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LES DIVERS ÉLÉMENTS D’UNE CIVILISATION COMME MANIFESTATION EXTÉRIEURE DE L’AME D’UN PEUPLE

la sociologie



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LES DIVERS ÉLÉMENTS D’UNE CIVILISATION COMME MANIFESTATION EXTÉRIEURE DE L’AME D’UN PEUPLE



Les éléments dont une civilisation se compose sont les manifestations extérieures de l’ame des peuples qui les ont créés. — L’importance de ces divers éléments varie d’un peuple à mi autre. — Les arts, la littérature, les institutions, etc., jouent, suivant les peuples, le rôle fondamental. — Exemples fournis dans l’antiquité par les Égyptiens, les Grecs et les Romains. — Les divers éléments d’une civilisation peuvent avoir une évolution indépendante de la marche générale de cette civilisation. — Exemples fournis par les arts. — Ce qu’ils traduisent. — Impossibilité de trouver dans un seul élément d’une civilisation la mesure du niveau de cette civilisation. — Éléments qui assurent la supériorité à un peuple. — Des éléments philosophiquement fort inférieurs peuvent Être, socialement, trÈs supérieurs.

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Les éléments divers : langues, institutions, idées, croyances, arts, littérature, dont une civilisation se compose, doivent Être considérés comme la manifestation extérieure de l’ame des hommes qui les ont créés. Mais suivant les époques et les races, l’importance de ces éléments comme expression de l’ame d’un peuple est fort inégale.

Il n’est guÈre aujourd’hui de livres consacrés aux œuvres d’art, oÙ il ne soit répété qu’elles traduisent fidÈlement la pensée des peuples et sont la plus importante expression de leur civilisation.

Sans doute il en est souvent ainsi, mais il s’en faut de beaucoup que cette rÈgle soit absolue, et que le développement des arts corresponde toujours au développement intellectuel des nations. S’il est des peuples pour qui les œuvres d’art sont la plus importante manifestation de leur ame, il en est d’autres, trÈs haut placés pourtant sur l’échelle de la civilisation, chez qui les arts n’ont joué qu’un rôle fort secondaire. Si l’on était condamné à écrire l’histoire de la civilisation de chaque peuple en ne prenant qu’un élément, cet élément devrait varier d’un peuple à l’autre.Ce seraient les arts pour les uns, mais, pour les autres, ce seraient les institutions, l’organisation militaire, l’industrie, le commerce, etc., qui nous permettraient de les mieux connaitre. C’est un point qu’il importe d’abord d’établir, car il nous permettra plus tard de comprendre pourquoi les divers éléments de la civilisation ont subi des transformations trÈs inégales en se transmettant d’un peuple à un autre.

Parmi les peuples de l’antiquité, les Égyptiens et les Romains présentent des exemples tout à fait caractéristiques de cette inégalité dans le développement des divers éléments d’une civilisation, et mÊme dans les diverses branches dont chacun de ces éléments se compose.

Prenons d’abord les Égyptiens. Chez eux, la littérature fut toujours trÈs faible, la peinture fort médiocre. L’architecture et la statuaire produisirent au contraire des chefs-d’œuvre. Leurs monuments provoquent encore notre admiration. Les statues qu’ils nous ont laissées telles que le Scribe, le Cheik-el-Beled, Rahotep, Nefert-Ari, et bien d’autres, seraient encore des modÈles aujourd’hui, et ce n’est que pendant une bien courte période que les Grecs ont réussi à les surpasser.

Des Égyptiens, rapprochons les Romains, qui jouÈrent un rôle si prépondérant dans l’histoire. Ils ne manquÈrent ni d’éducateurs ni de modÈles, puisqu’ils avaient les Égyptiens et les Grecs derriÈre eux ; et, cependant, ils ne réussirent pas à se créer un art personnel. Jamais, peut-Être, aucun peuple ne manifesta moins d’originalité dans ses productions artistiques. Les Romains se souciaient fort peu des arts, ne les envisageaient guÈre qu’au point de vue utilitaire et n’y voyaient qu’une sorte d’article d’importation analogue aux autres produits, tels que les métaux, les aromates et les épices qu’ils demandaient aux peuples étrangers. Alors qu’ils étaient déjà les maitres du monde, les Romains n’avaient pas d’art national, et mÊme, à l’époque oÙ la paix universelle, la richesse et les besoins du luxe développÈrent un peu leurs faibles sentiments artistiques, ce fut toujours à la GrÈce qu’ils demandÈrent des modÈles et des artistes. L’histoire de l’architecture et de la sculpture romaines ne sont guÈre qu’un sous-chapitre de l’histoire de l’architecture et de la sculpture grecques.

Mais ce grand peuple romain, si inférieur dans ses arts, éleva au plus haut degré trois autres éléments de la civilisation. Il eut des institutions militaires qui lui assurÈrent la domination du monde ; des institutions politiques et judiciaires que nous copions encore ; enfin il créa une littérature dont la nôtre s’est inspirée pendant des siÈcles.

Nous voyons donc, d’une façon frappante, l’inégalité de développement des éléments de la civilisation chez deux nations dont le haut degré de culture ne saurait Être contesté, et nous pouvons pressentir les erreurs auxquelles on s’exposerait en ne prenant pour échelle qu’un de ces éléments, les arts par exemple. Nous venons de trouver chez les Egyptiens des arts extrÊmement originaux et remarquables, la peinture exceptée ; une littérature, au contraire, fort médiocre. Chez les Romains, des arts médiocres, sans traces d’originalité, nais une littérature brillante, et enfin des institutions politiques et militaires de premier ordre.

Les Grecs eux-mÊmes, un des peuples qui ont manifesté le plus de supériorité dans les branches les plus différentes, peuvent Être cités également pour prouver le défaut de parallélisme entre le développement des divers éléments de la civilisation. A l’époque homérique, leur littérature était déjà fort brillante, puisque les chants d’HomÈre sont encore regardés comme des modÈles dont la jeunesse universitaire de l’Europe est condamnée à se saturer depuis des siÈcles ; et pourtant les découvertes de l’archéologie moderne ont prouvé qu’à l’époque à laquelle remontent les chants homériques, l’architecture et la sculpture grecques étaient grossiÈrement barbares, et ne se composaient que d’informes imitations de l’Égypte et de l’Assyrie.

Nais ce sont surtout les hindous qui nous montreront ces inégalités de développement des divers éléments de la civilisation. Au point de vue de l’architecture, il est bien peu de peuples qui les aient dépassés. Au point de vue de la philosophie, leurs spéculations ont atteint une profondeur à laquelle la pensée européenne n’est arrivée qu’à une époque toute récente. En littérature, s’ils ne valent pas les Grecs et les Latins, ils ont produit cependant des morceaux admirables. Pour la statuaire, ils sont au contraire médiocres et trÈs au-dessous des Grecs. Sur le domaine des sciences et sur celui des connaissances historiques, ils sont absolument nuls, et on constate chez eux une absence de précision qu’on ne rencontre chez aucun peuple à un pareil degré. Leurs sciences n’ont été que des spéculations enfantines ; leurs livres d’histoire d’absurdes légendes, ne renfermant pas une seule date et probablement pas un seul événement exact. Ici encore, l’étude exclusive des arts serait insuffisante pour donner l’échelle de la civilisation chez ce peuple.

Bien d’autres exemples peuvent Être fournis à l’appui de ce qui précÈde. Il y a des races qui, sans jamais avoir occupé un rang tout à fait supérieur, réussirent à se créer un art absolument personnel, sans parenté visible avec les modÈles antérieurs. Tels furent les Arabes. Moins d’un siÈcle aprÈs qu’ils eurent envahi le vieux monde gréco-romain, ils avaient transformé l’architecture byzantine adoptée par eux tout d’abord, au point qu’il serait impossible de découvrir de quels types ils se sont inspirés, si nous n’avions encore sous les yeux la série des monuments intermédiaires.

Alors mÊme d’ailleurs qu’il ne posséderait aucune aptitude artistique ou littéraire, un peuple peut créer une civilisation élevée. Tels furent les Phéniciens, qui n’eurent d’autre supériorité que leur habileté commerciale. C’est par leur intermédiaire que s’est civilisé le monde antique dont ils mirent toutes les parties en relation ; mais par eux-mÊmes ils n’ont à peu prÈs rien produit, et l’histoire de leur civilisation n’est que l’histoire de leur commerce.

Il est enfin des peuples chez qui tous les éléments de la civilisation restÈrent inférieurs, à l’exception des arts. Tels furent les Mogols. Les monuments qu’ils élevÈrent dans l’Inde, et dont le style n’a presque rien d’hindou, sont tellement splendides qu’il en est quelques-uns que des artistes compétents ont qualifié des plus beaux monuments édifiés par la main des hommes ; et cependant personne ne pourrait songer à classer les Mogols parmi les races supérieures.

On remarquera d’ailleurs que, mÊme chez les peuples les plus civilisés, ce n’est pas toujours à l’époque culminante de leur civilisation que les arts atteignent le plus haut degré de développement. Chez les Égyptiens et chez les Hindous, les monuments les plus parfaits sont généralement les plus anciens ; en Europe, c’est au moyen age, regardé comme une époque de demi-barbarie, qu’a fleuri ce merveilleux art gothique dont les œuvres admirables n’ont jamais été égalées.

Il est donc tout à fait impossible de juger du niveau d’un peuple uniquement par le développement de ses arts. Ils ne constituent, je le répÈte, qu’un des éléments de sa civilisation ; et il n’est pas démontré du tout que cet élément — pas plus que la littérature d’ailleurs — soit le plus élevé. Souvent, au contraire, ce sont les peuples placés à la tÊte de la civilisation les Romains dans l’antiquité, les Américains de nos jours, chez qui les œuvres artistiques sont les plus faibles. Souvent aussi, comme nous le disions à l’instant, ce fut aux ages de demi-barbarie que les peuples enfantÈrent leurs chefs-d’œuvre littéraires et artistiques, leurs chefs-d’œuvre artistiques surtout. Il semblerait mÊme que la période de personnalité dans les arts, chez un peuple, est une éclosion de son enfance ou de sa jeunesse, et non pas de son age mÛr ; et, si l’on considÈre que, dans les préoccupations utilitaires du monde nouveau dont nous entrevoyons l’aurore, le rôle des arts est à peine marqué, nous pouvons prévoir le jour oÙ ils seront classés parmi les manifestations, sinon inférieures, au moins tout à fait secondaires d’une civilisation.

Bien des raisons s’opposent à ce que les arts suivent dans leur évolution des progrÈs parallÈles à ceux des autres éléments d’une civilisation et puissent toujours renseigner par conséquent sur l’état de cette civilisation. Qu’il s’agisse de l’Égypte, de la GrÈce ou des divers peuples de l’Europe, nous constatons cette loi générale qu’aussitôt que l’art a atteint un certain niveau, c’est-à-dire que certains chefs-d’œuvre ont été créés, commence immédiatement une période de décadence, tout à fait indépendante du mouvement des autres éléments de la civilisation. Cette phase de décadence des arts subsiste jusqu’à ce qu’une révolution politique, une invasion, l’adoption de croyances nouvelles ou tout autre facteur vienne introduire dans l’art des éléments nouveaux. C’est ainsi qu’au moyen age les croisades apportÈrent des connaissances et des idées nouvelles qui imprimÈrent à l’art une impulsion d’oÙ résulta la transformation du style roman en style ogival. C’est ainsi encore que, quelques siÈcles plus tard, la Renaissance des études gréco-latines amena la transformation de l’art gothique en art de la Renaissance. C’est également ainsi que, dans l’Inde, les invasions musulmanes amenÈrent la transformation de l’art hindou.

Il importe de remarquer, également, que puisque les arts traduisent d’une façon générale certains besoins de la civilisation et correspondent à certains sentiments ils sont condamnés à subir des transformations conformes à ces besoins, et mÊme à disparaitre entiÈrement si les besoins et les sentiments qui les ont engendrés viennent eux-mÊmes à se transformer ou à disparaitre. Il ne s’ensuivra pas du tout pour cela que la civilisation soit en décadence, et ici encore nous saisissons le défaut de parallélisme entre l’évolution des arts et celle des autres éléments de la civilisation. A aucune époque de l’histoire, la civilisation n’a été aussi élevée qu’aujourd’hui, et à aucune époque, peut-Être, il n’y eut d’art plus banal et moins personnel. Les croyances religieuses, les idées et les besoins qui faisaient de l’art un élément essentiel de la civilisation, aux époques oÙ elle avait pour sanctuaires les temples et les palais, ayant disparu, l’art est devenu un accessoire, une chose d’agrément à laquelle il n’est possible de consacrer ni beaucoup de temps ni beaucoup d’argent. N’étant plus une nécessité, il ne peut plus guÈre Être qu’artificiel et d’imitation. Il n’y a plus de peuples aujourd’hui qui aient un art national, et chacun, en architecture comme en sculpture, vit des copies plus ou moins heureuses d’époques disparues.

Elles représentent sans doute des besoins ou des caprices, ces modestes copies, mais il est visible qu’elles ne sauraient traduire nos idées modernes. J’admire les œuvres naÃves de nos artistes du moyen age peignant des saints, le Christ, le paradis et l’enfer, choses tout à fait fondamentales alors, et qui étaient le principal objectif de l’existence ; mais quand des peintres qui n’ont plus ces croyances couvrent nos murs de légendes primitives ou de symboles enfantins, en essayant de revenir à la technique d’un autre age, ils ne font que de misérables pastiches sans intérÊt pour le présent et que méprisera l’avenir.

Les seuls arts réels, les seuls qui traduisent une époque, sont ceux oÙ l’artiste représente ce qu’il sent ou ce qu’il voit au lieu de se borner à des imitations de formes correspondant à des besoins ou à des croyances que nous n’avons plus. La seule peinture sincÈre de nos jours est la reproduction des choses qui nous entourent, la seule architecture également sincÈre, est celle de la maison à cinq étages, du viaduc et de la gare de chemin de fer. Cet art utilitaire correspond aux besoins et aux idées de notre civilisation. Il est aussi caractéristique d’une époque que le fut jadis l’église gothique et le chateau féodal. Pour l’archéologue de l’avenir, les grands caravansérails modernes et les églises gothiques anciennes présenteront un intérÊt égal parce que ce seront des pages successives de ces livres de pierre que chaque siÈcle laisse derriÈre lui, alors qu’il dédaignera comme d’inutiles documents les maigres contrefaçons de tant d’artistes modernes.

Chaque esthétique représente l’idéal d’une époque et d’une race, et par cela seul que les époques et les races sont différentes, l’idéal doit constamment varier. Au point de vue philosophique, tous les idéals se valent, car ils ne constituent que de transitoires symboles.

Les arts sont donc de mÊme que tous les éléments d’une civilisation, la manifestation extérieure de l’ame du peuple qui les a créés, mais nous devons reconnaitre aussi qu’il s’en faut de beaucoup qu’ils constituent pour tous les peuples la plus exacte manifestation de leur pensée.

La démonstration était nécessaire. Car, à l’importance que prend chez un peuple un élément de civilisation, se mesure la puissance de transformation que ce peuple applique au mÊme élément lorsqu’il l’emprunte à une race étrangÈre. Si sa personnalité se manifeste surtout dans les arts, par exemple, il ne saura reproduire des modÈles importés sans les marquer profondément à son empreinte. Au contraire, il transformera peu les éléments qui ne sauraient servir d’interprÈtes à son génie. Lorsque les Romains adoptÈrent l’architecture des Grecs, ils ne lui tirent pas subir de modifications radicales, parce que ce n’est pas dans leurs monuments qu’ils mettaient le plus de leur ame.

Et, cependant, mÊme chez un pareil peuple, dénué d’une architecture personnelle, obligé d’aller chercher à l’étranger ses modÈles et ses artistes, l’art est obligé de subir en peu de siÈcles l’influence du milieu et de devenir, presque malgré lui, l’expression de la race qui l’adopte. Les temples, les palais, les arcs de triomphe, les bas-reliefs de la Rome antique sont œuvres de Grecs ou d’élÈves de Grecs ; et pourtant le caractÈre de ces monuments, leur destination, leurs ornements, leurs dimensions mÊmes, n’éveillent plus en nous les souvenirs poétiques et délicats du génie athénien, mais bien l’idée de force, de domination, de passion militaire, qui soulevait la grande ame de Rome. Ainsi, mÊme sur le domaine oÙ elle se montre le moins personnelle, une race ne peut faire un pas sans y laisser quelque trace qui n’appartient qu’à elle et qui nous révÈle quelque chose de sa constitution mentale et de son intime pensée.

C’est qu’en effet l’artiste véritable, qu’il soit architecte, littérateur ou poÈte, possÈde la faculté magique de traduire dans ses synthÈses l’ame d’une époque et d’une race. TrÈs impressionnables, trÈs inconscients, pensant surtout par images, et raisonnant fort peu, les artistes sont à certaines époques les miroirs fidÈles de la société dans laquelle ils vivent ; leurs œuvres, les plus exacts des documents qu’on puisse invoquer pour restituer une civilisation. Ils sont trop inconscients pour n’Être pas sincÈres, et trop impressionnés par le milieu qui les entoure pour ne pas en traduire fidÈlement les idées, les sentiments, les besoins et les tendances. De liberté, ils n’en ont pas, et c’est ce qui fait leur force. Ils sont enfermés dans un réseau de traditions, d’idées, de croyances, dont l’ensemble constitue l’ame d’une race et d’une époque, l’héritage de sentiments, de pensées et d’inspirations dont l’influence est toute-puissante sur eux, parce qu’elle gouverne les régions obscures de l’inconscient oÙ s’élaborent leurs œuvres. Si, n’ayant pas ces œuvres, nous ne savions des siÈcles morts que ce qu’en disent les absurdes récits et les arrangements artificiels des livres d’histoire, le véritable passé de chaque peuple nous serait presque aussi fermé que celui de cette mystérieuse Atlantide submergée par les flots dont parle Platon.

Le propre de l’œuvre d’art réelle est donc d’exprimer sincÈrement les besoins et les idées du temps qui l’ont vue naitre. De tous les langages divers qui racontent le passé, les œuvres d’art, celles de l’architecture surtout, sont les plus intelligibles encore. Plus sincÈres que les livres, moins artificielles que les religions et les langues, elles traduisent à la fois des sentiments et des besoins. L’architecte est le constructeur de la demeure de l’homme et de celle des dieux ; or ce fut toujours dans l’enceinte du temple et dans celle du foyer que s’élaborÈrent les causes premiÈres des événements qui constituent l’histoire.

De ce qui précÈde nous pouvons conclure que si les divers éléments dont une civilisation se compose sont bien l’expression de l’ame du peuple qui les a créés, certains de ces éléments variables suivant les races et variables aussi suivant les époques chez la mÊme race traduisent beaucoup mieux que d’autres l’ame d’une race.

Mais puisque la nature de ces éléments varie d’un peuple à l’autre, d’une époque à l’autre, il est évident qu’il est impossible d’en trouver un seul dont on puisse se servir comme de commune mesure pour évaluer le niveau des diverses civilisations.

Il est évident aussi qu’on ne peut établir entre ces éléments de classement hiérarchique, car le classement varierait d’un siÈcle à l’autre, l’importance des éléments considérés variant elle-mÊme avec les époques.

Si l’on ne jugeait de la valeur des divers éléments d’une civilisation qu’au point de vue de l’utilité pure, on arriverait à dire que les éléments de civilisation les plus importants sont ceux qui permettent à un peuple d’asservir les autres, c’est-à-dire les institutions militaires. Mais alors il faudrait placer les Grecs, artistes, philosophes et lettrés, au-dessous des lourdes cohortes de Rome, les sages et savants Égyptiens au-dessous des Perses demi-barbares, les Hindous au-dessous des Mogols également demi-barbares.

Ces distinctions subtiles, l’histoire ne s’en préoccupe guÈre. La seule supériorité, devant laquelle elle s’incline toujours, est la supériorité militaire ; mais celle-ci s’accompagne bien rarement d’une supériorité correspondante dans les autres éléments de la civilisation, ou, du moins, ne la laisse pas subsister longtemps à ses côtés. La supériorité militaire ne peut malheureusement s’affaiblir chez un peuple sans qu’il soit bientôt condamné à disparaitre. Ce fut toujours alors qu’ils étaient arrivés à l’apogée de la civilisation, que les peuples supérieurs durent céder la place à des barbares trÈs inférieurs à eux par l’intelligence, mais possédant certaines qualités de caractÈre et de valeur guerriÈre, que les civilisations trop raffinées ont toujours eu pour résultat de détruire.

Il faudrait donc arriver à cette conclusion attristante que ce sont les éléments, philosophiquement inférieurs, d’une civilisation qui, socialement, sont les plus importants. Si les lois de l’avenir devaient Être celles du passé, on pourrait dire que ce qui est le plus nuisible pour un peuple, c’est d’Être arrivé à un trop haut degré d’intelligence et de culture. Les peuples périssent dÈs que s’altÈrent les qualités de caractÈre qui forment la trame de leur ame et ces qualités s’altÈrent dÈs que grandissent leur civilisation et leur intelligence.



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