigences instinctuelles lors de la période érotique anale reprend cette fonction protectrice au cours d'une névrose obsessionnelle postérieure. L'obsédé menacé par la rébellion de ses exigences sensuelles et hostiles (déformées par la régression), se sent protégé aussi longtemps qu'il se comporte de façon ordonnée, en particulier en ce qui concerne l'argent et le temps. Cependant les pulsions sadiques-anales sabotent en général cet ordre, s'accrochant au « systcme » ; elles réapparaissent sous forme de désordre ou d'événements troublant le systcme, ou elles peuvent s'infiltrer dans le syndrome d'ordre lui-meme.
Lucille Dooley, dans un article intéressant, concernant l'ordre et les systcmes des obsédés en rapport avec le temps, montre que tout écart a cette routine signifie inconsciemment le meurtre et l'inceste. Beaucoup d'obsédés ont un vif intéret pour toutes sortes d'emploi du temps. Ils peuvent meme régler leur vie enticre sur des emplois du temps systématisés. Aussi longtemps que les obsédés réussissent a régler leur vie sur des horaires, ils sont surs de ne pas commettre les péchés redoutés et aussi longtemps qu'ils savent a l'avance ce qu'ils feront, ils peuvent surmonter la crainte provoquée par leurs tendances a faire ce dont ils ont peur.
« L 'orientation dans le temps » est une mesure de réassurance typique. Plus d'une peur de la mort a le sens d'une crainte d'un état dans lequel la conception usuelle du temps n'est plus valide. Lorsque l'orientation dans le temps devient plus difficile - crépuscules, longues nuits d'hiver et meme les longs jours d'été - les obsédés s'effraient. Cependant les peurs de cette espcce ont parfois pris racine simplement a l'occasion d'événements effrayants, ayant eu lieu pendant l'enfance, a ce meme moment de la journée.
La compulsion, comme telle, est utilisée comme protection similaire; elle garantit contre la menace venant d'une dangereuse spontanéité. Toute chose exécutée de façon compulsive l'est comme une routine, en accord avec un plan préarrangé, duquel les impulsions répréhensibles sont sensées etre exclues. Aussi longtemps que les rcgles sont suivies, rien de mauvais ne peut arriver. L'obsédé est cependant conscient de l'existence de ses instincts. Il ne peut jamais parvenir a la certitude satisfaisante qu'il suit les rcgles, que ces rcgles sont aptes a englober toutes les possibilités, et qu'il les connait toute suffisamment.
Les choses se compliquent lorsque la présence d'autres personnes, témoins nécessaires pour garantir la validité des exigences compulsives d'ordre et de rcgles précises, est devenue indispensable. Le patient se sent, non seulement obligé de s'astreindre lui-meme a un ordre systématique, mais il requiert des autres la meme conduite. Les autres, en rcgle générale, refusent de se soumettre a son systcme.
Ceci augmente son hostilité et il essaie des moyens divers pour les y obliger ; il prend peur de l'hostilité exprimée dans ses tentatives et cette peur, en retour, augmente son besoin de rcgles précises ; un cercle vicieux est ainsi constitué. Les choses se compliquent encore plus lorsque les systcmes de plusieurs obsédés viennent a s'entrechoquer. Comme l'obsession a son origine dans une augmentation de l'érotisme anal, en partie déterminée par des facteurs constitutionnels, plusieurs cas d'obsession surviennent fréquemment dans la meme famille. De sévcres troubles familiaux peuvent se créer de cette façon.
Exclure toute possibilité de surprise et forcer autrui a l’approbation
Il existe une névrose obsessionnelle faisant le pendant de la pseudologie. Certains patients estiment compatibles de grossicres altérations de la réalité avec leur exactitude obsessive, et meme avec un fanatisme obsessif pour la vérité ; ces falsifications, conformément a la tendance compulsive du déplacement au petit détail ne concernent que des petits détails peu importants. Les petites modifications réelles de la vérité en représentent de plus grandes ayant pour but d'obliger le monde a rentrer dans un systcme défini.
Les faits sont supposés etre non pas conformes a la réalité, mais tels qu'ils sont exigés par le systcme compulsif. La falsification exprime également l'envie de faire peser ce meme systcme sur les autres : « Vous devez voir les choses non pas avec vos propres yeux, mais comme je vous le montre. » Une violence de cette espcce exercée sur le compagnon, peut satisfaire le sadisme et l'obstination anale de l'obsédé. Le but principal d'un tel comportement est cependant plus spécifique.
Freud a comparé les souvenirs spontanés de la précoce enfance avec la création des mythes falsifiant l'histoire dans un sens de réalisations de désirs. Dans ces tentatives compulsives destinées a forcer l'acquiescement des témoins au systcme obsessif, la création de tels mythes peut etre observée directement.
L'adhérence des patients a leurs systcmes ne signifie nullement qu'ils soient capables de les maintenir ; une fois de plus ce qui a été refoulé fait son entrée dans la méthode de refoulement. De plus en plus le patient sent que ce systcme dans lequel il voudrait maintenir tout le monde a été violé ; il peut alors réagir en essayant d'augmenter la rigidité du systcme, mais il n'est jamais sur que les exigences de son systcme soient enticrement remplies.
L'isolation de choses représentant des tendances inconscientes, liées a l'origine l'une a l'autre, est exigée. C'est pourquoi ces patients voient une séparation du type « ou - ou bien » en fait de la relation « similaire a ».
Un obsédé joueur d'échec s'occupait pendant des heures a essayer de résoudre ce problcme: devait-il utiliser plus de stratégie ou plus de tactique ? Il pensait a cela uniquement de façon abstraite, jamais dans une situation concrcte ou au cours du jeu. Son idée « ou - ou bien » lui faisait en fait perdre chaque partie. Le doute réel prenait origine dans le doute inconscient: devait-il vaincre son adversaire ou se faire vaincre par lui, devait-il adopter une attitude virile ou féminine ?
La « compulsion névrotique a mettre des étiquettes» rapportée par Graber est en rapport avec ce mode de conduite. Les obsédés ont tendance a faire de fausses généralisations, a classer en toute hate les idées en catégories s'excluant réciproquement, et, par la suite, a sombrer dans le doute quant a la nature et l'évaluation de ces catégories. « Je connais déjr a quelle catégorie ce phénomcne appartient » signifie en général : « Ce n'est pas une tentation ou une punition, je n’ai pas de raisons de le craindre.» Plus un événement est surprenant, plus il est dangereux. La systématisation compulsive tend a exclure toute possibilité de surprise et de falsifier tout événement en « choses déjr connues ».
Ordonner l'inconnu dans des catégories connues est l’œuvre de la science. La systématisation compulsive, entreprise non dans le but de maitriser la réalité, mais pour dénier et falsifier certains de ses aspects, est une caricature de la science.
L'obsédé est ambivalent; il l'est meme envers ses propres systcmes et régies. Quand il prend partie contre ses pulsions dangereuses, il a besoin de rcgles de systcmes pour le protéger. Quand il se tourne contre son Surmoi, il se tourne également contre ces systcmes et rcgles institués par le Surmoi. Il peut se rebeller ouvertement contre eux, ou il peut les ridiculiser en en montrant leur absurdité.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
D'autres mécanismes de défense : Isolation, annulation et formation réactionnelle
L'altération typique du caractcre des obsédés n'est pas toujours due directement a la régression. Elle est aussi causée par l'emploi d'autres mécanismes de défense : la formation réactionnelle, l'isolation et l'annulation. L'utilisation de ces mécanismes dépend également, il est vrai, de la régression pathognomonique, la formation réactionnelle, l'isolation et l'annulation étant beaucoup plus destinées a combattre des désirs prégénitaux, alors que le refoulement est un mécanisme plus en rapport avec la génitalité. Les formations réactionnelles sont profondément enracinées dans chaque personnalité obsédée. En combattant une hostilité inconsciente, l'obsédé tend a etre une personne agréable dans tous ses rapports et de façon générale. Ceci peut lui apporter une grande satisfaction narcissique rendant malheureusement difficile le traitement psychanalytique.
Les formations réactionnelles sont cependant rarement efficaces l'esprit de l'obsédé reste occupé par la lutte perpétuelle entre la formation réactionnelle et l'impulsion originelle toujours effective.
Quelques exemples supplémentaires d'isolation typiques peuvent etre donnés. Un patient présentant des doutes obsessifs, trouvait trcs difficile de se soumettre a la cure analytique, protestant violemment contre la rcgle fondamentale de l'association libre. Il apparut qu'il agissait ainsi afin de garder secrcte l'existence d'une petite amie - non parce qu'il se refusait a en parler, mais parce qu'au cours de son traitement il avait parlé de masturbation, et il souhaitait que l'image de cette amie fat éloignée de tout ce qui pouvait avoir rapport avec la masturbation.
Il sentait qu'il pourrait parler d'elle si, pendant la meme séance, il était sur de ne pas penser a la masturbation. Plus tard, il apparut combien cette isolation avait peu réussi; un symptôme compulsif ressenti douloureusement par le patient et dissimulé a grand peine était l'obligation de penser « petite putain » chaque fois qu'il voyait cette jeune fille, ou qu'il entendait son nom. Ce symptôme provenait d'exigences instinctuelles incestueuses contre lesquelles le Moi se défendait. Ceci est un exemple de tentative infructueuse d'isoler la tendresse de la sensualité.
Il était intéressant d'observer comment le patient, qui avait des tendances aux réactions paranoddes, combinait dans ses défenses contre l'instinct les mécanismes d'isolation et de projection. Une fois, pour démontrer l'absurdité de la psychanalyse, il déclara que l'association libre était un non-sens, les gens n'ayant que les pensées qu'ils désiraient, puisque la pensée « petite putain » n'était pas voulue par lui.
Quelques jours plus tard il accusa l'analyste de sensualité et de vulgarité, de traiter son amie de petite putain, et de faire mauvais usage de sa confession en lui trouvant un comportement vil. Quelquefois, les obsédés effectuent une remarquable isolation au moyen du mariage. Ils décident que leur vie conjugale n'a aucun rapport avec leur sexualité infantile. « Maintenant je suis marié, je n 'ai plus a me tourmenter au sujet de la sexualité. » Ces mariages ne peuvent etre heureux. Les patients érigent de sévcres obsessions et compulsions dcs que les désirs sexuels infantiles apparaissent dans le mariage, en dépit de l'isolation.
Il a été dit que le cas spécial le plus important d'isolation consiste dans l'isolation du contenu idéique de son investissement libidinal. Les cas typiques d'obsession apparaissent froids, abstraits et sans émotion ; en fait, leurs émotions peuvent trouver expression par quelque voie incongrue.
L'exemple d'une telle isolation est donné par un patient qui notait qu'il ne devait pas « oublier qu'il était en colcre ».
Les difficultés présentées par les obsédés dans la pratique de la libre association pendant l'analyse, sont dues a leur penchant a l'isolation. Ils ne peuvent pas associer librement, étant toujours en garde pour ne pas relier entre elles des choses qui auparavant étaient en contact. Ils ne peuvent pas se laisser surprendre, soit par des sentiments, soit par des perceptions qui n'ont pas encore été classés en catégories.
Cette façon de penser par classement en catégorie est une caricature de la pensée logique. Cette dernicre est aussi basée sur l'isolation, mais l'isolation logique est au service de l'objectivité, l'isolation compulsive au service de la défense. L'isolation, comme il l'a déjr été dit, est en rapport avec l'ancien tabou du toucher.
De nombreux symptômes obsessionnels ont pour but de déterminer les objets qui peuvent ou ne peuvent pas etre touchés. Les objets représentant les organes génitaux ou la saleté. Les choses « propres » ne peuvent communiquer avec les « sales ». Une application du tabou du toucher a la peur magique du changement d'une situation pour une autre est présente dans les fréquents rituels du seuil.
Fréquemment, l'isolation sépare les constituants d'un ensemble les uns des autres, alors que des personnes non obsédées n'auraient remarqué que l'ensemble et non les constituants. C'est pourquoi les obsédés ont fréquemment l'expérience de sommes et non d'unités, et bien des traits du caractcre compulsif s'expriment exactement dans les termes « inhibition de l'expérience de la Gestalt ».
Répétitions et « chiffres favoris »
il existe encore la « répétition » en tant que forme d'annulation. L’idée contenue dans l'annulation est la nécessité de répétition d'une action dans un but différent. Ce qui a été fait avec une intention instinctuelle peut etre refait sur l'instigation du Surmoi. Les instincts refoulés cependant, tentent de pénétrer également dans la répétition aussi, la répétition doit etre répétée.
En général, le nombre de répétitions augmente rapidement. Les « chiffres favoris », dont le choix peut avoir une raison inconsciente séparée, sont déterminés et rcglent le nombre de répétitions nécessaires ; en dernier lieu, les répétitions peuvent etre remplacées par le fait de compter.
Les chiffres favoris sont, en régie générale, toujours les memes. Ce ne sont que les memes chiffres qui peuvent donner la garantie que ni les instincts, ni le Surmoi l'emporteront. La plupart des compulsions « symétriques » ont la meme signification.
On aurait tort cependant de croire que le compter « compulsif » est toujours ainsi motivé. Compter peut avoir des sens variés. Il représente fréquemment le compter des secondes, c'est-r-dire du temps. Le besoin de mesurer le temps peut avoir plusieurs déterminants. Quelquefois c 'est un moyen de rendre une isolation certaine. Il peut etre interdit de commencer une activité aprcs une autre, et compter assure ainsi l'intervalle nécessaire. Les connexions de base entre le temps et l'érotisme anal ont déjr été mentionnées. La mesure du temps, a l'origine espace de temps entre deux défécations, peut etre utilisée comme moyen de défense contre la tentation de la masturbation anale et peut éventuellement devenir un substitut de masturbation anale.
Le compter compulsif peut etre également une défense contre des souhaits de meurtre; en comptant on s'assure que rien ne manque. Mais la défense peut etre envahie par l'impulsion, et le compter devenir, inconsciemment, un équivalent de tuer; il peut etre alors refoulé a son tour. Ceci est facilité par le fait que compter a, en lui-meme, la signification de prise de possession, de maitrise; compter peut signifier « compter ses propres possessions ».
Un exemple simple du mécanisme de l'annulation est la compulsion névrotique fréquente du lavage. Le lavage est rendu nécessaire pour annuler une action sale antérieure (réelle ou imaginaire).
Cette action dégoutante est, en régie générale, la masturbation ou, plus tard, une idée de possibilité éloignée de masturbation. La régression anale est responsable de la conception sale de la sexualité. La masturbation anale dans l'enfance était, de fait, trahie par des mains sales et malodorantes; cette possibilité de trahison peut etre évitée par le lavage. Occasionnellement, des obsédés peuvent faire disparaitre tous leurs scrupules en se baignant et en changeant de vetements, les mauvais sentiments étant conçus comme de la saleté pouvant etre supprimée par le nettoyage.
Le bain rituel, comme moyen de nettoyage des péchés, est aussi un procédé d'annulation. Il est probable que c'est pour cette raison que le cérémonial névrotique, durant la période de latence, est si souvent en rapport avec le lavage. Les enfants obstinés qui refusent la toilette, refusent, en réalité, l'abandon des impulsions instinctuelles plaisantes. Il est vrai cependant que les rituels en rapport avec le déshabillage et le coucher sont aussi prévalents pour une autre raison: cette occasion présente une tentative de se masturber.
Un exemple de déplacement : la « rumination mentale »
Bien des symptômes typiques d'obsession luttent pour défaire des actions agressives, en général imaginaires. Cette intention est quelquefois manifeste, comme dans la fermeture compulsive des robinets a gaz, ou dans l'éloignement des pierres de la route ; quelquefois, l'intention de pénitence se révcle pendant l'analyse dans de nombreux symptômes. Il n'y a pas de fronticre nette entre les symptômes de pénitence et les sublimations créatrices réalisées comme actions antagonistes de désirs sadiques infantiles.
L'usage de la régression, de formations réactionnelles, d'isolation et d'annulation, rend superflu l'emploi du mécanisme de défense du refoulement. Ceci répond a la question : comment se fait-il que, dans l'obsession, des impulsions offensives parviennent a la conscience ? L'impulsion consciente de tuer, par exemple, est, par l'isolation, tellement éloignée de l'impulsion motrice, qu'elle n'a aucune chance de se matérialiser et peut devenir consciente en toute tranquillité.
C'est pourquoi, lorsque l'idée devient consciente, elle est dénudée de toute émotion. Le résultat de la rupture de la connexion originale est que la connaissance spontanée des événements pathogcnes de l'enfance ne peut pas etre utilisée directement par l'analyse. Aussi longtemps que les émotions correspondantes manquent, l'analyste ne sait pas plus que le patient quels souvenirs de l'enfance sont importants et en quoi réside leur importance ; meme s'il en est averti, il ne peut en informer le patient avant que ce dernier n'ait surmonté sa résistance contre la vision de cette connexion.
Le manque de refoulement dans l'obsession est cependant tout relatif. Les compulsions et les obsessions elles-memes peuvent entreprendre un processus de refoulement secondaire. Quelquefois les patients ne peuvent pas expliquer en quoi consistent leurs compulsions, ces dernicres ont des qualités vagues, incolores, embrumées, et il faut un certain temps de travail analytique pour dégager la compulsion du refoulement et la rendre compréhensible.
Quelquefois, les symptômes compulsifs sont secondairement refoulés, le patient ne les sentant plus appropriés a son systcme c'est-r-dire ne représentant plus uniquement des formes défensives, mais également des impulsions qui s'y sont introduites. En essayant d'approprier ses compulsions a son systcme, il falsifie et obscurcit leur contenu originel. Ses propres compulsions, comme le monde entier, doivent s'adapter a son systcme qui est sa seule garantie de sécurité.
Le déplacement dans l'obsession est souvent un déplacement au petit détail. Bien des obsédés s'inquictent de petites choses, apparemment insignifiantes ; a l'analyse ces petites choses apparaissent comme étant de grosses choses. La plus connue est la « compulsion a penser » (Gruebelzwang) dans laquelle le patient est obligé de passer des heures a ruminer des pensées abstraites.
Ce symptôme a son origine dans une tentative d'éviter des émotions répréhensibles par la fuite du monde des émotions dans celui des concepts intellectuels et des mots. Cette fuite échoue, les problcmes intellectuels dans lesquels le patient cherche une échappatoire a ses émotions acquérant, par un retour du refoulé, une valeur émotionnelle élevée.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Le double front du Moi dans l’obsession
Les mécanismes de défense caractéristiques de l'obsession ne tirent pas uniquement leur spécificité de leur nature mais également de leur utilisation. La prépondérance relative de la dépendance du Moi au Sur-moi dans cette névrose rend compréhensible, non seulement l'obligation d'obéir au Surmoi en éloignant les exigences instinctuelles, mais également sa tentative de rébellion contre lui. Le Moi peut employer contre le Surmoi, les mesures déjr employées contre les impulsions du Ça.
Cette activité nécessite également une dépense continuelle d’énergie. Il a été mentionné que l'idée compulsive « Si vous faites ceci ou cela votre pcre mourra» est la prise de conscience d’un avertissement du Surmoi : « Si vous faites ceci ou cela, vous pouvez etre tenté de tuer votre pcre. » Le Moi peut réagir a une telle menace par une contre menace. Lorsque « l'Homme aux Rats » eut sa premicre expérience sexuelle, il eut l'idée obsessive : « C'est splendide ! On tuerait son pcre pour ça. »
En fait, le Moi se conduit avec le Surmoi comme il le lit nagucre avec ses éducateurs : en obéissant ou en se rebellant ou les deux a la fois. L'ambivalence du Moi envers le Surmoi est a l’origine des fréquents symptômes religieux de l'obsession.
Le conflit ambivalent avec le Surmoi peut etre mieux observé quand il produit un comportement en deux temps ; le patient se comporte alternativement comme s'il était un méchant garçon et tout de suite aprcs comme un individu strictement discipliné.
Pour des raisons obsessives, un patient ne pouvait se brosser les dents. Aprcs une certaine durée de ce comportement, il se frappait et se grondait. Un autre patient transportait toujours sur lui un carnet, sur lequel il mettait des marques pour indiquer les louanges ou le blame mérités par sa conduite.
L'absurdité dans les reves a la signification d’une intention moqueuse et malicieuse du reveur. De façon similaire l’absurdité de bien des pseudo-problcmes contenus dans la pensée obsessive indique une attitude moqueuse et malicieuse du patient envers son Surmoi représenté souvent, durant l'analyse, par l'analyste. Ainsi, les absurdités du patient prolongent l'attitude de l'enfant ridiculisant son pcre.
Un patient, lors de la premicre consultation, demanda a l'analyste si le traitement le libérerait d'une pratique masturbatoire excessive. L 'analyste répondit que la réussite de la cure arrangerait également cette question. Bien des mois plus tard, le patient rapporta Cette pensée : « Je me demande comment l'analyse fera stopper ma masturbation, si je ne m'arrete pas moi-meme »; et il résolut de ne pas s'arreter pour voir comment l'analyste ferait pour le faire arreter sans effort de sa part.
Une pseudo-moralité du Surmoi chez les obsédés
La régression au sadisme anal n'a pas seulement modifié le Moi, dont le sadisme et l'ambivalence sont alors dirigés contre le Surmoi aussi bien que contre des objets extérieurs ; elle a aussi modifié le Sur-moi lui-meme, devenu plus sadique et présentant des traits automatiques et archadques, tels que l'accord, avec le principe du talion et l'obéissance a des rcgles magiques. Le sadisme du Surmoi, résultant de la régression, est augmenté par le refoulement des sentiments agressifs du Moi contre le monde extérieur.
On peut supposer qu'une personne stricte avec elle-meme et paisible, sait refouler son agressivité en raison de son attitude stricte ; en fait, le blocage de l'agression est primaire et la sévérité du Surmoi secondaire. Le sadisme non dirigé sur les objets est employé par le Surmoi dans son agression contre le Moi.
La moralité exigée par le Surmoi archadque des obsédés est une pseudo-moralité, caractérisée par Alexander sous le nom de corruptibilité du Surmoi. Si le Moi fait une concession a une pulsion instinctuelle, il peut se soumettre par des demandes d'expiation ; quand il a expié, il peut utiliser cet acte expiatoire comme une licence lui permettant une nouvelle transgression ; le résultat est une alternance d'actes instinctuels et punitifs. Le besoin d'une stabilité relative entre les deux attitudes peut s'exprimer dans les compulsions symétriques magiques.
Les compulsions symétriques ont des formes multiples. Elles consistent toutes a éviter des troubles de l' « équilibre». Tout ce qui peut arriver a' la droite doit arriver a la gauche; tout ce qui est fait en haut doit etre fait en bas; aucun compte ne doit s'arreter a' un chiffre impair, et ainsi de suite Tout cela peut avoir une signification spéciale pour chaque individu, mais a toujours le but général du maintien de l'équilibre mental contre les impulsions refoulées; tout mouvement instinctuel est annulé par le contre-mouvement symétrique.
Schilder a réuni des formes de compulsion de cette espcce, ayant leur origine dans des conflits mettant en jeu l'érotisme de l'équilibre et d'autres formes se manifestant en actions abstraites.
Pour comprendre la corruptibilité du Surmoi, on doit considérer la relation économique discutée par Rado sous le nom d'idéalisation. En se pliant aux exigences du Surmoi, le Moi gagne un plaisir narcissique pouvant entrainer avec lui une telle jouissance qu'il suspend temporairement ou affaiblit ses fonctions de juge objectif de la réalité et des impulsions.
L'idée que toute souffrance donne droit aux privilcges d'un plaisir compensateur, et qu'un Surmoi menaçant peut etre apaisé et forcé a renouveler son pouvoir de protection aux moyens de souffrances volontaires est trcs archadque. La meme idée s'exprime dans les altitudes de sacrifice et de pricres. Dans les deux pratiques, la sympathie de Dieu est achetée, et des punitions plus importantes évitées au moyen d'une acceptation active et volontaire d'un déplaisir, véritable « punition prophylactique ».
Les attitudes extremes de ce genre sont ces actions pouvant etre appelées « autocastration prophylactique ». Acheter la sympathie de Dieu peut tourner au chantage. Chez les névrosés dépressifs et impulsifs, on trouve bien des variations d'un tel chantage. Le cercle, acte-punition-nouvel acte, peut etre ultimement tracé :faim-satiété-nouvelle faim.
La vacillation entre l'acte et la punition est fréquemment exprimée par le doute obsessif signifiant, en fait : « Suivrai-je les exigences du Ça, ou celles du Surmoi ? » Certaines névroses obsessionnelles sévcres peuvent se terminer par des états dans lesquels le Moi, devenu un ballon ballotté par les impulsions contradictoires du Ça et du Surmoi, est éliminé complctement en tant qu'agent effectif.
En se défendant contre les exigences d'un Surmoi sadique, le Moi peut utiliser une rébellion contre-sadique aussi bien qu'une soumission (pour regagner les bonnes graces), ou les deux attitudes simultanément ou successivement. Le Moi semble vouloir prendre quelquefois sur lui-meme des punitions, des actes d'expiation et meme des tortures jusqu'r un degré étonnant. Ce « masochisme moral » apparait comme complément du sadisme du Surmoi, et cette soumission peut se réaliser dans l'espoir d'en user comme une licence pour une liberté instinctuelle a venir.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Un sentiment de culpabilité qui se transforme en angoisse sociale chronique
Le «besoin de punition» du Moi est, en général, subordonné a un « besoin de pardon », la punition étant jugée nécessaire pour soulager la pression exercée par le Surmoi. Un tel besoin de punition de la part d'un Moi compulsif peut cependant se condenser avec des souhaits sexuels masochiques. Alors, comme l'a dit Freud, la moralité qui est sortie du complexe d’œdipe a régressé et est redevenue le complexe d’œdipe.
Un besoin de punition n'est, en général, qu'un symptôme d'un besoin plus général d'absolution ; ceci se voit clairement dans la tentative d'atteindre l'absolution en évitant la punition par l'utilisation d'objets extérieurs en tant que témoins dans le combat contre le Surmoi.
Un patient inventa une méthode de dispenses au moyen de scrupules et de craintes hypocondriaques. Aprcs s’etre masturbé, il allait voir un médecin, s'assurant ainsi qu'il était en bonne condition physique. L 'analyse montra que le réconfort prodigué par le médecin représentait la renonciation du castrateur au droit de castrer; la déclaration de santé représentait l'absolution désirée. Cette absolution mettait fin a la mauvaise conscience du patient et rendait tout autre moyen d'annulation inutile; en particulier, le patient n'avait plus besoin de se punir.
La confiance dans les assurances d'autrui pour le maintien de l'estime de soi, détermine souvent le comportement social d'un obsédé. Le patient se sent soulagé en constatant que les autres personnes ne considcrent pas sa culpabilité comme bien grave, comme lui-meme le fait ; cela revient a dire a son Surmoi : « Ce n'est pas si mauvais, aprcs tout, puisqu'Untel et Untel ne me condamnent pas. » La peur du Sur-moi est transformée par ce procédé en peur sociale.
Cette reprojection du Surmoi est surtout exécutée par les personnes présentant des traits paranodaques, néanmoins l'analyse de simples obsédés montre fréquemment également que leur angoisse sociale est une crainte d'échec de leur tentative d'alléger leur sévcre sentiment de culpabilité. Le sentiment qu'ils sont néanmoins coupables peut se transformer en une crainte sociale chronique. Une personne qui est inconsciemment trcs agressive contre le monde extérieur a naturellement toute raison de craindre que ce monde extérieur ne l'aime pas.
Malgré que les conflits des obsédés soient enfouis plus profondément que ceux des hystériques, les obsédés essaient d'utiliser les objets pour résoudre ou soulager leurs conflits intérieurs. Les hystériques craignant la castration ou la perte d'amour vont essayer d'influencer leur entourage directement, afin de les dissuader d'agir dans ce sens l'obsédé craignant plus la perte de protection de son propre Surmoi, ayant peur d'etre obligé de se mépriser lui-meme, a besoin des autres personnes comme moyens indirects de soulagement. Peu importe ce qui est fait ou dit par les objets, tout est interprété soit en tant que pardon, soit en tant qu'accusations. Des tentatives variées, réelles ou magiques, sont exécutées dans le but d'influencer le témoignage des témoins.
Quelquefois le patient essaie simplement d'obtenir des objets des signes de sympathie, d'autres fois il attend les autres personnes qu’elles fassent ce que lui n'ose pas faire ou au contraire de ne pas faire ce que lui n'ose faire, la tentation pouvant etre trop forte.
De l'avis de Freud la base inconsciente du concept de justice est: « Ce que je n'ai pas droit de faire, personne d'autre n'a droit de le faire. » Le besoin de justice est enraciné dans la tendance d'étendre une prohibition a tout le monde. Il existe une parenté entre la «justice » et la « symétrie ». Certains désirs de justice signifient simplement : « Il est bon que ce qui arrive a la droite arrive également a la gauche », et quelquefois le désir de symétrie signifie : « La symétrie est réussie si ce qui arrive a un enfant arrive également a ses frcres et sœurs.
Freud a établi que les personnes ayant pris le meme objet comme Surmoi s'identifient les unes aux autres. En suivant Redl, nous pouvons ajouter : et les personnes utilisant le meme témoin, unies dans une identification mutuelle, sont également ainsi.
Un cercle vicieux de souffrances toujours élargi, mais peu de cas de suicides
Dans les cas extremes, le comportement du patient peut etre, en dernicre analyse, enticrement inauthentique ; quoi qu'il fasse, il le fait dans le but d'impressionner un auditoire ou un jury imaginaire.
Une dépendance ambivalente a un Surmoi sadique et la nécessité de se débarrasser a tout prix de la tension insupportable de sentiments de culpabilité sont les causes les plus fréquentes de suicide. Aussi se pose-t-on la question s'il est vrai que ces facteurs jouent un rôle dominant dans l'obsession, comment se fait-il que le suicide est si rare chez les obsédés? Freud y donna la réponse suivante :
Dans l'obsession, en contraste avec la dépression, la libido de l'individu n'est pas complctement investie dans le conflit du Moi avec le Surmoi ; une grande partie des relations objectales est préservée, et cela le préserve de la ruine ; il est meme possible que la déformation régressive de ces relations objectales restantes, c'est-r-dire leur nature sadique, contribue a cet effet favorable : étant donné que l'obsédé réussit a exprimer réellement une certaine agression contre les objets, il n'a pas besoin d'en tourner beaucoup contre lui-meme.
Néanmoins, les sentiments de culpabilité causent bien des souffrances aux obsédés. Les patients rentrent dans un cercle toujours grandissant : remords, pénitence, nouvelles transgressions, nouveaux remords. L'obsédé tend toujours a opérer de plus en plus de déplacements, d'agrandir sa symptomatologie (en analogie avec la façade phobique) et d'augmenter la signification instinctuelle des symptômes au prix de leur signification punitive.
Le besoin prévalent d'utiliser les objets pour trouver un soulagement du conflit, masquant tout sentiment direct envers les objets, n'est pas le seul facteur déformant la relation objectale des obsédés. Un second facteur est du au simple fait que la régression sadique-anale prohibe le développement d'une relation objectale adulte, produisant une attitude incertaine, ambivalente envers les objets, conflits de bisexualité et de rétention des buts d'incorporation. Une troisicme circonstance déformant la relation d'authenticité et de chaleur. Les investissements libidinaux attachés aux symptômes et aux substituts auto-érotiques sont absents quand le patient a affaire d des objets.
La pensée dans la névrose obsessionnelle
La régression au sadisme anal et le continuel conflit avec le Surmoi influencent les processus de la pensée des obsédés de façon caractéristique : la pensée devient imprégnée ou remplacée par les précurseurs archadques de ce processus. Les fantasmes des obsédés, en contraste avec les reveries visuelles des hystériques, sont verbaux et ressuscitent les attitudes archadques qui accompagnent l'usage des premiers mots.
La fonction de jugement par anticipation du Moi est facilitée énormément par l'acquisition des mots. La création de cette réplique du monde réel rend possible a l'avance le calcul et l'action dans un monde modcle précédant l'exécution de l'action réelle. Les mots et les concepts verbaux sont les ombres des choses, construits dans le but d'ordonner, par des actions d'épreuves, le chaos des choses réelles. Le macrocosme des choses réelles de l'extérieur est réfléchi dans le microcosme des choses représentées a l'intérieur.
Les choses représentées ont les caractéristiques de choses extérieures, mais manquent du caractcre « sérieux » possédé par ces dernicres et elles sont des « possessions » c'est-r-dire maitrisées par le Moi ; elles tentent de doter les choses de la « qualité du Moi » dans le but d'en obtenir la maitrise. Celui qui connait le mot pour une chose maitrise cette chose. Ce fait est le noyau de la « magie des noms » qui joue un rôle si important dans la magie en général. Il est représenté dans le vieux conte de fée de Rumpelstilzchen, dans lequel le démon perd son pouvoir une fois que son nom est connu.
Un patient connaissait plusieurs centaines de noms d'oiseaux; lorsqu'il était enfant, il craignait la cigogne, démon de la naissance et de la mort. Un enfant connaissait toutes les stations d'une ligne de chemin de fer; l'analyse montra l'existence antérieure d'une phobie pour les trains, survenue plusieurs années auparavant. Un autre enfant avait une mémoire extraordinaire des noms de personnes, façon de maitriser son angoisse sociale.
L'obsédé, craignant ses émotions, craint les choses éveillant ces émotions. Il fuit du macrocosme des choses au microcosme des mots. Craignant le monde, il essaie de reproduire le procédé par lequel enfant, il avait appris a maitriser les aspects effrayants du monde. Cependant, sous la pression des impulsions refoulées. la tentative échoue maintenant.
Quand il essaye de fuir les choses pleines d’émotion vers les mots sobres, le matériel refoulé réapparait et les mots ne restent pas plus longtemps sobres mais deviennent surinvestis émotionnellement ; ils acquicrent ainsi la valeur émotionnelle que les choses ont pour les autres personnes.
Les premiers mots acquis dans l'enfance sont magiques et omnipotents, le microcosme, n'étant pas encore différencié suffisamment du macrocosme, en posscde toujours toute la valeur émotionnelle.
La bénédiction et le juron sont des expressions de la qualité macrocosmique toujours effective des mots. Dans un développement plus avancé des facultés de penser et de parler, le monde gai, afin d'en faciliter la gestion, devient monotone. Seuls quelques termes et pensées irrationnelles restent gais tels que les reveries et les mots obsccnes. Dans l'obsession, le parler et le penser sont devenus les substituts des émotions en rapport avec la réalité ; ils reprennent ainsi leurs qualités originelles, se sexualisent et perdent toute valeur pratique.
Les mots, une fois de plus, deviennent de puissantes bénédictions ou malédictions. Ils peuvent de nouveau tuer et ressusciter. Par une simple déclaration verbale, l'obsédé croit inconsciemment qu'il peut forcer la réalité dans la poursuite du but désiré. Etant donné que les mots et les pensées sont jugés capables de tels effets, ils sont dangereux. Un mot dit au hasard pourrait rendre efficaces les pulsions sadiques refoulées avec tant de soin.
Les mots et les pensées doivent donc etre maniés avec précaution, et si nécessaire refoulés et annulés. Leur mauvais usage appelle le meme chatiment qu'une mauvaise action. Ils deviennent les substituts régressifs de l'action.
L'omnipotence des mots étant spécialement conservée dans les mots obsccnes, ceux-ci ont gardé leur pouvoir magique, obligeant le parleur et l'auditeur a expérimenter les choses mentionnées comme si elles avaient été réellement perçues ; pour ces raisons, les mois sont souvent a la base des symptômes compulsifs. Une réticence embarrassée prévenant l'émission de mots obsccnes (souvent troublée par une impulsion sacrilcge a les prononcer dans les circonstances les plus embarrassantes) est une défense contre une impulsion spécifique a les dire.
Cette impulsion pouvant apparaitre comme une perversion est le plus souvent ressentie comme une compulsion. Elle est exécutée dans le but d'obliger l'auditeur a avoir, de façon magique, une expérience sexuelle. Ceci n 'est pas l'expression d'un simple souhait sexuel, mais plutôt une tentative de combattre l'angoisse en rapport avec des idées sexuelles. Le facteur sadique dans ce besoin est certain, comme si les mots obsccnes entrainaient un plaisir anal et le parler sexuel un gain libidinal oral.
La « coprolalie » est une espcce de libido régressive jouant un grand rôle dans la symptomatologie de la névrose obsessionnelle.
La névrose obsessionnelle
(Otto Fénichel)
Un asservissement a la pensée dont l’obsédé se défend
grace a des mots « magiques »
La peur de l'omnipotence des pensées rend l'obsédé dépendant de sa façon de penser. Au lieu de maitriser le monde au moyen de la pensée, il est asservi par sa pensée (compulsive) qui remplace sa sexualité incontrôlée.
La tendance a employer des mots « omnipotents » en tant que défense contre le danger explique le fait que les mesures défensives secondaires contre les symptômes compulsifs ont souvent la forme compulsive de la formule magique. La parenté entre la formule compulsive et la formule magique des primitifs a souvent été discutée.
Le tracas d'un patient pendant son traitement venait de l'idée obsédante de voir son analyste mourir pendant une séance; il était donc obligé de se retourner fréquemment et de se rassurer en prononçant la formule sacramentelle: « Le docteur est assis, en vie derricre moi, a distance. » « A distance » le rassurait, ne violant pas le tabou du toucher.
Freud a montré que la croyance a l'omnipotence des pensées correspondait a un fait réel. Elles n'ont évidemment pas l'efficacité externe que leur prete l'obsédé, mais elles ont chez lui une puissance plus grande que chez les autres personnes. Les pensées compulsives ont vraiment un caractcre obligatoire et cette qualité est leur pouvoir. Ce pouvoir est, pour une part un dérivatif de la force biologique des instincts et, pour une autre part, un dérivatif du pouvoir des exigences paternelles.
Les obsédés, bien que dépendant de leurs compulsions, sont en fait non conscients de cette connexion. Ils sous-estiment réellement le pouvoir intérieur des pensées, aussi bien qu'ils en surestiment la force extérieure.
La retraite du sentiment de la pensée réussit, en régie générale, sous l'aspect suivant la pensée compulsive est abstraite, isolée du monde réel des choses concrctes.
La pensée obsessionnelle n 'est pas seulement abstraite, elle est générale, dirigée vers des systématisations et des mises en catégorie, elle est théorique au lieu d'etre réelle. Les patients s'intéressent aux cartes géographiques, aux illustrations, plutôt qu'aux pays et aux choses.
Mais, sous un autre aspect, cette retraite échoue. Les clivages et les contradictions imprégnant la vie émotionnelle des obsédés sont déplacés sur des problcmes intellectuels sexualisés ; il en résulte une rumination et un doute obsessif. Le doute est le conflit instinctuel déplacé au domaine intellectuel. Un patient, regardant la porte, était obligé de gaspiller tout son temps a ruminer autour de ce problcme : Quelle est la chose principale? L'espace vide rempli par la porte, ou la porte remplissant l'espace vide?
Ce problcme « philosophique » couvrait un autre doute : « Quelle est la chose principale dans la sexualité l'homme ou la femme ? » et ceci voulait dire : « Quelle est la chose principale en moi, l'homme ou la femme ? Les contenus inconscients du doute obsessif peuvent etre multiples, bien que les conflits multiples ne soient que des éditions de quelques questions générales, telles que masculinité-féminité (bisexualité) ou haine-amour (ambivalence) et surtout Ça-Surmoi (exigences instinctuelles-exigences de la conscience).
La dernicre formule est la plus décisive. La bisexualité et l’ambivalence ne sont pas des conflits en eux-memes ; ils ne le deviennent que lorsqu'ils sont témoins d'un conflit structural entre une exigence instinctuelle et une force opposante.
Certains doutes obsessifs sont de nature quelque peu plus simple. Par exemple ceux portant sur la validité du propre jugement ou des propres perceptions représentent le désir que ce qui est douteux ne soif pas vrai. Les faits douteux peuvent représenter la sccne primitives ou la différence anatomique des sexes. La fréquence relative du doute obsessif en rapport avec des nouvelles de mort est avant tout une crainte de l'omnipotence de ses propres pensées: le patient essaie de nier le fait, pour réprimer l'idée que ce pourrait bien etre de sa faute; si le doute devient si torturant que le patient dit : «Merci, Seigneur » de soulagement a la confirmation de la nouvelle, la connexion psychologique est la suivante: si le doute était justifié et que l'idée de mort avait son origine dans une interprétation erronée de la nouvelle, la réalité des mauvaises pensées deviendrait certaine; c'est pourquoi la confirmation de la nouvelle est accueillie avec soulagement par le patient ; elle annule soupçon pesant sur lui d'avoir pensé de façon malicieuse a la mort de quelqu'un.
Une vue intérieure sur la nature du doute et de la rumination obsédante, fournit une simple régie technique: ne jamais discuter avec les obsédés de leur problcme obsessif: En le faisant, l'analyste confirmerait rait au patient le mécanisme d'isolation. Aussi longtemps que les pensées du patient sont isolées de ses émotions, seule cette isolation peut etre objet d'analyse et non le contenu qui a été isolé.
Toute-puissance des idées chez l’obsédé
L'idée suivante est en rapport avec le déplacement de la pensée vers l'action. La pensée est préparatrice de l'action. Les personnes craignant l'action en augmentent la préparation. Les obsédés, de la meme façon, pensent plus qu'ils n'agissent, préparant constamment le futur et ne vivant jamais le présent. Bien des symptômes compulsifs ont cette allure de préparation d'un futur qui ne sera jamais vécu.
Le patient se comporte comme Tyll Eulenspiegel, se réjouissant, en montant, de la future descente, et s'attristant pendant la descente en pensant a la montée future. La principale cause de cette préparation exagérée est certainement la peur de la chose réelle. La tendance a la préparation exprime simultanément un plaisir anal a venir et une défécation reportée a plus tard par l'enfant, cette dernicre ayant déjr une double signification : la lutte pour éviter une brusque perte de contrôle et l'obtention d'un plaisir érogcne. Les parties sans importance vers lesquelles l'obsédé déplace l'importance d'un tout important représentent la préparation a l'action au lieu de l'action réelle.
L'obsédé, actif quant a la préparation, agit en accord avec la régie le statu quo est préférable a toute chose nouvelle apportée par un changement. Le statu quo est un moindre mal.
La peur d'un changement quelconque des conditions présentes connues vers un état nouveau dangereux, incite le patient a se cramponner a ses symptômes. La névrose, toute inconfortable qu'elle puisse etre, est bien connue et constitue un moindre mal, comparée aux possibilités que pourrait apporter un changement. Une telle attitude forme une résistance latente limitant les progrcs du traitement. Pour le patient, la névrose est une vieille connaissance. Quelques formes de réactions thérapeutiques négatives a la cure analytique expriment une telle peur du changement.
La peur du changement peut etre remplacée ou accompagnée de son opposé, la tendance au changement continuel. Le monde n'obéit pas, en fait, aux systcmes compulsifs des obsédés ; c'est pourquoi certains obsédés tendent continuellement a changer n'importe quoi, n'importe ou, essayant d'amener le monde en accord avec leur systcme.
La croyance a l'omnipotence des pensées, les sentiments de culpabilité attachés a cette croyance, l'ordre utilisé dans le but de lutter contre ces sentiments de culpabilité, vont illustrer le cas suivant: Dans les jours précédant la déclaration de guerre, un patient accrochait son manteau dans un placard. Soudain retentit le commandement compulsif: « Pends ce manteau avec plus de soin. » Il répondit, résistant : « Je suis trop fatigué. » Alors vint la réponse menaçante: « Si tu ne le fais pas, il y aura la guerre. » Il ne le fit pas.
Quelques jours plus tard, la guerre éclata. Le patient se souvint immédiatement de l'épisode du manteau. Il savait naturellement que ce n'était pas son manque de soin qui avait provoqué la guerre, mais il en avait l'impression. Quelque temps auparavant, il s'était convaincu qu'il mourrait pendant une guerre; il ressentit cela comme une punition pour son manque de soin envers son manteau.
L'intéret du patient pour la guerre avait une longue histoire. Enfant, il craignait son pcre tyrannique et refoulait son angoisse en effrayant son jeune frcre. Il se comportait plutôt sadiquement envers ce jeune frcre, en particulier en jouant a la guerre. Quand il fut adolescent, le jeune frcre mourut de maladie. Le patient réagit a cette mort avec l'idée obsessive qu'il mourrait de la guerre. Cette idée obsessive exprimait l'idée inconsciente: « J'ai tué mon frcre en jouant a la guerre, je dois m'attendre au talion et mourir a la guerre. »
Le pcre du patient était trcs ordonné. Pendre correctement le manteau signifiait obéissance au pcre. Des arguments tels que « Vous devez pendre ce manteau - Je suis trop fatigué » avaient sou l'en t été échangés entre le pcre et le fils. Plus tard, l'ordre, obéissance au pcre, prit la valeur d'une protection contre le meurtre du pcre. « Le manque de soin », signifia « essayer de tuer au risque d'etre tué». Le jour de l'histoire du manteau, le patient avait subi une frustration professionnelle et était particulicrement en colcre.
La connexion du ((microcosme » des mots avec l'idée de « maitrise des possessions » rend compréhensible que la sexualité attachée a la pensée prenne, a chaque sexualisation de cette dernicre, un caractcre anal. Pendant l'analyse les obsédés comparent consciemment ou inconsciemment, la production ou la non-production d'association avec la production ou la non-production de fcces.
Une patiente, qui avait a parler souvent en public, montra l'équivalence certaine de ses mots, non avec les fcces, mais avec l'urine. En parlant, il lui arrivait souvent de perdre le contrôle des mots qui se déversaient de sa bouche. Quelquefois, ils s'arretaient brusquement, et elle ressentait une espcce de trac, ne sachant que dire et se sentant vidée de tout matériel. Mais elle inventa un truc pour surmonter cette inhibition : elle avait une bouteille d'eau sur son bureau et, aprcs s'etre «remplie jusqu'en haut » d'eau, elle n'avait plus qu’r laisser ressortir les mots.
L'analyse peut aussi démontrer que des détails d’une nature beaucoup plus délicate de la manicre de penser ou de parler sont des répétitions de détails correspondant a des habitudes de toilette enfantine. Les fantasmes d'omnipotence, qui sont en relation avec les pensées et les mots, apparaissent comme étant une répétition de la surestimation narcissique infantile des fonctions excrétoires.
Les manifestations névrotiques de la tete et de la voix sont souvent trouvées, en analyse, sous la dépendance de l'érotisme anal, ceci en accord avec la sexualisation anale des pensées et des mots.
Cette découverte n 'est pas incompatible avec le fait que la pensée et la parole sont souvent utilisées comme symboles du pénis, et la capacité de parler ou de penser comme un signe de puissance. La concurrence de significations phallique et anale dans l'obsession est due a la régression.
Il est possible que la relation physiologique entre le volume sanguin de la tete et celui des organes abdominaux aide a l'établissement de la connexion inconsciente entre « pensées » et « fcces ».
Un obsédé souffrant de céphalées chroniques, se référait a ce symptôme en disant: « Mes nerfs me heurtent. » Il imaginait les nerfs comme des fils blancs ou rosatres, idée acquise chez le dentiste a la vue d'un nerf dentaire. Une fois, il reva de son « nerf vague », c’est-r-dire du nerf qui « errait ».
Il l'associa avec un fil blanc qui aurait pu trouver son chemin vers sa tete venant d'en bas et qui devait maintenant tourner en rond dans sa tete et causer sa céphalée de cette façon. Cette idée était en rapport avec une expérience enfantine: il avait eu des vers intestinaux. Il supposait inconsciemment que ces vers produisaient maintenant des céphalées comme ils lui avaient provoqué des symptômes anaux, dans son enfance.
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